La Lettre 51 - page 11

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cationsanatomiques, ils traitèrentdescanaris femellesavec
de la testostéronedans lebut demimer les changements
hormonaux opérant chez les canarismâles. Enutilisant de
la [3H] thymidinecommemarqueur desynthèsed’ADN, ils
mirent en évidence un nombre important de cellulesmar-
quées dans laHVC, indiquant uneproductionmassivede
nouveauxneurones
(2)
. Ilsproposèrentmêmequecettepro-
duction importantedecellulesneuronalessoit indispensable
aux canarismâles pour apprendre et élaborer des chants
relativement complexes, indispensablespour leur compor-
tement reproductif. Ils observèrent également un nombre
importantdeneuronesmarquéspar la [3H] thymidinedans
l’hippocampeaumomentde lanidation.L’hippocampeétant
une structurecérébrale indispensabledans lesprocessus
mnésiques,notammentpour lamémoirespatiale, l’idéed’une
créationde neurones pour faciliter et accélérer lamise en
mémoired’informationscommençaàémerger.
Les travaux deNottebohm relancèrent ledébat autour de
l’existenced’uneneurogenèsedans lecerveauadulte.Ces
travaux, ainsi qued’autresutilisantdes reptilesadultescom-
mençaient à être acceptables pour la communauté, pour
autant que cette neurogenèse adulte restait un épiphéno-
mèneobservéchezcertainesespècespeuévoluées
(3)
.
Parallèlementaux recherchesdeNottebohm,MichaelKaplan,
alors étudiant à l’Université américainede Tulane, travail-
lait en collaboration avec J. WadeHarper sur l’existence
d’uneneurogenèsedans lecortexvisuel de ratsadultesen
réponse à un enrichissement visuel. Leurs travaux étaient
alors inspiréspar lesobservations récentesdeJosef Altman.
Ilsconstatèrent ungrandnombredecellulesmarquéespar
la [3H] thymidinedans lacouche IVducortexvisuel de rats
adultes en réponse à un enrichissement spatial. Cepen-
dant, parmanquede soutiens scientifiques, leurs travaux
ne furent paspubliés. Plus tard, Kaplan intégra l’équipede
JamesHinds à l’UniversitédeBoston. Hinds, séduit par la
déterminationdeKaplan à faire accepter ses recherches,
lui proposad’étudier laproliférationglialedans le cerveau
demammifère adulte, notion récemment admise par la
communauté neuroscientifique. Grâce à l’utilisation de la
microscopieélectronique,KaplanetHinds furent lespremiers
àmettreenévidence l’existenced’unegliogenèsedans la
substancegrisecorticale. Aucoursdecesétudes, Kaplan
observaaussi ànouveaudes«neuronesmitotiques»dans
le cortex visuel mais également dans lebulbe olfactif des
animaux traités avec la [3H] thymidine. Hinds n’étant pas
convaincupar l’observation faitedans lecortexvisuel refusa
desoutenircettedécouverteenn’yassociantpassonnom.
Elle fut publiéeplus tard sous le seul nomdeKaplan. Par
contre, étant unexpert dubulbeolfactif, Hinds soutenait la
découverted’uneneurogenèsedans lebulbeolfactif.Entre
1977et 1983, ilspublièrent uneséried’étudescaractérisant
cetteneurogenèseproposant uneestimationdunombrede
nouveauxneurones forméset l’existenced’unéquilibreentre
lasurviedesnouveauxneuroneset lamortdeneuronesplus
anciens
(4)
(Figure1).
Plus tard,Kaplanobservaàson tour laprésencedecellules
nouvellement formées dans l’hippocampede rats adultes.
Toujourscontraintde luttercontre lescepticismede lacom-
munauté scientifique, Kaplandécidade frapper ungrand
coupendémontrant l’existenced’uneneurogenèsechez le
primate. Il apportaalors lapremièreévidenceultra-structu-
ralede l’existencede cellules-souches prolifératives dans
lacouchesub-ependymaleetdeneuronesnéoformésdans
lecerveaud’unprimateadulteposant alors laquestionde
l’existenced’un telphénomènechez l’humain
(5)
.Ces travaux
furent vivement critiqués. L’undesplus sceptiquesétait un
scientifiquedéjà très influent, PaskoRakicduCentreMédi-
cal deYale. Dans unarticlepubliéen1985dans le journal
Science et intitulé «Limits of Neurogenesis inPrimates»,
P. Rakic remet enquestion l’existenced’une neurogenèse
chez leprimateadulte.Pour lui, lemanquedecaractérisation
morphologiquedes cellules ayant incorporé la [3H] thymi-
dine, nepermettaitpasd’apporter lapreuvede la formation
denouveauxneurones.Cescellulesétaientplusvraisembla-
blement descellulesgliales
(6)
.Deplus, enadmettant que
cesoitdesneurones, leurnombreétaitbien trop faiblepour
imaginer unquelconque rôle fonctionnel deces neurones.
PourRakic, laneurogenèseadulten’était riend’autrequ’un
épiphénomène limité à certaines espèces peu évoluées,
comme certains rongeurs, oiseaux ou reptiles et n’était en
aucuncaspertinent pour lesprimates et encoremoins les
humains.Cettevisionétaitappuyéepar l’idéeque lacapacité
d’adaptation,doncd’apprentissagequi sous-tend l’avantage
évolutif duprimatenécessitaitunepermanencedes réseaux
neuronaux support de lamémoire, incompatibles avec un
hypothétique renouvellement neuronal. Lapublicationde
ce rapport euun impact fort sur ledomaineetmit uncoup
d’arrêt aux travauxétudiant laneurogenèseadulte.
Figure1
-Lesnouveauxneuronesolfactifsontpouroriginedes
cellules-souches situéesdans lazone sous-ventriculaire, le longdes
ventricules latéraux.Cescellules souches sedifférencient enneurones
immatures (neuroblastes)quimigrent le longdufluxrostralmigratoire
jusqu’aucentredubulbeolfactif.Ensuite, au seindubulbeolfactif, ces
neurones immaturesmigrentpourrejoindre leurdestinationfinaleet se
différencieren interneuronesgranulairesoupéri-glomérulaires.
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