La Lettre 52 - page 21

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cellulaires, d’autre part leGPER, (G-protein coupled es-
trogen receptor), localisépréférentiellement à lamembrane.
La transductiondusignal estrogéniquepeutdoncse fairepar
cesdifférentsRE, par desvoiesgénomiquesounongéno-
miques, qui régulent, de concert ou séparément, diverses
signalisations.
Outre la diversité des RE, ligands, co-facteurs de trans-
cription et voies de signalisations possibles, la complexité
est accruepar le fait que lesRE sont exprimés dans tous
les typescellulairesducerveau, et présentent despatrons
d’expressiondifférentsselon leREconsidéré
(7)
.Ainsi,chez
l’Hommeet chez le rongeur, leGPERest fortement exprimé
et largement distribuédans l’hippocampeet à l’inverse, les
expressionsdesRE
a
etRE
b
semblentmoindreset variables
selon lechamphippocampique, l’espèceet l’âgeconsidérés.
Face à cette complexité, les approches ciblant de plus
enplus précisément une voie spécifiquedans une région
cérébraledonnée, sont essentielles. À ce jour, les études
parmanipulationgénétiqued’unsous typedeRE,mêmesi
elles ne sont pas dépourvues d’éléments contradictoires,
indiquentplutôtque lesRE
a
hippocampiquesseraient ceux
nécessaires aumaintiend’unemémoire normale. En effet,
ladélétiondeRE
a
adeseffetsdélétèressur lamémoire, et
la surexpressiondeRE
a
, mais pas deRE
b
, dans l’hippo-
campe, restaure leseffetsbénéfiquesde l’E2sur laplasticité
synaptiqueNMDA-dépendanteet sur lamémoirespatialedes
rattesovariectomisées. LesRE
b
quant àeux, réguleraient la
transcriptionmédiéepar lesRE
a
en fonctiondesvariationsdu
tauxd’E2,etcette interactionentreRE
a
etRE
b
pourrait jouer
un rôledans lesvariationsdeseffetsde l’E2 liéesà l’âge
(8)
.
Quel impact de l’âge?
L’âgeseraitun facteur important,puisqu’unediminutionde la
sensibilitéauxestrogènesest invoquéepourexpliquer l’inef-
ficacitédesTHSau-delàde65ans. Laplupart desétudes
menées sur lemodèle d’ovariectomie chez l’animal âgé,
ont confirmé lesdonnéesobtenueschez les femmesméno-
pausées, àsavoirque leseffetsbénéfiquesdes traitements
œstrogéniques diminuent avec l’avancée en âge, mettant
ainsi enévidence l’existenced’une« fenêtred’opportunité»
le typed’estrogène utilisé, ladose et duréedu traitement,
l’âgedu sujet et laduréede lapériodededéplétion avant
ledébut du traitement. L’effet dépendrait aussi de la tâche
utiliséepour évaluer leseffetscognitifs
(2)
.
Quellescomposantesde lamémoire?
Unepremière ligned’explicationà l’hétérogénéitédesdon-
néesde la littérature tient aupolymorphismede lamémoire.
Celle-ci n’est pas une fonction unitairemais renvoie àdes
capacités et processusdivers, reposant sur des systèmes
cérébrauxaumoinspartiellementdifférents
1
,et inégalement
sensibles aux estrogènes. Les testsmnésiques sollicitent
avecplus oumoins de sélectivité, une/un ouplusieurs de
cescapacitéset processusmnésiques.
Ainsi, s’il est globalement admis qu’un tauxminimal d’E2
serait nécessaire aux formes demémoire dites « hippo-
campo-dépendantes»,déclarative, spatiale, temporelleou
contextuelle, lamodulationdes autres formes demémoire
sembleplusdiscutable. Il estaussi admisque l’E2 favoriserait
l’utilisationde stratégies d’apprentissagebasées sur l’hip-
pocampe lorsqueplusieurssontpossibles
(3)
.Parexemple,
les jeunes femmes utilisent des stratégies différentes pour
s’orienter dans un labyrinthe virtuel oumémoriser une liste
demots, selon laphasede leur cyclemenstruel
(4)
.
Toutefois,nousavons récemmentmontréque l’E2ne favorise
pas toutes lescomposantesmnésiques impliquant l’hippo-
campe: il améliore la rétentiond’associations temporelles
et/ou spatiales, mais pas le processus d’organisation de
ces informations qui permettrait d’éviter les interférences
(5,6)
. Ainsi, dans une tâche spatiale qui fait appel, à des
degrésvariables, à lacapacitéde rétentionainsi qu’àcelle
d’organisation de lamémoire, nous avons observé qu’un
même traitement à l’E2peut améliorer oudégrader laper-
formancedesmêmesanimaux. Il augmente laperformance
lorsque la tâche fait essentiellement appel à la capacité
de rétention,mais il réduit laperformance lorsque la tâche
solliciteprincipalement lacapacitéd’organisation
(5)
.Cette
dernière composantemnésique est peu étudiée. Elle est
pourtant critique lorsquenousdevonsmémoriser, sans les
confondre, lesévènements relativement insignifiantset hau-
tement répétitifsdenotrequotidien (e.g. «oùai-jegaréma
voiture?... cematin, et non pas hier »). Dans un contexte
d’expositioncroissantede lapopulationauxestrogènesde
l’environnement, la découverte d’un effet potentiellement
délétère sur unecomposantemnésiquemajeure, souligne
l’importancedemieux caractériser les effets cognitifs des
estrogènes.
Quelle(s) voie (s) d’actiondesestrogènesparmi les
diversespossibles?
L’hétérogénéitédesdonnéesde la littérature tientégalement
à ladiversitédes estrogènes et de leurs voiesd’action
(1)
.
Les trois formesprincipalesd’estrogènesendogènes, l’E2,
l’estroneet l’estriol,peuvent se lieravecuneaffinitévariable
aux différents RE. Ces derniers comprennent d’une part
lesRE
a
etRE
b
, initialement considéréscommestrictement
nucléaires (etagissantcommedes facteursde transcription),
mais identifiés ensuitedans les différents compartiments
1
De façon schématiqueondistingue lamémoireà court-terme, ou
mémoire de travail et lamémoire à long-terme. Cette dernière
se subdivise en deux grandes catégories: i) lamémoire dite
«déclarative»(ouexplicite),oumémoireconscienteetverbalisable
des connaissances sur lemonde (mémoire sémantique) et des
événementsdenotrevie (mémoireépisodique,autobiographique);
ii) lamémoirenondéclarativerenvoieàdiverses formesdesavoir-
faires, automatismes, biais ou conditionnements,mobilisables ou
susceptiblesd’influencernotre comportement sansaccès explicite
et conscient àdes souvenirs spécifiques. Cesdifférentes formesde
mémoirenereposentpassur lesmêmescircuitscérébrauxetnesont
pas toutesaffectéespar levieillissement. Lamémoiredéclarative,
surtout dans sa composante épisodique, est préférentiellement
affectéedansdenombreuxsyndromesneuropsychiatriquesetdans
levieillissement.Elleest trèsdépendantede l’intégrité fonctionnelle
de l’hippocampe,qui joueraitunrôle transitoiremaiscrucialdans
le stockagedesassociations complexesentre stimuli sur lesquelles
reposentnossouvenirsautobiographiques(quoi?où? quand?dans
quel contexte?). On considèreque les équivalents de lamémoire
déclarative chez l’animal sont les apprentissages dépendants de
l’hippocampe.
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