La Lettre 49 - page 16

La lettre
n°49
ossier
Le thermalisme?Lesétudescliniquesconcluentdanscesens
auprixdequelquespolémiques.Lesplacébos impursalour-
dissent encore les pages duVidal, cocktails vitaminiques,
acidesaminés, fortifiantsetc. auservicemédical rendubien
maigre, comme leur remboursement.Plus ingénieuseest la
valeurajoutéepar lemarketing.Les laboratoirespharmaceu-
tiquescherchent à renforcer l’évocationde l’effetduproduit.
Par lenom :dès lafinduXIX
e
siècle, lespremiersantalgiques
s’appellent
Migrainine,Anesthésine
.Puis,viennent la taille, le
goût, lacouleur, la formegalénique, lavoied’administration,
leprix. Interrogeons-nousd’ailleurs sur le lienentre lepetit
prix dugénériqueet lacroyanceen son inefficacité. Enfin,
lemédecin lui-mêmepar saseuleprésence lorsd’unevisite
oud’uneconsultation, suffit àapaiser biendessymptômes
douloureux. Le soignant est placébo. Plus unmédecin est
compétent dansunepathologie, plus il serasûrde lui, plus
il seraplacebo inducteur. Dans la sagadesRougon-Mac-
quart, ÉmileZola souligne : «Lemédicament ne vaut que
par lamain qui le donne». Ainsi unmédecin optimiste a
demeilleurs résultats qu’unmédecinpessimiste ouqu’un
scientifique sceptique.
LeDrThomas,médecingénéralisteàSouthamptonasélec-
tionnédanssaclientèledeuxcentsmaladesqui seplaignent
de troubles fonctionnels : céphalées, dorsalgie, asthénie,
et chezqui lesexamensmédicauxn’ont rien retrouvé. Il les
répartit endeuxgroupeset termine laconsultationdescent
premiersendonnant undiagnosticprécis, enaffirmant avec
fermeté et convictionque « tout irait rapidement mieux ».
Pour lesautres, sondiagnostic restavolontairementévasif et
il proposaauxpatientsde revenir levoiren l’absenced’amé-
lioration. Le résultat fut conforme audiscours du sophiste
Gorgias : 64%patientsdupremiergroupe furent améliorés
contre seulement 39%dans le second
(1)
.
Lesmécanismesduplacébodans ladouleur
Dans le systèmenerveux
Quesepasse-t-il dans lecerveaud’unepersonne recevant
un placebo perçu comme un puissant médicament anti-
douleur ?Lecerveau libèredesendorphines. Lesplacebos
obtiennent 70%de résultats positifs lorsqu’ils s’attaquent
aumal de tête, 58%pour les troublesdigestifs, 40%pour
lesdouleurspostopératoires.Cettesécrétiond’endorphines
est inhibéepar laNaloxone.
Quellessont leszonescérébralesmobilisées lorsde l’action
placébo sur la douleur ?Une étude a étémenée sur des
volontaires préalablement soumis à des brûlures légères
de lapeau, puis recevant soit un antidouleur dérivéde la
morphine, soit un placebo, soit rien. Les sujets des trois
groupesontensuitepasséunTep-scanqui apermisd’obser-
ver l’activation d’unemême zone cérébrale chez les trois
groupes : le cortex cingulaire antérieur
(2)
. Le cortex cin-
gulaireantérieurest également activépar laméditationZen
avecépaississement de la substancegrisechez les sujets
entraînésà lutter contre ladouleur.
Uneautreétudeaétémenéesurdesvolontairessainsaux-
quels ont été administrés des chocs thermiques ou élec-
triques toutencontrôlant leszonescérébralesmobiliséespar
ladouleurpar IRM.Danscettepremièreétape, le thalamus
et le cortex sensoriel moteur étaient stimulés. Par la suite,
lesvolontairessesont vusappliquerune«nouvelle»crème
censéediminuer ladouleursur leszonesdestimulationsdou-
loureuses. Unepartiedeces volontairesa reçuunecrème
pharmacologiquementefficace tandisque l’autrepartie,une
substance inerte. Dans cedernier groupe les zones de la
douleur observéespar IRMétaientmoinsactivéesque lors
de lapremièreexpérience, prouvant donc l’actionde l’effet
placebo sur laperceptionde ladouleur
(3)
.
…l’administrationd’unplacebo […]met enplace
desmécanismes étant tout à fait identiques à
ceux induits par un véritable antalgique
Autreétudesurdesvolontairessainssoumisàdesstimula-
tionsdouloureuses. Lecontrôledeszonescérébralesmobi-
liséesest réaliséencouplant lesdeuxméthodes : Tep-scan
et IRM.Les résultatsconfirmentquechez lespatientscroyant
avoir reçu un antidouleur (remplacépar unplacebo), une
sécrétiond’endorphines a été observée
(4)
. Les résultats
de ces étudesmontrent que l’administrationd’unplacebo
(supposéêtreunantidouleur pour lepatient)met enplace
desmécanismes étant tout à fait identiques à ceux induits
parunvéritableantalgique.Cependant, lesendorphinesne
sontpas lesseulesà interveniretd’autresneurotransmetteurs
sont à identifier avant depouvoir comprendre totalement le
fonctionnement decet effet placebo.
Le systèmeendocrinien
L’axecorticotropeet lastimulationsurrénalienned’adrénaline
et noradrénalinesont en jeux.Des réductionssignificatives
dans lesniveauxdecortisol ontétéobservées lorsde l’admi-
nistrationdeplaceboet ont étépositivement corrélésavec
desbaissesdes tauxdedouleur
(5)
.
Le système immunitaire
Unemauvaisenouvelle -parexemple l’annonced’unemala-
die,d’unaccidentoud’undécès-peutdéprimer temporaire-
ment lesystème immunitaire.À l’inverse,unebonnenouvelle
le stimule. Une étude classique sur les veufs et veuves de
Boston
(6)
, confirme la survenued’unedépression immu-
nitairesixàdix-huitmoisaprès ledeuil, endehorsde toute
anomaliebiologiqueantérieure.Lesauteursontconstatéune
fortebaissede l’immunité tant cellulaire (globules blancs)
qu’humorale ; or, nous savons le lien direct entre deuil et
douleur, au-delàde l’étymologie latinecommune
dolus
. La
douleur chronique s’installe souvent pendant unepériode
dedeuil, dedépression immunitaire. Leplacébopeut agir
sur la voie immunitaire. Rabelais écrivait au XVI
e
siècle
«Les joyeuxguérissent toujours».
Mais après le comment-ça-marche, abordons laquestion
dupourquoi-ça-marche.
Deuxgroupesdesujetssont constitués : lesplacebo-répon-
deurs et les placebo-résistants. Certains sujets répondent
mieuxà l’administrationduplaceboqued’autres. Denom-
breux travauxontétéconsacrésà l’étudede leurscaractéris-
tiques respectives,dans l’espoirdedégager leportrait type
duplacebo-répondeuretduplacebo-résistant.Maispeude
corrélationsont étédémontréesentre laplacebo-sensibilité
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