La Lettre 44 - page 6

La lettre
istoire des Neurosciences
proximales de la queue C-terminale, lient des protéines G,
tandis que la liaison du ligand a été localisée aux résidus
dans les régions transmembranaires ou les boucles externes.
Le clonage du récepteur ß2-adrénergique en particulier a
contribué à la découverte d’un mécanisme universel qui
régit la fonction du récepteur. La phosphorylation
stimulus
dépendante de récepteur suivie par la liaison de l’arrestine
entraîne un processus d’inactivation du récepteur ou de
désensibilisation.
La déorphanisation, l’identification de ligands activant des
récepteurs orphelins connus uniquement par leur gène, voit
son heure de gloire dans les années 90 et crée une nouvelle
dénomination : la pharmacologie inverse. L’utilisation de
RCPG orphelins exprimés en systèmes d’expression recom-
binants, a apporté à de nouvelles explications ; ainsi l’iden-
tification de l’orexine liant un récepteur orphelin a conduit
à la découverte d’un gène responsable de la narcolepsie.
Ces années ont vu apparaître également le modèle original
des souris knock-out (KO), génétiquement modifiées chez
lesquelles un gène a été inactivé (la première souris KO a
été créée en 1989). La perte d’un gène devrait produire des
changements dans le phénotype dont on espère déduire les
fonctions physiologiques.
Depuis 1995, des études de P.R. Selvin s’appuyant sur des
méthodes biophysiques comme le transfert d’énergie entre
molécules fluorescentes ou luminescentes, suggèrent que
les récepteurs couplés aux protéines G peuvent exister
sous formes de dimère et/ou d’oligomère dans les cellules.
En 1999, la stœchiométrie d’assemblage d’une isoforme du
récepteur GABAA est analysée par une approche de ce type,
les auteurs déterminent ainsi la composition en sous-unités.
Deux années plus tard, l’équipe de Milligan utilise la même
stratégie pour démontrer l’homodimérisation du récepteur
δ
opiacé à la surface cellulaire.
En fait, on cherche des pistes pour rendre compte de la diver-
sité des réponses biologiques avec l’espoir d’atteindre des
effets pharmacologiques plus ciblés. Même aujourd’hui, il
ne semble pas exister de consensus clair sur cette ques-
tion ; l’existence d’une telle organisation suggère bien sûr un
mode de fonctionnement particulier plus complexe que celui
d’un simple récepteur isolé, errant dans la membrane à la
recherche de ses partenaires. En particulier, la complexité
qu’on peut attendre d’une organisation oligomérique pourrait
expliciter les réponses pharmacologiques variées, observées
pour une même classe de molécules.
L’activité constitutive des récepteurs découverte en sur-
exprimant des hautes densités de sites dans des lignées
cellulaires et l’existence d’agonistes inverses, remet en
question l’idée qu’on ne peut produire des effets que par
un agoniste. Au contraire, tout un jeu d’activités possibles
apparaît entre activité intrinsèque et modulation de cette
activité basale. Ajoutant à la complexité, le concept de l’ago-
nisme protéiforme suggère qu’un ligand donné peut «choisir»
les fonctions qu’il active ou inhibe sans toucher à d’autres,
ce qui suggère que des ligands différents agissant sur le
même récepteur, peuvent produire des profils d’activité très
différents.
traductionnelles, la phosphorylation ; on développe des tra-
ceurs pour la caractérisation des récepteurs
in vivo
.
Les années 90 ; clonage de récepteurs
Entre 1992 et 1993, plusieurs groupes identifient les récep-
teurs opioïde mu, delta et kappa, un simple gène pour
chacun, concluant ainsi des années de discussion sur
l’existence de formes multiples d’affinités différentes d’une
même protéine pour les enképhalines et les dérivés opiacés.
Les récepteurs opioïdes appartiennent à la famille de la
rhodopsine ; sept segments hydrophobes, une extrémité
N-terminale extracellulaire et une C-terminale intracellulaire.
Le nombre de récepteurs clonés s’accroît rapidement comme
la production de lignées cellulaires exprimant ces sites de
liaison et la grande quantité de sites et de sous-sites révé-
lés incite au catalogage. Les récepteurs membranaires
appartiennent à différentes classes de protéines que l’on
peut différencier selon leur mode d’action et leur structure
moléculaire : récepteurs couplés à des canaux ioniques ;
récepteurs comportant une activité enzymatique associée et
surtout la plus grande classe, celle des récepteurs activant
des protéines-G hétérotrimériques. Les nombreux RCPGs
clonés peuvent désormais être répartis en trois grands
groupes, en fonction des similarités de séquence primaire
qu’ils présentent entre eux.
Mais surtout, les années 90 sont celles du séquençage du
génome humain et de la question des grands programmes.
La politique, les intérêts commerciaux, de nombreux facteurs
interviennent pour converger vers ce qui semble aujourd’hui
être une évidence: séquencer le génome humain ; en fait
les techniques existent, les moyens à investir sont mobili-
sables et cela se fera quelle que soit la manière et malgré
les réticences.
Le « Projet génome humain » mondial est un projet entrepris
en 1990 dont la mission était d’établir le séquençage com-
plet de l’ADN du génome humain. Son achèvement officiel
a été annoncé le 14 avril 2003. On établit que le génome
humain contient moins de 25000 gènes, Il n’en contient que
720 à 800 codant pour des RCPGs, un nombre très faible
au regard des 10
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synapses du cerveau. Il faudra donc
expliciter la diversité et la complexité du cerveau par un autre
moyen que le nombre d’acteurs assurant la transmission.
En modifiant la composition en exons, beaucoup de protéines
différentes peuvent être synthétisées ; cet épissage alternatif
découvert en 1977 peut être estimé : plus de 60 % des gènes
produisent au moins une forme alternative d’ARN messager.
En combinant avec le grand nombre de protéines diverses
avec lesquelles chaque forme peut interagir, on entrevoit la
complexité attendue.
Avec la disponibilité de clones pour un nombre rapidement
croissant de récepteurs, la communauté scientifique s’est
attaché à démêler les caractéristiques structurelles qui
déterminent la fonction des RCPGs. De vastes études de
mutagenèse, réalisées dans de nombreux laboratoires, ont
rapidement établi les grands principes. Les boucles internes
des récepteurs -en particulier celles des régions les plus
proches de la membrane plasmique- en plus des parties
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