La Lettre 49 - page 5

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Unedouleurexcessivearriveàprovoquer la rupturedunerf
etdemêmeaffecte lecerveau : lesujet tombealorsensyn-
copeet ne sent plus rien. Les individus ne sont pas égaux
faceà ladouleur.Chezcertains, lecerveauest trop facileà
déranger. Enfin ladouleur est incommunicable.
Lesespritsanimauxseront assimilésaufluideélectriquepar
lemédecindeBologne,LuigiGalvani (1737-1798),en1791 ;
un courant électrique au niveaudes structures nerveuses
sera effectivement détecté et mesuré en 1848par lephy-
siologistedeBerlin, ÉmileDuBois-Reymond (1818-1896).
L’électricitéestdéjàunmoyenhasardeuxde traitement avec
lesdéveloppementsde thérapiesélectriquesqui donne lieu
à l’électrothérapie.
Ladouleur àpartirduXIX
e
siècle
Lesnotionsconcernant ladouleur sont retrouvéespresque
inchangées au XIX
e
siècle. Ainsi dans les dictionnaires
médicaux, on trouve des définitions dignes deMolière.
En1869, lemédecinGeorgesDieulafoy (1844-1920) écrit :
« ladouleur est laperceptiond’unesensationpénibledont
les causes, les degrés sont variables à l’infini […] »
(3)
;
«elleest provoquéepardesexcitationsviolentes. Ellepeut
entraîner lasyncopeetmême lamort
(4)
». Il n’estpasbesoin
dedéfinir ladouleur. Elleest provoquéepar desexcitations
fortes des nerfs périphériques qui sont désorganisatrices
et destructrices.
Le
Laroussemédical
de 1929présente encore ladouleur
comme«unesensationpénibledueàuneexcitationviolente
etdestructivedes terminaisonsnerveusessensitivesoucen-
tripètes.Quel que soit sonpoint dedépart ellea son siège
dans lesneuronesde l’écorcecérébrale, lesquelsd’ailleurs
ne sont paspar eux-mêmes sensiblesà ladouleur ».
Si l’onn’arrivepas àdéfinir ladouleur, elleest paréed’une
infinitéd’adjectifs, sourde, aiguë, cuisante, térébrante, en
éclair,pouvantprovoquerdélire, convulsionsetc.Ondresse
descataloguessuivant les localisations.Cependant, laper-
ceptionde ladouleur est variable selon les circonstances.
Leprofesseur demédecinedeParis,GuillaumeDupuytren
(1777-1835), souligne en 1836 ladifférencede comporte-
ment entre lesmalades soignés dans les hôpitaux et ceux
qui sont blessés sur les champs debataille. Ces derniers
affrontent aveccourage lebistouri duchirurgien.On recon-
naîtra auXX
e
siècleque ladouleur n’apas de rapport fixe
avec la blessure et l’intensité de la douleur varie avec la
situationdans laquellese trouve leblessé,aussibiensonétat
physiquequesonenvironnementmatériel et sonentourage.
Le retentissementpsychiquede ladouleur,déjàaffirmépar
Descartes, est quelquefois noté, commepar Dieulafoy qui
décritdans le
DictionnaireJaccoud
unedépressionconsé-
cutiveàune formechroniquequenoscliniquesde ladouleur
connaissentbien : «desdouleurs,peu inquiétantesaupre-
mierabord,mais tenacesdans leurnature, [qui]deviennent
lasourced’affectionsmorales très redoutables […]préludes
fréquentsde lamanieet du suicide».
De l’utilitéde ladouleur
Ladouleura-t-elleunefinalité?Chez leschrétiens, ladouleur
est lapunition infligéeà l’hommepoursespéchés,maisc’est
aussi une rédemption,que leChrist achoisiepour racheter
l’humanité. La souffrance rapproche l’être humainde son
créateur et est mêmegagede salut. C’est aussi la volonté
deDieuqui adit au sortir duparadis terrestre : tuenfante-
ras dans ladouleur. Àpartir deDescartes et aux XVIII
e
et
XIX
e
siècles, la finalitéde ladouleur estmoinsmystique :
«Lorsque les nerfs qui sont dans lepied sont remués for-
tement et plus qu’à l’ordinaire, leur mouvement, passant
par lamoellede l’épinedudos jusqu’au cerveau, fait une
impressionà l’espritqui lui fait sentirquelquechose, àsavoir
de ladouleur, commeétantdans lepied,par laquelle l’esprit
est averti et excité à faire sonpossiblepour en chasser la
causecommeétantdangereuseet trèsnuisibleaupied
(5)
» .
Ladouleur est la sentinellede la vie. L’utilitéde ladouleur
résultedu fait que les nerfs sont chargés degarder et de
défendre le corps contre cequi pourrait ledétruire. Cette
notion sera reprise jusqu’ànos jours : elleest unedéfense
préventive, intelligente à conditionqu’elle soit d’unedurée
suffisantepour lamémoriser et craindreson retour, déclare
leprofesseurdemédecinedeParisetphysiologiste,Charles
Figure2
-Les
Aphorismesdechirurgie
d’HermanBoerhaave,
professeurdemédecinedeLeyde.CommentairesdeGerhardvan
Swieten.Traduction française,Paris,Cavelieretfils, vers 1753.
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