La Lettre 52 - page 10

LA LETTRE
N°52
ossier
SEXE ET CERVEAU
PHILIPPE CIOFI,
NeurocentreMagendie - InsermU1215,
Bordeaux
En considérant le rôledévolu au système nerveux central
dans la reproduction, ladiscussion suivante tentedepré-
senter lanotiondedifférenciationsexuelleducerveaudans
uneperspectiveglobale.
Natureet rôledusexe
La sexualité, c’est laméiose et le crossing-over assurant
lebrassagedes gènes lors de lagamétogenèse. Le reste
n’estqu’emballementetemballage,quehasardetnécessité.
Pour l’appréhender,plaçons-nousdupointdevuedesgènes
comme l’ont fait RichardDawkins
(1)
et Leigh Van Valen
(2)
, et considérons la sexualité archaïque des bactéries.
Celles-ci sont soumisesauxattaquespermanentesde leurs
prédateurs-parasites que sont les virus bactériophages :
ils injectent leur matériel génétique dans la bactérie et
menacent son intégrité. Lesgènesbactériens vont contre-
attaquer en commandant ladivisionde labactérie cequi
leurpermetdesedupliqueretdoncdemuter.Si lamutation
modifie la conformationd’uneprotéinede surface utilisée
comme entrée par les bactériophages, la descendance
bactérienne survit et ses gènes peuvent continuer de se
répandre. Les bactériophages se transforment demême,
aussi lesbactériessedivisent-ellessanscesse.Quand les
conditionsdeviennentdrastiques,ellesont recoursà laconju-
gaison - un transfert dematériel génétique entre cellules -
comprenant éventuellement une recombinaisongéniquequi
potentialisera lescaractères favorableset laperpétuationdes
gènes.Cheznous, la recombinaisons’effectueà laméiose,
spécifiqueà la lignéegerminaleetconduisantàdesgamètes
haploïdesséquestrantdesgènesnepouvant se recombiner
davantage.C’estpourquoi legermenorganise lesomapour
s’échapperd’une incarnationpérissable (Figure1etNote1).
Natureet rôlede lagonade
Ladémonstrationdecetteactiondugermennousestdonnée
par l’influencede lagonade.Par la fécondation, nosgènes,
cesévadésperpétuels, ont enfin retrouvéunenvironnement
diploïdedans les cellulesgerminalesprimordiales. Celles-
ci, lors dudéveloppement embryonnaireprécoce, ont fait
unepausedans lediverticule allantoïdien avant demigrer
dans l’organismeendéveloppementdont ellescolonisent le
sillongénital qui se transformeengonade. Par exemple, en
ovairechezunembryon femelledeRat. Examinonsensuite
le rôledecet ovaireà lapuberté. Tous lesquatre jours, ses
folliculesmatures libèrent dans le sang unequantité seuil
d’œstradiolqui, liposoluble,pénètre librement l’hypothalamus
oùdeux réseauxsontactivéssimultanément.D’unepart, l’axe
neuroendocrineàGnRH (gonadotropin-releasinghormone)
qui sécrètemassivement pour induire lepicpré-ovulatoire
d’hormone hypophysaire lutéinisante (LH) provoquant la
ponteovarienne.D’autrepart, les réseauxducomportement
sexuel et lesvoiessensori-motricesqui répondrontde façon
innéeà laprésencedumâle.Ensomme, l’ovairedéclenche
deux réflexes, l’unendocrineet l’autrecomportemental,pour
assurer sapropre fonction. Le testiculea lamême influence,
qui s’exerceselonunmodenonpluscycliquemais tonique.
Endéfinitive, lesgonadesparasitent lespropriétéscompu-
tationnelles du cerveaupour assurer leur propre fonction:
la réincarnationdesgènes (Figure1).
Différenciationde l’appareil génital: lacause
Revenons chez l’embryon, avant ladifférenciationde l’ap-
pareil génital, soit avant le 14
e
jour (rat) ou la 7
e
semaine
(humain),quand lagonadebipotenteest elle-mêmeencore
indifférenciée  :àcestade, l’appareilgénitalprésenteà la fois
lesébauchesmâles (canauxdeWolff) et femelles (canaux
deMüller)
(3)
. Si l’embryonest femelle, l’ovaire sedifféren-
cieet les structureswolffiennes régressent spontanément,
alors que les ébauchesmüllériennes se consolident pour
donner lapartiehauteducol et l’ensembleutérus/trompes.
Puisqu’expérimentalement, l’excisionde lagonadeencore
indifférenciéeconduità l’émergenced’uneanatomie féminine
même chez l’embryongénétiquement mâle, on en conclut
que lesexe femelles’installe«
pardéfaut
 ».Chez l’embryon
mâle,deuxétapes importantesmènentà lamasculinité.Dans
unpremier temps, le testiculenouvellementdifférencié induit
ladéféminisation, c’est-à-dire la régressiondescanauxde
Müller (sécrétiond’hormoneanti-müllériennepar lescellules
deSertoli).Puisdansunsecond temps, le testicule induit la
masculinisation (sécrétionde testostéronepar les cellules
de Leydig), c’est-à-dire la différenciation des canaux de
Wolff enépididyme, canal déférent et vésiculesséminales.
Puisqu’expérimentalement, l’excisionde lagonadeencore
indifférenciée combinée au traitement par la testostérone
conduit à l’émergence d’une anatomiemasculinemême
chez l’embryongénétiquement femelle, on en conclut que
lesandrogènesmasculinisent l’organismede façonépigé-
nétique (c’est-à-dire indépendammentdusexegénétiquede
Figure1
-UnecomposanteduSNC, le systèmevoméronasal,
assurepar la fécondation la transmissionde l'innovation
produitepar lebrassagegénétiqueà laméiose (àgauche).
Lesdifférencesentre-sexedecomportement etd'endocrinologie
sontdéterminéespar lesactionsde lagonadependant le
développementde l'individu (organisation) etàpartirde la
puberté (activation) (àdroite).
1
Voirpar exemple sur l’évolutionde la sexualité les interventions
dePierre-HenriGouyon (M.N.H.N., Paris) (
/
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