La Lettre 52 - page 16

LA LETTRE
N°52
ossier
DÉSIR SEXUEL MASCULIN, TESTOSTÉRONE
ET CERVEAU
SERGE STOLÉRU (
CESP, Fac. demédecine -Univ.
Paris-Sud -UVSQ, INSERM,UniversitéParis-Saclay,
Villejuif)
Depuisunevingtained’années, il estdevenupossibled’étu-
dier dans l’espècehumaine les corrélats neurauxdudésir
sexuelgrâceaux techniquesdeneuroimagerie fonctionnelle,
notamment l’imageriepar résonancemagnétique fonction-
nelle (IRMf)et la tomographieparémissiondepositons (TEP).
Ces études sont parvenues à identifier un ensemble de
régionscérébralesdont l’activation (ou ladésactivation) est
corréléeà laprésentationexpérimentalede stimuli sexuels
visuels.Plusieursméta-analysesont indiqué les régionspour
lesquellescesétudessontparvenuesàunconsensus
(1,2)
.
Nousavonsproposé
(3)
unmodèleneurophénoménologique
dudésir sexuel comportant quatrecomposantes (figure1):
1)Lacomposantecognitive: ellecomprendessentiellement
l’évaluationdes stimuli externes et l’attentionpour ceux-ci,
mais aussi l’activitéd’imageriementale liée à ces stimuli,
qu’ellesoit conscienteounon ;
2) La composantemotivationnelle: sur le plan de l’expé-
rience vécuepar le sujet, cedernier ressent l’impulsionde
semouvoir et une envied’agir qui tend à lemobiliser vers
l’objet desonattirance ;
3)Lacomposanteémotionnelle:ellecomprendd’unepart le
vécucorporel accompagnant ledésirsexuel et,d’autrepart,
lesémotions ressentiesdans la relationà l’autre.
4)Lacomposantecorporelle: elle-mêmesedécomposeen
deuxparties: (i) les réponsesducorps (réactionsgénitales,
cardiaques, respiratoires,hormonales,etc.)et (ii) lespercep-
tionsémanant deces réponsesducorps.
Dans cemodèle, l’activationdecertaines régionsprécises
correspondàchacunedesquatrecomposantes.Deplus, le
modèlecomporte,outredes régionsactivatrices,des régions
qui exercent une action inhibitrice sur le déploiement du
désir sexuel.
Cependant, un réseaude régions cérébrales similaire ré-
pond àdes types demotivationdivers, tels que la faim, le
désir sexuel, l’appétencepour diversesdrogues, etc.)
(4)
.
Aussi, convient-il dechercher à identifier les régionsdont la
réponse est spécifiquement liée audésir sexuel. Unedes
voies possibles pour tenter d’y parvenir est dedéterminer
quelles régionsvoient leur réponseauxstimuli sexuelsvisuels
moduléepar la testostéroneplasmatique
(5)
.
En effet, il est clair que la testostérone a un effet majeur
sur ledésir sexuelmasculin, comme lemontre labaissede
celui-ci sous l’effet de la castration ou suiteà l’administra-
tiond’unagent pharmacologiqueabaissant la testostérone
plasmatique
(6, 7)
. Il est vraisemblableque cet effet de la
testostéronepasseparsonactionsurcertaines régionscéré-
bralesdont on sait qu’elles sont riches en récepteursde la
testostérone, notamment certainsnoyauxhypothalamiques
(8)
. Point important, la testostérone n’ad’effet sur ledésir
sexuel que si elleest administréeàdes sujetschezqui elle
estbasse.Ellen’augmentepas ledésirsexuelchezdessujets
eugonadiquesetquiprésententun troubledudésird’origine
psychologiqueappelédésir sexuel hypoactif
(9)
.
Dans notre étude
(5)
, nous avons comparé un groupe
de neuf patients présentant un hypogonadismemarqué
(testostérone<150ng/100ml) àungroupe témoindehuit
sujets sans problème clinique. Six types de stimuli visuels
furent présentés: films sexuellement explicites, photogra-
phiesde femmes cotéespréalablement par d’autres sujets
témoins comme sans caractère sexuellement stimulant,
commemoyennement stimulantessexuellement, oucomme
fortement stimulantessexuellement; filmsàcaractèrehumo-
ristique,etfilmsdocumentairesémotionnellementneutres.Les
patients furent examinésàdeux reprises: (i)aprèsaumoins
Figure1
-Schémadumodèleneurophénoménologiquede l’excitation sexuelle.
1...,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15 17,18,19,20,21,22,23,24,25,26,...36
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