La Lettre 44 - page 20

La lettre
n°44
ossier
avec l’abaissement de la température corporelle, suivant
la loi de Van ‘t Hoff-Arrhenius : à 5°C la période passe de
24 h à 12 jours environ. Pour hiberner, l’animal ralentit son
temps subjectif
(13)
. Étant donné la variété des phénomènes
contrôlés par l’horloge, c’est sans doute là un des méca-
nismes fondamentaux du contrôle du cycle torpeur-réveil
de l’hibernation.
Pourra-t-on faire hiberner un homme ?
Les hypothermies artificielles sont utilisées depuis de nom-
breuses années chez l’homme pour réduire les besoins du
cerveau le temps d’une intervention. Mais elles sont généra-
lement limitées à environ 30°C. La ressuscitation quasiment
sans séquelles neurologiques d’une skieuse après un arrêt
circulatoire de plus de deux heures, avec une température
centrale de 13.7°C
(14)
, montre que l’homme a gardé des
possibilités ancestrales de dépression métabolique et de
survie à basse température, à l’exception peut-être de la
capacité de réchauffement spontané. Les progrès récents
dans les voies de commande cérébrale de l’hibernation
devraient tôt ou tard déboucher sur une véritable hibernation
physiologique contrôlée par le clinicien.
R
éférences
(1) Storey K.B. & Storey J., Adv. Clin. Chem. 52, 77-108 (2010).
(2) Jinka T.R. et al., J. Neurosci. 31, 10752-10758 (2011).
(3) Jinka T.R. et al., J. Neurochem. 122, 934-940 (2012).
(4) Tamura Y. et al., Brain Res. 1448, 63-70 (2012).
(5) Dave K.R. et al., Comp. Biochem.. Physiol. B Biochem. Mol. Biol. 162,
1-9 (2012).
(6) Heller H.C. et al., Annu. Rev. Physiol. 66, 275-289 (2004).
(7) Palchykova S. et al., J. Sleep Res. 11, 313-319 (2002).
(8) Stieler J.T. et al., J. Neural Transm. 116, 345-350 (2009).
(9) Avila J. et al., Int. J. Alzheimers Dis. 2012, 578373 (2012).
(10) Von der Ohe C.G. et al., J. Neurosci. 27, 84-92 (2007).
(11) Kondo N. et al., Cell 125, 161-72 (2006).
(12) Revel F.G. et al., P.N.A.S. 104, 13816-13820 (2007).
(13) Malan A. J. Biol. Rhythms 25, 166-175 (2010).
(14) Gilbert M et al., The Lancet 355, 375-376 (2000).
au niveau des synapses, dans l’hippo-
campe comme dans bien d’autres régions.
À chaque épisode de torpeur, l’arbre dendritique se rétracte
et le nombre de synapses diminue de 50-65 % pour se re-
constituer au cours du « réveil » suivant
(10)
.
En dépit de ces cycles, la conservation des traces mné-
siques acquises avant la saison d’hibernation est assurée à
100 % pour la reconnaissance olfactive des congénères chez
le spermophile, pour un conditionnement opérant chez la
marmotte et pour la localisation spatiale de nourriture chez
la chauve-souris.
Le rythme saisonnier
Le cerveau intervient également dans la commande tempo-
relle de l’hibernation, au niveau saisonnier comme au niveau
de l’alternance torpeur-réveil. L’existence d’une horloge
circannuelle endogène a été magistralement confirmée chez
un « chipmunk » (
Tamias sibiricus
). L’alternance saisonnière
des périodes d’hibernation et d’activité estivale a été suivie
pendant dix années consécutives sur des animaux mainte-
nus constamment à l’obscurité et à 5°C. Elle est associée au
cycle annuel de la concentration dans le liquide céphalora-
chidien du complexe protéique HP20c, avec un maximum
hivernal. L’injection intracérébroventriculaire d’un anticorps
contre HP20c inhibe l’hibernation de façon dose-dépendante
(11)
. On retrouve une des protéines de ce complexe, HP-25,
dans une espèce voisine non-hibernante ; mais là le gène
correspondant est inactivé par une délétion. Le fait que la
présence d’hibernation soit associée au caractère intact
du gène, et non l’inverse, renforce l’hypothèse du caractère
primitif, ancestral de l’hibernation.
L’horloge circadienne (Ô temps, suspends ton vol !) :
Qu’en est-il enfin de l’horloge circadienne ?
Un rythme de température centrale, de faible amplitude, se
maintient chez certaines espèces si la température ambiante
est supérieure à un seuil (8°C par exemple). À 6°C, chez le
hamster d’Europe, l’expression rythmique des gènes de
l’horloge principale, située dans les noyaux suprachiasma-
tiques, disparaît
(12)
. Mais une autre horloge circadienne s’y
substitue pour contrôler la durée des épisodes de torpeur.
Cette horloge de l’hibernation présente une particularité
unique dans les horloges circadiennes, la perte de la com-
pensation en température ; de ce fait, sa période se ralentit
... « Pour hiberner, l’animal ralentit
son temps subjectif »...
Tracés successifs de la ventilation d’une
marmotte en hibernation (température
centrale 7.5°C pour une température ambiante
de 5.0°C), enregistrée par pléthysmographie
corporelle totale. Les volumes sont mesurés
dans les conditions BTPS (
id est
à la pression
barométrique ambiante, à la température
corporelle de l’animal et dans des conditions
saturantes de vapeur d’eau à cette
température). La respiration est irrégulière,
avec des apnées pouvant atteindre plusieurs
minutes. Les petites déflexions sont provoquées
par les battements cardiaques (environ 4 par
minute). (Malan, 1973).
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