La Lettre 44 - page 16

La lettre
n°44
ossier
Fonctions contrôlées par l’horloge circadienne
De nombreuses fonctions physiologiques présentent une
rythmicité circadienne. La
figure 1
illustre le contrôle circa-
dien sur quelques fonctions chez l’Homme. L’horloge agit
comme un chef d’orchestre, en permettant l’expression
des activités physiologiques au bon moment. La vigilance,
les performances cognitives, la mémoire, la température
corporelle, la pression artérielle sont maximales pendant le
jour (la veille). À l’opposé, la sécrétion de l’hormone mélato-
nine, la relaxation musculaire, la pression de sommeil sont
maximales pendant la nuit (le sommeil).
De nombreuses autres activités biologiques circadiennes
ont été découvertes, aussi bien en périphérie qu’au niveau
central. Selon les tissus, c’est entre 8 et 20 % du génome qui
est exprimé de manière rythmique via l’horloge endogène.
Le système circadien est impliqué dans le contrôle de la
division cellulaire, de l’apoptose dans le cancer
(5)
et dans
la réparation de l’ADN. De ce fait, ces résultats permettent
d’envisager comment la désynchronisation du système cir-
cadien pourrait être responsable de la prévalence accrue
de certains cancers dans le travail posté. L’importance du
système circadien et de sa synchronisation apparaît donc
cruciale pour la santé humaine.
Conséquences de la désynchronisation circadienne.
Chez l’homme, l’importance de la synchronisation est évi-
dente lors des symptômes de «décalage horaire» ou lors du
travail de nuit (20% de la population dans les pays industria-
lisés). Un défaut de synchronisation de l’horloge se traduit
généralement par l’altération de nombreuses fonctions phy-
siologiques [sommeil, vigilance, performances cognitives,
système cardio-vasculaire, système immunitaire
(6, 7)
], la
dégradation de processus neurocognitifs (performances
cognitives, mémoire) et la perturbation du sommeil et de
la vigilance. Ces altérations sont aussi rencon-
trées, de manière chronique, chez le travailleur
de nuit, chez le sujet âgé, chez le sujet aveugle,
dans certaines pathologies psychiatriques et
dans certaines maladies neurodégénératives
centrales [maladies d’Alzheimer et de Parkinson
(8)
]. Les désordres chronobiologiques associés
à ces états normaux ou pathologiques ont des
conséquences socio-économiques importantes
puisqu’ils peuvent conduire à une réduction de
l’état de santé général et une augmentation des
risques pathologiques associés. La Société Fran-
çaise de Médecine du Travail a publié en mai 2012
un rapport sous l’égide de la Haute Autorité de
Santé sur les conséquences du travail posté, et
les recommandations pour les détecter et la sur-
veillance médico-professionnelle des travailleurs
postés et/ou de nuit
(9)
. L’Agence Nationale de
Sécurité Sanitaire s’intéresse aussi en 2013 à ce
sujet au travers d’un Groupe de Travail consacré
consacré à l’étude des effets sanitaires du travail
en Horaires Atypiques.
Caractéristique endogène de l’horloge circadienne
Dans des conditions lumineuses inadaptées à la synchroni-
sation du système circadien, l’horloge endogène fonctionne
à un rythme qui n’est plus celui de la journée de 24 h. Elle
exprime alors sa propre rythmicité (période) endogène. Tout
comme une horloge mécanique qui ne serait pas remise à
l’heure régulièrement, l’horloge circadienne prend du retard
ou de l’avance, selon les individus (selon la période de leur
horloge) en l’absence de synchronisation par l’environne-
ment. On observe ce phénomène, dit de libre cours, chez
le sujet aveugle, chez qui l’absence de lumière ne permet
pas à l’horloge biologique de se synchroniser aux 24h, et
qui permet d’expliquer qu’environ 75 % des aveugles se
plaignent de ne pas avoir un sommeil de bonne qualité et
consultent pour un trouble de sommeil récurrent
(10)
.
La période de l’horloge est une caractéristique individuelle
très précise. Elle ne varie pas chez l’adulte au cours du vieil-
lissement
(11),
mais présente une certaine plasticité durant
l’enfance et l’adolescence (un allongement de la période
à l’adolescence pourrait en partie expliquer la tendance
« couche-tard » voire le trouble de type retard de phase
observé dans la tranche d’âge 15-25 ans
(12)
). La période
endogène chez l’Homme est non pas proche de 25 h comme
on l’a longtemps cru, mais proche de 24 heures (24.2 h en
moyenne), et les femmes auraient une horloge sensiblement
plus rapide que les hommes
(11)
. L’un des impacts directs
de la période endogène dans la vie de tous les jours est le
chronotype. Les individus qui possèdent une période courte
(une horloge rapide) sont généralement des « couche-tôt »
(chronotypes du matin) alors que les « couche-tard » (chro-
notypes du soir) ont plutôt une période longue (une horloge
plus lente).
Figure 1 :
Représentation schématique des fonctions biologiques contrôlées par
l’horloge biologique circadienne (liste non exhaustive). Les structures indiquées en
couleurs sont respectivement, en rouge : le noyau suprachiasmatique, en orange :
la glande pinéale, en bleu : l’hypothalamus (contenant le VLPO [aire ventro-laterale
pre-optique], dénommé le
sleep switch
), en ocre : le tronc cérébral (contenant la
voie corticale activatrice ascendante et le
switch
sommeil à onde lente / sommeil
paradoxal), en vert : le thalamus (responsable de l’activation corticale et la
synchronisation de l’EEG). [Figure modifiée de Taillard & Gronfier et al. 2012 (2)].
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