La Lettre 44 - page 30

n°44
La lettre
ribune libre
de l’Union Européenne à 798 milliards d’euros (md
E
) en
2010. Ce coût suit une croissance rapide puisqu’il a doublé
depuis l’évaluation de 2004. Il est composé pour 37 % de
dépenses médicales directes, pour 23 % de dépenses non
médicales liées au handicap ou à la maladie et enfin pour
40 % des pertes d’activité du patient ou de son entourage.
Les troubles de l’humeur (113,4 md
E
) devancent les dé-
mences (105,2md
E
), suivis par les troubles psychotiques
(93,9md
E
), les addictions (65,7md
E
) et les troubles anxieux
(74,4md
E
). Le soin aux malades, la prise en compte du
poids moral pour les familles, le coût économique, ou inver-
sement la richesse potentiel que génèrerait la découverte
de nouveaux traitements, sont également des dimensions
éthiques à prendre en considération et nécessite d’encoura-
ger les neurosciences en général et le développement des
recherches scientifiques en neuroimagerie en particulier.
Les difficultés du dialogue entre neurosciences et droit
illustrent bien la tension éthique majeure ouverte par les
avancées des neurosciences, tension entre le nécessaire
développement des analyses du fonctionnement du cerveau
humain et la difficulté que nous avons à faire comprendre
et admettre que la connaissance scientifique se nourrit de
la probabilité que nos hypothèses soient vérifiables sur un
groupe d’individus tout en restant inapplicables à un individu
particulier si la demande est celle de la preuve considérée
en tant que vérité irréfutable comme dans le domaine de
la justice.
sation. Utilisera-t-on demain des IRM pour débattre au tribu-
nal de discrimination raciale ou sexiste ? Mais qui passera le
test : l’accusé, les membres du jury, le juge, les témoins, les
policiers ayant mené l’enquête, le juge d’instruction ? Au-delà
de ces extensions, qui soulignent la question du coût et de
la disponibilité des machines, le problème central reste celui
de la fiabilité de la technique. Quelle confiance, aujourd’hui
comme demain, faire aux résultats obtenus. C’est encore ici
la distance entre l’acquisition d’un fait, une image cérébrale,
et son interprétation, qu’il faut analyser.
Imaginons un accusé bien repoussant pour la plupart de
nos concitoyens, par exemple un punk, une « gothique »
hérissée de perçings, un « Hell’s angel ». Une analyse IRMf
de membres potentiels du jury va révéler une réaction céré-
brale, probablement superposable à des images obtenues
avec une idée, une chose ou une personne repoussante.
Devant ce « dégoût » produit par l’accusé, l’attitude rai-
sonnable sera de récuser presque tous les candidats …
et être conduit à composer le jury de punks, de gothiques
ou de Hell’s angels, qui n’auraient pas cette réaction de
rejet. Mais cette réaction cérébrale face à une apparence
perçue comme menaçante, préjuge-t-elle vraiment d’une
partialité du jury à l’encontre de l’accusé ? Observer que le
cerveau détecte une différence et que des aires cérébrales
associées à l’émotion sont activées, est-il équivalent à une
pré-reconnaissance de la culpabilité de l’accusé ? Existe-t-il
une quelconque impartialité possible au regard d’une IRMf,
et ne devrait-on pas finalement s’inquiéter plus encore d’un
juré qui resterait totalement indifférent devant l’accusé d’un
crime, quelle que soit son apparence ?
Un des grands dangers de cette demande sécuritaire ins-
crite en Droit est de voir s’installer une défiance pour nos
recherches, puisque nous sommes sans cesse appelés à
souligner les limites de nos résultats, et en conséquence
de nous priver du soutien moral et des financements dont
nous avons absolument besoin. En effet, le premier enjeu
pour le scientifique et le médecin reste de pouvoir explorer
ce cerveau humain si bien protégé dans sa boîte crânienne
et valider de nouveaux biomarqueurs permettant de mieux
comprendre et peut-être de mieux soigner les maladies du
cerveau, qui représentent 30 % de nos dépenses de santé
et constituent la première cause de nombreux handicaps.
Nos moyens d’investigations restent notoirement insuffi-
sants lorsque l’on considère le délai moyen d’attente pour
un examen et le potentiel de médecine personnalisée que
représentent les nouvelles techniques d’imagerie du cerveau
pour l’exploration des accidents vasculaires cérébraux (AVC)
transitoires, et la prévention des AVC constitués, le suivi
des patients atteints de sclérose en plaques ou de tumeurs
cérébrales, demain peut-être la rééducation fonctionnelle
assistée par la stimulation magnétique transcrânienne.
Même si la connaissance vaut pour elle-même, on ne sou-
lignera jamais assez l’immense besoin de prise en charge
thérapeutique dans le domaine des maladies du système
nerveux. Une récente étude européenne
(5)
évalue le coût
des maladies du cerveau pour les 514 millions d’habitants
PRÉCIS DE NEUROCHIRURGIE
STÉRÉOTAXIQUE
appliquée aux rongeurs
de laboratoire
Barbara Ferry
Damien Gervasoni
Catherine Vogt
2 012 - Éditions TEC & DOC
(5) Gustavsson A, et al., Eur Neuropsychopharmacol. 2011
Oct;21(10):718-79
1...,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29 31,32,33,34
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