La Lettre 49 - page 15

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Douleur et effet placébo
Dr Fabrice Lorin (
Psychiatredeshôpitaux
Départementdouleur,psychosomatique,maladies fonction-
nelles,CHUdeMontpellier)
Nul ne sait cequepeut uncorps (Ethique II), Spinoza
Introduction
Ladouleur est définiecommeuneémotion (Aristote) et une
sensation (Galien). Le placébo est un produit inerte sur
le plan pharmacologique. La réponse antalgique au pla-
cebodans la neuropathiediabétique variede 0% à 80%
avec unemoyenne de bonne réponse à 30%. Lemême
pourcentaged’efficacitéest retrouvédans lamigraine, les
troubles fonctionnels intestinaux, mais aussi dans les dou-
leursducancer. Lamédecineutilise l’effet placebodepuis
toujours.Héritageduchamanisme?Dupouvoirde laparole?
De l’illusion?De lacroyance?L’effet placeboest à la fron-
tièreentre lascienceet lamagie.Dansunanglemort de la
médecine, unpoint aveugleetmystérieux. Lemot Placébo
vientdupsaume114deDavid.En latinPlacebosignifie« je
plairai ».C’est un fauxmédicament oui,maisunmensonge
qui soigne.DéjàauV
e
siècleavant JC, le sophisteGorgias,
professeur àAthènesdu jeuneHippocrate, disait : «Par la
parole j’ai plusde réussitedans lessoinsauxmaladesque
mon frèremédecin».
Inventairedesplacébos
Il existedesplacébospurs,desplacébos impurs,et lavaleur
ajoutéepar lemarketing.
Leplacebopur est une imitationdemédicaments, consti-
tué d’eau distillée ou pilule d’amidon, gélule de farine...
il est inertepharmacologiquementetopèrepar l’illusiond’un
fauxcontenudansunvrai contenant. Ilmodifieaussi lesgens
en bonne santé : on donne à des étudiants enmédecine
en parfaite santé, un comprimé de lactose sans rien dire
de l’effet éventuel. Le lendemain, on explore trois catégo-
ries de symptômes : physiques, intellectuels et l’humeur.
20% avaient noté un changement, pour moitié vers une
amélioration (effet placébo), l’autremoitié vers une aggra-
vation (effet nocébo).Mais la loi a interdit leplacébo. Alors
où sont les placébos purs actuellement ? L’homéopathie ?
syndromedouloureux régional complexe (algodystrophie)
ou encore de douleurs diffuses liées à une fibromyalgie.
De façon intéressante il aétémontré, aumoinspour lafibro-
myalgie,que leseffetsantalgiquesdesstimulationsmagné-
tiques transcraniennespouvaient êtremaintenussurde lon-
guespériodesenutilisantdesstimulationsmensuelles
(11)
.
Versunemeilleure individualisationde lapriseen
chargedesdouleurschroniques
Il ressort des travaux les plus récents que les douleurs
chroniques sont sous-tendues par de nombreuxméca-
nismes physiopathologiques qui reflètent vraisemblable-
ment la trèsgrandehétérogénéitédessyndromescliniques.
Enconséquence, il estpeuvraisemblableque lesmolécules
en développement, dont les cibles sont, en général, très
spécifiques, soient efficaces sur l’ensembledes patients.
Aussi, leprincipal défiauquel sont confrontés lescliniciens
aujourd’hui est-ildedévelopperet validerdenouveauxoutils
permettantd’identifier les répondeurspotentielsàcesnou-
veaux traitements.Plusieursstratégiessontenvisagées,mais,
en l’absencede«biomarqueursdedouleur », unedesplus
simples s’appuie sur la sémiologie. Il est possible en effet
d’identifier différents sous-groupes dedouleurs neuropa-
thiquesens’appuyant uniquement sur lesmotsutiliséspar
lespatientspourdécrire leursdouleurs (brûlures,décharges
électriques, douleur aggravéepar le froid ou le frottement
etc.)
(12)
. Ces sous-groupes depatients susceptibles de
répondre de façon différentielle aux traitements, peuvent
être aisément identifiés aumoyen de questionnaires très
simplesqui peuvent êtreutilisés tant en rechercheclinique
qu’enpratiquequotidienne.
Conclusions
Lamédecinede ladouleur,quimériteraitaujourd’hui lestatut
despécialitémédicaleàpart entière, aconnuuneévolution
remarquable au cours des deux dernières décennies. Le
dynamismede la recherche tant expérimentalequeclinique
danscedomainedevrait déboucher sur ledéveloppement
de nouvelles stratégies thérapeutiques. Lamise au point
demolécules dont lesmécanismes d’action sont deplus
enplus spécifiquesnécessiterauneplusgrandeprécision
et expertisedespraticiensdans l’évaluationdesdifférents
syndromesdouloureuxde façonàvéritablement individua-
liser lapriseenchargedechaquepatient.
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©S.Gaillardpour laLettredesNeurosciences
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