La Lettre 52 - page 6

LA LETTRE
istoiredesNeurosciences
N°52
cellulaires de l’hypothalamus où par exemple la galanine
cohabite avec la vasopressine Fig. 4
(11)
. Plus intrigante
était lacoexistenced’unouplusieursneuropeptidesavecun
neuromédiateur «canonique»ainsi celle, démontréepour
lapremière foispar legroupedeTomasHökfelt en1977,de
la noradrénaline et de la somatostatine
(12)
ou ensuitede
l’acétylcholineelle-mêmeavec leVIP, leGnRHet/ou leCGRP.
Cettepossiblecotransmissionallait s’étendrepratiquement
à tous les neurones (Fig. 5). Ainsi se trouvait expliquée la
présence, observéede longuedatedans les terminaisons
nerveusesenmicroscopieélectronique,degranulesdenses
(ou à cœur dense) de grand diamètre (100 nm environ)
avec les vésicules « synaptiques» claires de 50 nm. Si la
libérationdecelles-ci s’effectuepréférentiellementauniveau
des « zones actives», celledes granules denses peut se
produire au niveaud’autres zonesmembranaires comme
c’est la règle dans les terminaisons «neurosécrétoires »
classiques et elle exige généralement une fréquence de
déchargeplus élevée (Fig. 6). Les interactions complexes
entre lesdifférentesmolécules informativesoucotransmet-
teursd’unmêmeneuronecontinuent àêtreexplorées, afin
d’enfiniravec l’horribleconcept fourre-toutde«neuromodu-
lation».Bienplus, il fut rapidementmontré, toujoursdans le
modèleexpérimental favorable,du faitdesonhyperactivité
métabolique,desneuronesmagnocellulaires,que la libéra-
tiondesneuropeptidescomme l’ocytocinepouvait aussi se
produireauniveaudescorpscellulairesetdesdendrites
(13)
.
Cettedécouvertequi attaquait laconception vectorielledu
cheminementde l’informationdans leneurone,desdendrites
aux terminaisons, conduisait às’intéresserauxcibleset aux
effetsdecette libérationdiffuse.Dans lecasde l’ocytocine,
ce fut leméritedes équipes strasbourgeoiseet bordelaise
de neuroendocrinologistes dedémontrer quepar un effet
paracrine et autocrine, cette neurohormone, jouant alors
un rôledeneuromédiateur, stimulait sapropresécrétionen
activant lesneuronescorrespondants.
La coexistencedeplusieursmolécules informatives dans
lemême neurone fut enfin étendue à plusieurs « vrais »
neurotransmetteurs comme la sérotonine et leGABA
(14)
.
Elleachevait de ruiner une formulationapproximativemais
répanduedu«PrincipedeDale»:unneurone,unmédiateur.
En faitDaleavait seulement postuléqu’unmêmeneurone–
en l’occurrence leneuroneenTdesganglions
spinaux – devait libérer unmêmemédiateur à
ses deux types d’extrémités, centrale et péri-
phérique. Mais, même sous cette forme plus
exacte, cette assertion a été remise en cause
notammentdans lesneuroneshypothalamiques
magnocellulairesoù lacompositiondumélange
deneuropeptidesprésentsdans lesprolonge-
mentscentrauxestdifférentedecelleobservée
dans les terminaisonspost-hypophysaires
(15)
.
L’étapesuivante, encore inachevée,devait être
demontrerquecesnouveauxconceptsneuro-
biologiques, loind’être l’apanageexceptionnel
des neurones sécrétoires de l’hypothalamus,
étaientdespropriétésgénéralesdesneurones.
Lagénéralisationduconcept
La cartographie systématique des neurohormones allait
révéler un autre phénomène, inattendu, à savoir que ces
neuropeptides étaient également présents en dehors de
l’hypothalamus, dans l’ensembledu cerveau et même en
périphériedansdesélémentsnerveuxcommeglandulaires.
C’est ainsi queMaurice-Paul Dubois àNouzilly décrivit la
somatostatine, hormonehypothalamique,dans lepancréas
endocrine. Par unedémarche inverse, onestimaalorsqu’il
pouvait yavoirdans lecerveaudespeptidespériphériques,
notamment issus du systèmedigestif, conduisant à ladé-
couvertedes «gut-brainpeptides». Ainsi lapanopliedes
molécules informativesutiliséespar lesneuroness’élargis-
sait à l’infini d’autant plusquepour les neurotransmetteurs
«canoniques», micromoléculaires, lagamme, déjà éten-
due auxmonoamines grâce à l’histofluorescence, s’était
brusquement enrichiedesamino-acidesdont l’abondance
quantitative reléguait presque l’ancestrale acétylcholine
au rangd’exception –et lemotoneuronecommeprototype
de lacellulenerveuseàunchoixcontingent sinonmalheu-
reux. Y avait-il vraiment laplacedans le cerveaupour tant
demédiateurs caractérisant chacundes systèmes neuro-
nauxdistincts? Lesprogrèsde l’immunocytochimie, avant
même ledéveloppement de l’hybridation
in situ
– qui allait
permettred’identifier enplaceunautrestaded’expression
des neuropeptides par l’ARNm correspondant – devaient
rapidementmontrer lapluralitédesmolécules informatives
dans unmême neurone, voire dans unemême terminai-
son.Après lesneuropeptides issusdumêmegènecomme
pour les opiacés, ce furent des neuropeptides codés par
des gènes différents comme dans les neuronesmagno-
Figure4
- Coexistencede la
Vasopressine (petitsgrains
d’orde 10nm) etde laGalanine
(grosgrainsd’orde20nm)
détectéespar immunocytochimie
enmicroscopieélectronique
dansun soma supra-optique
(a) etune terminaisonpost-
hypophysaire (b) chez lerat.
Noter ladifférence, encore
inexpliquée, dedensité
électroniqueentre lesgranules
de la terminaisonàvasopressine
et ceuxde l’axone inférieur,
probablementàocytocine (13) .
granule simplementmarqué.
granuledoublementmarqué
1,2,3,4,5 7,8,9,10,11,12,13,14,15,16,...36
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