La Lettre 52 - page 12

LA LETTRE
N°52
ossier
STÉROÏDESETORIENTATIONSEXUELLE
JACQUES BALTHAZART
(GIGANeurosciences, Uni-
versitédeLiège)
Introduction
Deuxgroupesde théoriess’affrontentpourexpliquer l’orien-
tation sexuelle (hétéro- vs. homo-sexualité) chez l’homme.
D’unepart,certainspensentquecetteorientationestessen-
tiellement le fruit d’apprentissages, d’imitations sociales
voiredechoixdélibérés (théoriesexistentialistesconstruc-
tivistes, psychoanalytiques,…). D’autres théories, d’inspi-
rationbiologique, suggèrent que l’orientation sexuelle est
déterminée ou en tout cas largement influencée par des
facteurshormonauxet/ougénétiquesqui agissentde façon
essentiellementprénataleoupérinatale (théorieessentialiste)
(1)
. Les explications existentialistes de l’homosexualité, la
variante lamoins répanduede l’orientationsexuelle (3-10%
selon les études) et donc cellequi interpelle leplus, sont
largement répandues en particulier dans les pays latins
mais ne reposent de façon surprenante que sur des évi-
dencesexpérimentales très ténues. Par contre les facteurs
hormonauxetgénétiquesqui influencent,oupeut-êtremême
déterminent, l’orientationsexuellependant ledéveloppement
précocede l’individu (avant oupeuaprès lanaissance) sont
mieux identifiéset souvent connusdugrandpublicdans les
sociétésanglo-saxonnes
(2)
.Cesdeuxgroupesde théories
ne sont cependant pas incompatibles comme l’indiquent
les recherches récentesprésentéesà la findecet article.
La théorie hormonalede l’orientation sexuelle sebase sur
trois types d’arguments: d’unepart des études réalisées
chez l’animal démontrant leseffets irréversiblesditsorgani-
sateursdesstéroïdessexuelsembryonnaires, testostérone
(T) et/ouœstradiol-17ß (E2), sur le comportement sexuel
et son orientation, d’autre part l’analyse de l’orientation
sexuellechezdes sujetshumains souffrant depathologies
qui affectent l’état hormonal de l’embryon et enfin l’étude
decaractéristiquessexuellementdifférenciéesdont onsait
qu’ellessontenpartieaumoinscontrôléespar la testostérone
embryonnaireet qui sont affectéeschez leshomosexuels.
Effetsorganisateursdesstéroïdessexuelssur ladiffé-
renciationsexuelleducomportement
Beaucoupde comportements animaux sont sexuellement
différenciéset réaliséspréférentiellement ouexclusivement
par unseul sexe. Lesœstrogènessont souvent incapables
d’activer des comportements typiques de la femelle (e.g.,
réceptivité)chez lemâleet réciproquement, la testostérone
n’activepas lescomportementsdemontechez les femelles
mêmeaprèssa transformationenœstradiol.Cesdifférences
ne résultent quepartiellement de laprésenced’hormones
différenteschez lesmâleset les femellesadultes (respecti-
vement testostérone etœstradiol/progestérone) : ce
n’est pas le typed’hormoneprésente chez l’adulte
qui détermine le comportement produit mais c’est
la nature du substrat nerveux sur lequel agit cette
hormone (le sexedu sujet).
Cesubstrat nerveuxsedifférenciesous l’action irré-
versible des stéroïdes sexuels au cours de l’onto-
genèseprécoce. Chez lesmammifères, l’exposition
précoceà la testostéroneproduit unphénotypemas-
culin: lescaractéristiquescomportementalesdumâle
sont renforcées (masculinisation) et lacapacitédes
mâles àmontrer des comportements typiques des
femelles est diminuée ou perdue (déféminisation).
Lephénotype féminin sedéveloppe apparemment
en l’absenced’actionhormonale (ouenprésencede
taux très faiblesd’œstrogènes).Cettedifférenciation
peut à volonté être contrôlée par l’expérimentateur
enmanipulant l’exposition hormonalede l’embryon
(Figure1).
Cette action organisatrice des stéroïdes embryon-
naires sur le comportement affecte également de
façonspécifique lastructureducerveau.Lesstéroïdes
sexuels embryonnaires différencient la tailledeplu-
sieurs structures du cerveau, dont le noyau sexuel-
lementdimorphiquede l’airepréoptique (SDN-POA).
Cegroupedecellulesest 5à6 foisplus volumineux
chez le ratmâlequechez la femelleetcettedifférence
résultede l’actionde la testostéronependant la fin
de la vie embryonnaire et les premiers jours de vie
post-natale. Une fois acquise, la tailleduSDN-POA
Figure1
-
Représentation schématiquede l’actionorganisatricedes
stéroïdes sexuels sur lescomportementsreproducteurschez leratmâle
et femelle.
Lephénotypecomportemental du sexehomogamétique (femellesXX)
sedéveloppeen l’absence (relative)de stéroïdeset lamasculinitéest
imposéepar l’actionde la testostérone (T)qui agit largement
via
son
aromatisationenœstradiol.
Onpeut expérimentalementmasculiniser les femellesen les traitant
pendant lesdeux semainesqui entourent lanaissanceavecde la
testostéroneouavecunœstrogène.Parallèlement lamasculinisationdes
mâlespeut êtreempêchéeparunecastrationnéonatale (CX)ouparun
traitementpharmacologiqueempêchant l’actionde la testostéroneetde
l’œstradiol qui endérivedans lecerveaudesembryons.
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