La Lettre 52 - page 20

LA LETTRE
N°52
ossier
dans les régionscérébralescritiquesà la fonctionmnésique,
comme l’hippocampe, les étudesmenées principalement
sur desmodèlesanimauxd’ovariectomieet chez la femme
ménopauséeont suscitéunengouement pour cedomaine
de recherche,enétayant l’idéeque lesestrogènescontribue-
raientaubon fonctionnementde lamémoire.L’enthousiasme
initial acependant été fortement atténuépar l’échecdecer-
tains traitementshormonauxdesubstitutionde laménopause
(THS), révélant lacomplexitédes liensentreestrogèneset
fonctionscognitives
(1)
.Cettecomplexité tientà lamultiplicité
desestrogènesetdesvoiesdesignalisationcellulairequ’ils
contrôlent,et,concernant lamémoire, aupolymorphismede
cette fonction.Néanmoins, ladiversificationdesmodèleset
approchesexpérimentalesdevraitpermettred’éluciderces
lienscomplexes, et nouspensonsquecetteélucidationest
nécessairepourdeux raisonsprincipales.D’unepart, levieil-
lissement croissantdespopulations rendurgentde trancher
laquestionde l’intérêtpotentieldesestrogènescommecible
thérapeutiquedudéclincognitif liéà l’âge, aussi bienchez
la femme, quechez l’homme.D’autrepart, l’accroissement
denotreexpositionauxestrogènesde l’environnement, rend
nonmoins urgent d’identifier l’ensembledesmécanismes
par lesquels ces composés sont susceptiblesd’affecter la
santédesdiversescatégoriesdepopulation.
Estrogènesnécessairesà lamémoire?
L’essentiel deceque l’on sait du rôledesestrogènesdans
lamémoire provient des étudesmenées sur lesmodèles
animaux d’ovariectomie (essentiellement rongeurs, dans
unemoindremesure primates non humains). Lamajorité
decesétudes indiqueque, chez la femelle jeuneadulte, la
déplétion en estrogènes endogènes dont leplus puissant
est le17ß-estradiol (E2), adeseffetsdélétèressurcertaines
capacitésmnésiques,enparticuliercellesquidépendentde
l’intégrité fonctionnellede l’hippocampe,etceseffetspeuvent
être reversésparunapportexogène
(1)
.Lesdonnéesneuro-
biologiquesconfortent lesobservationscomportementales.
Ellesmontrent notamment des corrélations positives entre
les tauxd’E2circulantset lespropriétésmorphologiqueset
fonctionnellesde l’hippocampequi sous-tendent l’apprentis-
sageet lamémoire.Parexemple, ladensitéet lamorphologie
desépines (spino/synaptogenèse), laplasticitésynaptique
(long termpotentiation - LTP, long termdepression - LTD)
et cellulaire (neurogenèse) sont altéréespar l’ovariectomie.
Enoutre, l’E2serait neuroprotecteur. Ilmodule la respiration
mitochondriale, réduit les processus inflammatoires et les
altérationsde labarrièrehématoencéphaliqueetde lamicro-
vascularisation.Prisesdans leurglobalité, cesobservations
ont étayé l’idéeque les estrogènes représentent une cible
potentiellepour prévenir ouatténuer les effets cognitifsde
laménopauseet du vieillissement
(2)
.
Cependant, des résultats contradictoires existent dans la
littérature relativeauxmodèlesanimauxd’ovariectomieetaux
étudesmenéeschez la femmeménopausée: laperformance
mnésiquen’estpas toujoursdégradéepar ladiminutiondes
tauxcirculants, et unapport exogèneest parfoissanseffet
sur lacognition, voiremêmeaggravesondéclin.L’effetd’une
supplémentationdépendraiten réalitédeplusieurs facteurs:
également auniveaudes terminaisonsàGnRHdans l’émi-
nencemédianeetmettent en jeu lescellulesendothéliales
et épendymaires
(12)
.
Lamultiplicitédesciblesdesstéroïdesgonadiquesauniveau
cérébral et la redondancedescircuitsneuronaux impliqués
illustrent l’importancede leur rôledans lamodulationd’un
grand nombrede signaux régulateurs de la reproduction.
L’actiondesstéroïdespourraêtreainsimoduléepard’autres
facteurscomme laphotopériodeet lamélatonine.L’œstradiol
seraainsi responsabledublocagede la reproductionpen-
dant lapériodede repos sexuel qui peut survenir en jours
croissant ou décroissant selon les espèces, et enmême
temps l’œstradiol va stimuler la reproduction et entraîner
ledéclanchement de l’ovulation au cours de la saisonde
reproduction.Ces régulationspeuvent résulterdudialogue
entredifférentes populations neuronales oubien être inté-
grées au seind’une seulepopulationneuronale sensibleà
cesdifférents facteurs.Lesneuronesàkisspeptidedunoyau
arquépourraient êtreundeces relaiscar ilssont sensibles
àd’autreshormonescomme la leptineet lamélatonine.
Pour résumer, lesstéroïdessexuelssontdesacteursmajeurs
ducontrôlecentral de la reproduction. Ladiversitédes inte-
ractions entre les stéroïdes et les réseaux cellulaires (neu-
roneset cellulesgliales) liésaucontrôlede la reproduction
témoignede ladiversitédes stratégiesmisesenplacepar
lesespècespour se reproduire.Si l’actiondesstéroïdesau
niveaucellulairecommenceàêtrebiencomprise, lacinétique
d’action sur les différentes structures cérébrales liées à la
reproductionest encore loind’êtreélucidée.
Avec larelecturebienveillantedeRachidaGuennoun.
R
éférences
(1)Blaustein, J.D., Endocrinology, 1993, 132: 1218-1224.
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(12) V. Prevot,D. et al. Neuroscience1999, 94(3) : 809–819.
ESTROGÈNES ET MÉMOIRE
ALINE MARIGHETTO, ALICE SHAAM AL ABED
ET POTIER MYLÈNE
(NeurocentreMagendie, INSERM
U.1215, Bordeaux)
S’il est bien établi que les estrogènesmodulent de nom-
breuses fonctions cérébrales, et enparticulier lamémoire,
cettemodulation est encore loin d’être comprise. En lien
avec la découverte des récepteurs aux estrogènes (ER)
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