La Lettre 44 - page 17

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libre-cours, exprimant sa rythmicité endogène. On considère
à l’heure actuelle que l’information lumineuse responsable
de la synchronisation de l’horloge biologique passe par les
cellules ganglionnaires à mélanopsine, soit en stimulant
directement ces cellules, soit en les stimulant indirectement
par le biais des cônes et des bâtonnets. De ce fait, on consi-
dère maintenant que l’œil ne sert pas qu’à voir, mais qu’il
possède une fonction visuelle et des fonctions non-visuelles
(
Fig. 2 et 4
).
Les deux types de photorécepteurs de la rétine externe
et interne sont phylogénetiquement et fonctionnellement
différents. Contrairement aux cônes et aux bâtonnets, les
cellules ganglionnaires à mélanopsine nécessitent de fortes
irradiances et présentent un pic de sensibilité vers 480 nm
(chez tous les mammifères étudiés). En outre, ces cellules
de type rhabdomérique présentent la propriété de bistabilité,
qui les rend virtuellement insensibles au
bleaching
(14)
.
Ces photorécepteurs sont sujets à de nombreuses re-
cherches à l’heure actuelle afin de pouvoir développer des
méthodes de traitement de certains troubles chronobiolo-
giques (dont les troubles des rythmes circadiens du sommeil
et les troubles affectifs saisonniers) plus efficaces et plus
rapides que les méthodes actuelles utilisant des lumières
blanches fluorescentes
(14)
.
La réponse du système circadien à la lumière dépend
des caractéristiques photiques
L’effet de la lumière sur l’horloge dépend de l’intensité lumi-
neuse et de sa durée. Plus le stimulus lumineux est intense,
et/ou plus sa durée est longue, plus l’effet sera important. Par
exemple, une exposition lumineuse nocturne d’une durée de
6.5 heures conduit à un retard du rythme de mélatonine de
plus de 2 h avec une lumière blanche intense (10000 lux).
Un
stimulus
donné à la même heure pour une même durée
d’exposition, une intensité lumineuse de 100 lux, soit 10 %
de l’intensité maximale testée, produit un retard d’environ 1
Synchronisation de l’horloge
Parce que la période endogène est proche, mais n’est pas
exactement de 24h, l’horloge circadienne doit être constam-
ment synchronisée aux 24 heures. Chez les mammifères,
la lumière est de loin le synchroniseur le plus puissant de
l’horloge interne.
Le terme
synchronisation
de l’horloge biologique corres-
pond, tout comme pour une montre, à une remise à l’heure,
par avance ou retard, afin de la remettre en phase avec
l’environnement. Chez un individu du soir dont la période
endogène est de 24h30, l’horloge doit être avancée de 30
minutes tous les jours pour être synchronisée aux 24h, sans
quoi elle prendra quotidiennement 30 minutes de retard.
Au contraire, chez un individu du matin dont la période
serait de 23h30, l’horloge circadienne doit être retardée en
moyenne de 30 minutes tous les jours.
D’autres synchroniseurs existent chez les animaux, ils sont
moins efficaces chez l’Homme. On les appelle les synchroni-
seurs « non photiques » car ils n’impliquent pas de lumière.
La prise alimentaire et l’exercice physique ont un effet syn-
chroniseur sur l’horloge humaine mais il est faible. Les études
réalisées dans les années 1950 ont laissé penser que les
synchroniseurs sociaux étaient plus puissants
que la lumière chez l’Homme. On sait maintenant
que cela est faux. La meilleure preuve que les
synchroniseurs non-photiques ont, s’il existe, un
effet très limité, provient de l’observation que la
grande majorité des aveugles – ne possédant
pas de perception lumineuse – sont en état de
libre cours, non synchronisé, malgré une vie
sociale et une activité calées sur les 24h (tra-
vail, coucher/lever, prise des repas, activités
physique et intellectuelle …). Le synchroniseur
non photique pour lequel l’effet sur l’horloge
circadienne humaine est indiscutable, est la
mélatonine
(13)
. Elle doit constituer l’approche
de première intention dans le traitement du libre-
cours chez l’aveugle.
Photoréception circadienne
Il était admis jusqu’à récemment que les cônes et bâtonnets
de la rétine externe étaient les seuls photorécepteurs res-
ponsables de la transduction de l’information lumineuse vers
l’horloge endogène. Les études réalisées depuis les années
2000 chez l’Homme et chez l’animal montrent que deux
systèmes rétiniens sont impliqués dans la photoréception
circadienne (
Figure 2
) : 1) les photorécepteurs impliqués
dans la vision consciente (cônes et bâtonnets), et 2) les
cellules ganglionnaires à mélanopsine, intrinsèquement
photosensibles
(intrinsically photosensitive retinal ganglion
cells: ipRGC)
impliquées dans un grand nombre de fonctions
non visuelles. En l’absence de ces 2 systèmes, le système
circadien est « aveugle » chez le rongeur et fonctionne en
Figure 2 :
Schéma de l’œil (en coupe) avec une représentation agrandie de la rétine
(au centre). La lumière environnementale est perçue par la rétine. Les cônes et les
bâtonnets projettent vers les structures visuelles (vision perceptive). Les cellules
ganglionnaires à mélanopsine sont impliquées dans la régulation des rythmes
biologiques via leur projection vers le noyau suprachiasmatique [image modifiée de
webvision & Gronfier et al. (1)].
... « la lumière est de loin le synchroniseur le plus
puissant de l’horloge interne »...
... «De ce fait, on considère maintenant que l’œil
ne sert pas qu’à voir»...
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