La Lettre 51 - page 22

La lettre
n°51
ossier
règne animal, deposséder juxtaposés et fonctionnels, un
système olfactif «aquatique» (c’est-à-direpercevant les
moléculesodorantesen solutiondans l’eau) et un système
olfactif «aérien» (permettant ladétectiondesmolécules
odorantesvolatiles).Cetteparticularité,permetd’étudier les
différenceset lessimilaritésentre lesprocessusdepercep-
tion olfactivedans différentsmilieux (aquatique vs aérien)
chez unemême espèce
. Cela signifieque les biais liés à
desappartenancesphylogénétiquesdifférentes,qui existent
lorsque l’on compare unmécanisme olfactif quel qu’il soit
chez un rongeur et chez une espèce aquatique, n’existent
plusaveccemodèle. Lexénopepermet également, comme
nousallons levoir,d’étudierdemanièreoriginale le rôledes
facteurs hormonaux dans le développement postnatal et
dans laplasticitédu systèmeolfactif.
LeXénope: unechimèredepoissonzèbreet desouris
Lesystèmeolfactif périphériqueduxénopeest dit « tripar-
tite». À côtéd’un système voméronasal bien identifié, on
trouveeneffet unsystèmeolfactif généralistequi est àson
tourdiviséendeux :unechambreprincipaleetunechambre
médiane. Chacunedeces chambres est spécialiséedans
laperception olfactive «aérienne» lorsque l’animal nage
ou«aquatique» lorsqu’il plonge.Cesdeuxchambressont
séparéespar une valvequi oriente l’air et l’eaudemanière
appropriée. (Fig1C).
D’unpoint de vueévolutif, lors dupassagede la vieaqua-
tiqueà lavieaérienne, l’environnement olfactif desespèces
a changé demanière drastique posant aux espèces un
problèmed’adaptationmajeur. Les neurones olfactifs, par
définition en contact direct avec lemilieu extérieur pour
pouvoir ydétecter lesodorants, se trouvent confrontésàun
risquemajeur dedessiccation. Laproductiond’unmucus
les a protégés, mais aussi isolés de l’interaction avec les
molécules odorantes. Des protéines, lesOBP (Olfactory
BindingProteins) sont supposées–parcequ’ellessontpré-
sentes chez les espèces aériennes et absentes chez les
aquatiques -constituerunedesadaptationsde l’olfactionau
milieuaérienenpermettant la solubilisationdesmolécules
odorantesvolatileset leur liaisonavec les récepteursolfactifs
desneuronessensoriels.Nos travaux, enutilisant cedouble
système olfactif et en nous affranchissant donc de biais
phylogénétique, nous ont permis demontrer l’expression
strictedesOBPdans la chambre aérienne et nondans la
chambre aquatique, et de valider ainsi l’hypothèsedu rôle
adaptatif desOBPà l’olfactionenmilieuaérien
(6)
.
Denombreuxargumentssupplémentairessoutiennent l’idée
d’une spécialisation fonctionnelledes deux chambres du
systèmeolfactif généralistedu xénope:
(i) les deux chambres sont couvertes d’épithéliums com-
posés de neurones différents, les neurones ciliés dans la
chambreprincipalequi sont typiquesde l’épithéliumolfac-
tif demammifères aériens, alors que la chambremédiane
aquatiquecomportedes neurones àmicrovillosités carac-
téristiquesdesépithéliumsdesespècesaquatiques ;
(ii) lesdeuxchambress’exprimentdemanièredifférentielle
CP
EPIDERME
EAU
OVN
MILIEU EXTERIEUR
eau
A
OR1
Bulbe
Olfactif
B
MILIEU EXTERIEUR
eau
OVN
CP
EPIDERME
EAU
Bulbe
Olfactif
OR1
Air
Choane
C
MILIEUEXTERIEUR
eau / air
OVN
CP
EPIDERME
EAU
CAVITE
BUCALE
OR2
Bulbe
Olfactif
Dorsal
Bulbe
Olfactif
Ventral
CM
OR1
Figure1 -
A,B,C
: é
volutionanatomiquedu systèmeolfactifdu
xénopeaucoursde lamétamorphose.Chez le têtard,
(A)
seule la
chambreprincipale (CP) impliquéedans laperceptionolfactiveen
milieuaquatiqueet l’orgwanevoméronasal (OVN) sontprésents
(projectionsde l’OVNnonreprésentées).Lesneuronesolfactifsde
lachambreprincipaleexpriment lesrécepteursolfactifsdeclasse 1
(OR1)que l’onretrouvechez lesautresvertébrésaquatiquesalors
quechez l’adulte
(C)
onretrouvedanscettechambre lesneurones
olfactifsexprimant lesrécepteursdeclasse2 (OR2)majoritairement
présentschez lesmammifèresaériens.
Aucoursde lamétamorphose
(B)
lachambremédiane se forme
commedécritdans le texte.
Chez l’adulte
(C)
leschambresprincipales (CP) etmédiane (CM)
sont forméeset séparéesparunevalvequi oriente lesfluxd’air
oud’eauen fonctiondumilieudans lequel évolue l’animal.La
chambreprincipale impliquéedans laperceptionolfactiveenmilieu
aquatiquechez le têtarddevient impliquéedans laperception
desodorantsenmilieuaérienchez l’adulte.Cette transformation
fonctionnelleest enpartiedueàune intenseneurogenèseetàdes
modificationsdepatronsd’expressionderécepteursolfactifs.Chez
le têtard, lesneuronesolfactifs«aquatiques» seprojettentdans
la totalitédubulbeolfactif
(A)
, tandisquechez l’adulte
(C)
les
projectionsdesneuronesolfactifs«aériens»occupent lapartie
dorsaledubulbeolfactif tandisque leszonesdeprojectionsdes
neuronesolfactifs«aquatiques» se trouvent repousséesdans la
régionventrale.
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