La Lettre 44 - page 15

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Conclusion
L’ensemble de ces études montre que le sommeil renforce
les apprentissages réalisés au préalable à l’éveil et qu’il
est possible d’influer sur le processus de consolidation par
le biais de stimulations externes telles que les odeurs, la
musique. Les travaux réalisés sur la mémoire épisodique
soulignent l’importance du sommeil lent profond, sans
exclure toutefois un rôle du sommeil paradoxal pour des
dimensions particulières des souvenirs (émotions,…).
Certaines données suggèrent que le sommeil paradoxal
permettrait la stabilisation des traces mnésiques remodelées
au cours du sommeil lent profond en mettant en jeu diffé-
rents mécanismes impliqués dans la plasticité synaptique
upregulation
 » de gènes précoces immédiats,…) et qui
ont lieu préférentiellement au cours du sommeil paradoxal.
Le sommeil paradoxal pourrait également permettre d’affai-
blir les connexions synaptiques inappropriées, permettant
ainsi l’oubli des informations non pertinentes. Enfin, une
étude récente montre que nous sommes également capables
d’apprendre au cours du sommeil
(8).
Les auteurs ont en
effet présenté, au cours du sommeil, des sons associés soit
à une odeur plaisante, soit à une odeur déplaisante. Lorsque
les mêmes sons étaient présentés le lendemain matin sans
les odeurs, le son associé à une odeur plaisante induisait
un volume d’inhalation, considéré comme une mesure impli-
cite de l’apprentissage, significativement plus important
que celui pour le son associé à une odeur déplaisante.
De manière intéressante, ces réponses différentes pouvaient
déjà être observées au cours du sommeil. Notre cerveau est
donc capable de discriminer des odeurs, des sons et même
notre propre prénom au cours du sommeil. Il est également
capable d’apprendre des associations qui modifieront notre
comportement à l’éveil. Toutefois, la possibilité d’étendre ces
résultats à des apprentissages plus complexes, tels que
l’apprentissage de nouvelles connaissances, semble illusoire.
R
éférences
(1) Peigneux P et al. Neuron, 44(3): 535-45 (2004).
(2) Rauchs G et al.. J Neurosci, 31(7): 2563-8 (2011).
(3) Rasch B et al. Science, 315(5817): 1426-9 (2007).
(4) Antony JW et al. Nat Neurosci, 15(8): 1114-6 (2012).
(5) Marshall L et al. Nature, 444(7119): 610-3 (2006).
(6) Buzsáki G. Cereb Cortex, 6(2): 81-92 (1996).
(7) Tononi G & Cirelli C. Brain Res Bull, 62(2): 143-50 (2003).
(8) Arzi A et al. Nat Neurosci, 15(10): 1460-5 (2012).
Rythmes biologiques et sommeil : une
histoire de lumière
Claude Gronfier
(Inserm U846, Bron)
Introduction
La mise en évidence en 2002 d’un nouveau photorécepteur
rétinien (les cellules ganglionnaires à mélanopsine) impliqué
dans la synchronisation de l’horloge biologique circadienne
a révolutionné notre compréhension des effets de la lumière
sur la régulation des rythmes circadiens. Il est maintenant
clairement établi que l’œil ne sert pas qu’à voir, et qu’il est
impliqué dans un ensemble de fonctions non visuelles direc-
tement stimulées par la lumière. Les mécanismes impliqués
restent largement à explorer mais l’ensemble des réponses
biologiques à un stimulus photique font entrevoir des applica-
tions cliniques à la lumière dans un ensemble de troubles et
de pathologies du sommeil, de la vigilance, de la cognition,
de la mémoire et de l’humeur.
Lumière et horloge biologique circadienne
Le lien entre la lumière et l’horloge biologique interne est
connu depuis 1980 chez l’Homme. L’horloge circadienne
(du latin
circa
« proche de », et
dies
« jour ») est un com-
posant physiologique essentiel à la vie puisqu’elle a été
observée chez quasiment tous les organismes vivants
(3)
.
Deux propriétés fondamentales caractérisent l’horloge cir-
cadienne
(3)
:
1) Son activité rythmique est endogène
. L’horloge est loca-
lisée dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC) de l’hypo-
thalamus chez le mammifère, son activité électrique circa-
dienne est sous-tendue par une dizaine de gènes horloge
dont l’activité cyclique est responsable du rythme proche
de 24 h de chacun de ses neurones
(4)
.
2) Son activité doit être synchronisée aux 24 heures
. En effet,
sa période endogène est proche mais légèrement différente
de 24h. De ce fait, la synchronisation de l’horloge (sa remise
à l’heure) doit être effectuée afin de permettre son activité
en phase avec la journée solaire. Chez les mammifères, la
lumière est le plus puissant synchroniseur de l’horloge, et
son effet passe uniquement par l’œil.
... « Enfin, une étude récente montre que nous
sommes également capables d’apprendre
au cours du sommeil »...
... « Il est maintenant clairement établi que l’œil
ne sert pas qu’à voir »...
DE LA SCIENCE
ET DES RÊVES
Mémoire d’un onirologue
Michel Jouvet
2 013 - Éditions Odile Jacob-
1...,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14 16,17,18,19,20,21,22,23,24,25,...34
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