La Lettre 51 - page 15

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Lescellulesengainantesolfactives, autreoutil de
thérapiecellulaire
Décrites pour la première fois par les histologistesGolgi
et Blanes à la fin du XIX
e
siècle, les cellules engainantes
olfactives (CEO) ont uneorigineectodermique. Localisées
exclusivement dans la
laminapropria
, elles «engainent »
sans lesmyéliniser lesaxonesdeneuronesolfactifs. Lorsdu
renouvellement physiologiquedesneuronesolfactifsouen
casde lésionde l’épithéliumolfactif, lescellulesengainantes
accompagnent lesaxonesdesneuronesnouvellement for-
més,de la lamebasale jusqu’aubulbeolfactif où ilsvont se
reconnecter. Elles sont donc retrouvées à la fois dans les
systèmesnerveuxcentral et périphériqueet partagent des
propriétés à la fois avec les cellules deSchwannpériphé-
riques et les astrocytes centraux, cequi en fait un typede
celluleglialeunique.
De trèsnombreusesétudesprovenantdedifférents labora-
toiresontmontréque lescellulesengainantes transplantées
dansdesmodèlesde lésionde lamoelleépinière réduisent
ledéveloppement de la lésion et remyélinisent les axones
démyélinisés.Elles favorisent également la régénérescence
et lacroissancedesaxonesauniveaudusystèmenerveux
central lésé. Chez l’homme, il est possible d’obtenir des
cellulesengainantesàpartirdebiopsiesde la
laminapropria
olfactive.Unpremieressai cliniquedephase I/IIa,ayantpour
but de tester l’innocuité et la faisabilitéde transplantations
autologuesdeCEOsdans lamoelleépinièrehumaine, aété
misenœuvreaumilieudesannées2000 (Féronet al, 2005).
Plus récemment,uneéquipepolonaiseaobtenudes résultats
spectaculaires avecdes greffes de cellules engainantes,
d’origine nasale oubulbaire. Le cas d’unpatient souffrant
d’uneparalysiecomplèteet qui a retrouvéunepartiedesa
locomotionanotamment défrayé lachronique
(10)
.
À la recherchedebiomarqueurs
Une foisexcisée, labiopsieolfactivepeut êtrefixée, conge-
lée, broyée ou utiliséepour générer
in vitro
des neurones,
des cellules engainantes ou encoredes cellules-souches
qui peuvent êtreutilisées commeoutil dediagnosticoude
modélisation.L’unedesdémonstrations lesplusmarquantes
de l’utilitéde lamuqueuse olfactive a été faitepar l’équipe
deGabrieleRonnett.Utilisantdesbiopsiesnasalesd’enfants
atteintsdusyndromedeRett, elleamontréqu’unemutation
dugènecodantpour laprotéineMeCP2 (methylCpGbinding
protein 2) induisait undéfaut dematurationdes neurones
olfactifs.Cettemêmeéquipe,utilisantdesmodèlesanimaux,
aégalement observéqueMeCP2est essentielleauproces-
sus dedéveloppement des neuronesmais également au
maintienouà lamodulation fonctionnelledessynapses
(11)
.
Par la suite, plusieurs études se sont intéressées aux cel-
lules-souches issues de lamuqueuse olfactive chez des
patientsatteintsdeschizophrénie, de lamaladiedeParkin-
son, dedysautonomie familialeouencorededésordresdu
spectre autistique. Par comparaison avecdes cellules de
témoins sains, il a été observédes altérations spécifiques
dans l’expressiongéniqueet les fonctionscellulaires,notam-
ment I)uncyclepluscourt et uneproliférationcellulaireplus
rapide chez les schizophrènes, 2) un stress oxydatif plus
prononcédans lamaladiedeParkinson, 3) unemigration
cellulaire altérée chez les enfants souffrant dedysautono-
mie familialeet 4)unediminutiond’expressiondeplusieurs
microARNs et de l’enzymeMOCOSpour lesdésordresdu
spectreautistique
(6,12)
.
Conclusion
Lamuqueuse olfactive est unmodèle unique pour com-
prendre ledéveloppementet la régénérescencedusystème
nerveux. Ce tissu, accessible chez chaque individu vigile,
sans restrictiond’âgeoudecondition, est unesourcequasi
inépuisablede cellules-souches, de cellules engainantes,
de neuronesmatures et deprogéniteurs. Il permet des in-
vestigationspousséessur 1) les rôlesdesmolécules impli-
quéesdans laneurogenèse, 2) lepotentiel thérapeutiquede
cellules – engainantes et/ou souches – transplantées chez
des patients souffrant de traumatismes oudepathologies
cérébrales ou encore 3) lesmécanismesmoléculaires qui
sous tendent certainsdésordresnerveux.
La neurogenèse olfactivepériphériquepermet également
de s’interroger sur lesmécanismesmoléculairesquimain-
tiennent intacte la carted’activationbulbaire et l’évolution
du sens olfactif au cours de la vie. Il a étédécouvert que
chaque neurone n’exprimequ’un seul des quelques 1200
récepteurs aux odeurs et que les neurones qui expriment
lemême récepteur font synapsedansunseul etmêmeglo-
mérulebulbaire.Cephénomèneexceptionnel est enpartie
dûau faitque le récepteurauxodeursestproduit auniveau
descilsolfactifs, situésdans la lumièrede lacaviténasale,
mais également à l’extrémitéde l’axone. Selon toute vrai-
semblance, les récepteursauxodeursaxonauxparticipent
à la fasciculationdes fibres nerveuses et à leur projection
dans leglomérule idoine. En revanche, chez l’homme, les
capacitésde renouvellement neuronal tendent às’amoindrir
avec le tempset lasurfaceoccupéepar lamuqueuseolfac-
tivediminue.Combinéà la réductionde la tailledesbulbes,
ce phénomène participe à la baisse de l’acuité olfactive
(hyposmie), observéechez lespersonnesâgées.
R
éférences
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