La Lettre 44 - page 8

La lettre
n°44
ossier
INTRODUCTION
Le sommeil, cet état considéré comme proche de la mort
dans l’antiquité (pour les grecs anciens, Hypnos, dieu du
sommeil était le frère jumeau de Thanatos, dieu de la mort)
a toujours fasciné et intrigué l’homme. Cette fascination a
donné matière à d’innombrables réflexions : religieuses,
philosophiques, culturelles, artistiques mais il faudra attendre
la seconde moitié du XIX
e
siècle pour qu’une véritable ap-
proche scientifique, basée sur l’expérimentation, permette
de proposer de nouvelles théories, remplaçant ainsi la vision
aristotélicienne du sommeil : «
Le sommeil […] provient de
l’exhalaison qui accompagne la nutrition. […] Les phases
de sommeil se produisent principalement après absorption
de nourriture, car la matière, aussi bien liquide que solide,
se porte en masse vers le haut. Ainsi, une fois stabilisée,
elle alourdit et provoque l’assoupissement et lorsqu’elle est
redescendue et qu’elle a repoussé la chaleur en faisant
demi-tour, alors se produit le sommeil et l’animal s’endort »
.
(Aristote, Petits Traités d’Histoire Naturelle) (1).
Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales, le manque de
sommeil est un problème de santé publique. Une étude
réalisée en 2010 par l’Institut National de Prévention et d’Édu-
cation pour la Santé (INPES) et publiée en 2012 dans le
Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire de l’Institut de Veille
Sanitaire nous apprend qu’en France le temps de sommeil
moyen des 15 – 85 ans est de 7 h 13 mn par jour et que près
de 16 % des individus de cette tranche d’âge déclarent
des symptômes qui suggèrent une insomnie chronique (2).
Ce phénomène est également observé dès l’adolescence
puisqu’une diminution significative du temps de sommeil total
est observée entre 11 et 15 ans, la dette de sommeil passant
de 16,0 % chez les 11 ans à 40,5% chez les 15 ans (2).
Ce sujet étant d’actualité, le comité de rédaction de La Lettre
a décidé de l’aborder dans ce
Dossier
que Michel Jouvet
(Fondateur de l’unité Inserm « Onirologie Moléculaire »
en 1966) a accepté d’introduire en nous présentant ses
réflexions de physiologiste.
C’est, ensuite, Pierre-Hervé Luppi qui fait le point sur nos
connaissances de ces réseaux de neurones dont les chan-
gements d’activité rythment nos journées (et nos nuits !).
Dans l’article suivant, Géraldine Rauchs détaille les mé-
canismes qui relient sommeil et mémoire. Quel étudiant
n’a pas « rêvé » d’apprendre ses cours en dormant…
Alors : challenge ou fantasme ?
Dans son article, Claude Gronfier nous éclaire sur les
fonctions non-visuelles de la rétine qui permettent de
relier lumière, rythmes biologiques et sommeil.
André Malan décrit ensuite les mécanismes physiolo-
giques et les profonds changements métaboliques qui
caractérisent l’hibernation, cette forme particulière de
sommeil d’hiver.
Pour terminer, Imad Ghorayeb dresse le tableau des
différents troubles du sommeil, qui représentent un
véritable problème de santé publique avec leur forte
prévalence mais souvent sous diagnostiqués.
Ce
Dossier
n’est bien entendu pas exhaustif mais les
différentes facettes qu’il aborde et les données les plus
récentes qu’il présente promettent une lecture qui ne
sera sûrement pas soporifique…
(1) Giacomotto-Charra, V. Camenae n°5-novembre 2008.
(2)
epidemiologique-hebdomadaire/Derniers-numeros-et-archives/
Archives/2012/BEH-n-44-45-2012
(3)
sleep_and_his_half-brother_death-1874.jpg
Le sommeil dans tous ses états
| par Stéphane Gaillard, carine cleren, Anne didier, Maurice garret,
annabelle Réaux-Le goazigo
« Le sommeil et son demi-frère, la mort » de John WilliamWaterhouse
(3).
Les neurosciences lyonnaises, sous la houlette de Michel Jouvet (Fondateur de
l’unité Inserm « Onirologie Moléculaire » en 1966), ont largement contribué aux
connaissances actuelles des états du sommeil et il était bien naturel de réaliser ce
dossier à l’occasion du 11
e
Colloque de la Société des Neurosciences à Lyon.
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