La Lettre 51 - page 30

La lettre
n°51
ossier
Biosenseurs olfactifs
Edith Pajot-AUGY
(INRAUR1197NeuroBiologiede
l’Olfaction (NBO) – Jouy-en-Josas)
Leconceptdesenseurolfactif désigneundispositif dedé-
tectiond’uneoudequelquesmoléculesodorantesciblesau
seind’uneodeur oubouquet odorant. Lescaractéristiques
recherchées concernent essentiellement la spécificité, la
sensibilité, voire la dose-dépendance de leurs réponses
pour quantifier leur présence. Ces dispositifs sont utilisés
dans des domaines aussi variés que l’agro-alimentaire, la
surveillanceenvironnementale, lecontrôlequalité, lasécurité,
lasûreté, lescosmétiquesetparfums, lediagnosticmédical...
Dessenseursolfactifsvivants
Lessenseursolfactifs lesplusperformantssontsansconteste
lesanimauxeux-mêmes, auxcapacitésolfactives trèsdéve-
loppées, tantdupointdevuede lasensibilitéde ladétection
desodeursquedesaspécificité.Ainsi,deschiensbergers
belgesmalinoisoubergersallemandspeuvent êtrespécia-
lement éduquéspourdiagnostiquer lecancerdusein,de la
prostate,oud’autrescancers,en reniflant lasueur, l’urine,ou
l’haleine, oupourdétecterdesstupéfiantsoudesexplosifs.
Quant à l’abeille
Apismellifera
, sonentraînement est facile
et rapide, avec un apprentissagedequelquesminutes au
lieu de plusieursmois pour les chiens, et la détection de
l’odeur cibleprovoque l’extensionduproboscis (langue).
Cet insecte serait un détecteur plus furtif que les chiens,
pour la reconnaissance spécifiquededrogues (héroïne et
cocaïne,différenciéesducannabis), et serait aussi efficace
qu’eux pour le repérage d’explosifs, que ce soit dans les
aéroports oupour la localisationdemines dans les zones
de conflits. EnAfrique et enAsie, des escadrons de « rats
démineurs » participent à la décontamination des terres
desmines anti-personnel (figure 1), mais peuvent aussi
être formésàdéceler lebacillede la tuberculosedansdes
expectorations, pour undépistage initial rapideet efficace
(
/). En cequi concerne le néma-
tode
C. elegans
, il est attiréde façon spécifiquepar l’urine
dediverspatientscancéreux,mêmeàun stadeprécoce.
Parmi lesmammifères, l’homme n’est pas lepiètre « sen-
teur »que l’onpourrait croire: enmettant lenezsur lasource
odorante,etenmobilisantnoscapacitéscognitives, sesper-
formancessensoriellessont loind’être ridiculespar rapport
àcellesd’unchien !
Lesnezélectroniques
Unsenseurolfactif estcomposéd’unesurfacedontcertaines
propriétésphysicochimiques (électrochimiques,électriques,
optiques, thermiques, gravimétriques, ...) sont modifiées
enprésencede composés organiques volatils, couplée à
unsystèmedemesure. Lesystèmededétectionpeut ainsi
utiliser des capteurs à oxydesmétalliques, à polymères
conducteurs, des capteurs àquartz piézoélectrique, des
capteursàeffetdechamp, ousecomposerd’unchromato-
grapheenphasegazeuseoud’unspectromètredemasse.
Unnezélectronique (oue-nose)estconstituéd’un réseaude
senseurs,qui génèreune« signatureolfactive»caractéris-
tiquedesodorantsenprésence.Un logicielpermet l’analyse
de la réponsegénérée, selondiversmodèles qualitatifs et
quantitatifs, qui permettent d’identifier, comparer, et quan-
tifier des odeurs, par rapport àdes bases dedonnées de
signaturesodorantes,de façonsimilaireà l’olfactionanimale.
Des sociétés d’instrumentation sont spécialisées dans ce
domaine, comme l’entreprise française et leadermondial
AlphaMOS. La tendance est à laminiaturisation avecdes
capteursnanométriques.Ainsi, leNa-Nose (nano-nezélec-
tronique) conçupar HossamHaick à l’Institut Technion en
Israël àpartirdecapteursennanotubesdecarbone,permet
dediagnostiquerpar lescomposésorganiquesvolatilespré-
sentsdans leur haleine, despatientsporteursdedifférents
types de cancers ou demaladies neurodégénératives à
desstadesprécoces, avec90%defiabilité. LeSniffphone,
combinaisonduNa-NoseavecunSmartphonepermettrait
l’affichagedirectdudiagnostic (figure2).Quant à lastart-up
grenobloiseAryballe,elleadéveloppéundispositif portable
NeOsebasésur ladétectionpar résonanceplasmoniquede
surfacede l’interactiondecomposésorganiquesvolatilsavec
desmoléculesorganiquesdéposéessurdesnanocapteurs,
pourdesapplicationsdomestiquesdedétectiondedangers
potentiels, ou industrielles.
Lesnezélectroniquesatteignent à l’heureactuelledesper-
formances tout à fait intéressantes, mais présentent tou-
tefois des limitations critiques, enparticulier enprésence
Figure1 -
Rat chercheurdemines.Photo©XavierRossi /Apopo
Figure2 -
Sniffphone:unnezélectroniquecapablededétecter
lesprémicesd’uncancer.
1...,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29 31,32,33,34,35,36,37,38,39,40,...50
Powered by FlippingBook