La Lettre 51 - page 35

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aussi existerait-il un code, inconnu à l’heure actuelle, qui
régit l’élaborationdesmatricesneuronales?Après l’enfance
et continuellement toute la vied’adulte, l’hommepossède
cettecapacitéàvoirdesobjets,desvisages, vivredesévé-
nementset à lesengrangerpouréventuellement enprendre
conscience un jour, des années plus tard. Desmatrices
se créent donc en permanence. Compte tenu du grand
nombre de neurones dans le cerveau humain et desmil-
liardsdeconnexionssynaptiques, sescapacitésdevraient
être illimitées, sinon infinies. Il n’enest rien ; faut-il alorsque
desmatrices disparaissent pour faire la place à d’autres
plusnouvelles?Parailleurs, comment intégrer l’intelligence
danscesstructuresmatriciellesdeneurones?Serait-ceune
capacitéàpasserd’unematriceàunesuivanteprogressant
ainsi jusqu’à la résolutiond’unproblème ?
Lesmatricesà troisdimensionsnesuffisentpaspuisqu’une
quatrièmedimension intervient sous la formede labande
passante de l’oscillation (cf infra, rendant la représenta-
tion consciente ou inconsciente –mais ceci est une autre
histoire
5
 !). Et pour compliquer encore un peu plus, une
dimension supplémentaire est à introduire, c’est celle du
temps. À chaquemilliseconde l’assemblée de neurones
peut s’adjoindreunnouvel élément. De fait Semour Zeki et
sescollègues (UniversityCollege, Londres)ontmontréque
lesélémentsd’unescènevisuelleprésentéssimultanément
ne sont pas perçus exactement enmême temps : la cou-
leurestperçueavant lesorientationsdes lignes, elle-même
perçueavant lemouvement, ledécalageétantdequelques
60msec
(9)
.
Ces observations portant sur la synchronisationdes oscil-
lationsd’assembléesdeneuronesont permisuneavancée
indéniableà lacompréhensionde laconscience.Maisbon
nombredeproblèmes restent irrésolus,commeparexemple,
la corrélation qui existe d’aprèsGeraldEdelman (Institut
desNeurosciences, La Jolla) entre assemblée neuronale
et oscillation thalamique non spécifique : cet auteur consi-
dèreque lepoint dedépart de la conscience seraient les
boucles thalamo-corticales, sous la formede connexions
réciproquesentre thalamuset cortex
(10)
.Quant àAntonio
Damasio (UniversitédeCalifornieduSud, Salk Insitute), le
corpsparticipe
de facto
à laconscience: systèmevégétatif
et système endocrinien, entre autres, sont enboucleper-
manenteavec lecerveau
(11)
. Le rôle important et constant
du corps dans la conscience est également à labasedes
propositionsdeFranciscoVarela (LaboratoireLENA, Paris)
connues sous le vocabled’
énaction
(12)
. Cerveau, corps
et environnement sont indissociablesdans l’essencede la
cognitionet de laconscience.
Tous ces aspects desNeurosciences, de l’échellemolé-
culaire à cognitive, permettent d’approcher la conscience
sans en connaître vraiment tous ses aspects. Revenant à
notre interrogationsur lesbasesmoléculaireset cellulaires
de la conscience, les avancées obtenues ont des bases
cellulaires: lesactivitésneuronalessous la formed’oscilla-
tions s’expliquent en termes depropagationdepotentiels
d’action, donc d’ouvertures et de fermetures de canaux
ioniquesmembranaires,activitéscompatiblesavec les temps
affichésqui s’exprimentenmillisecondes.Ledéclenchement
de ces activités ou leur fin résultede la libérationde neu-
rotransmetteurs et de lamodulationdes connexions entre
neuronespar desmodificationsdeprotéines tellesque les
récepteurs, phénomènes qui peuvent s’inscrire dans les
échellesde temps requis.
Mais notre imagination fait défaut quand on s’essaye à
« transcrire» les oscillations neuronales d’unematrice en
laprisedeconscienced’unobjet. Lesphénomènesqui pré-
sident àcette transcription restent encorebienmystérieux.
Si ladécouverteduBigBangapermisdedéfinir l’originede
l’univers, lesquestionssur lepourquoi denotreuniversetde
l’origineduBigBang restent uneénigme. Insurmontable ?
Ainsi en est-il de la conscience humaine et de lapensée.
Apparueavec le langage lorsqu’il fallaitànotreancêtreexpli-
quer auxmembresdesa tribuoùse trouvait l’arbreprèsde
la rivièrequi avait déjà ses fruits, laconsciencen’avait pas
pour finalité ladécouvertede la relativité, ni l’origineduBig
Bang. Laconsciencede l’Homme, serait-elledoncunavatar
de laNaturequecelle-ci risquedepayer cher ?
6,7
Roussillon-en-Morvan
R
éférences
(1) Hameroff S, PenroseR (2014) Phys. LifeRev. 11, 39-78.
(2) vonderMarlsburgC.,WillshawDJ (1977)Proc.Nat.Acad.Sci.74,5176-8.
(3) GrayCM, KönigP, Engel AK, SingerW (1989)Nature23, 334-7.
(4) Engel AK, FriesP, SingerW (2001)Nat RevNeurosci. 2, 704-16.
(5) CrickF, KochC (1995)Nature375, 121-3.
(6) CrickF, KochC (1998)CerebCortex8, 97-107.
(7) CrickF, KochC (2003)NatNeurosci. 6, 119-28.
(8) WardLM (2003) TrendsCognSci. 7, 553-9.
(9) Zeki S (2001)AnnRevNeurosci. 24, 57-86.
(10) IzhikevichEM, EdelmanGM (2008) ProcNatl AcadSci. 105, 3593-8.
(11) DamasioA,CarvalhoGB (2013)Nat RevNeurosci. 14, 143-52.
(12) ThompsonE, VarelaFJ (2001) TrendsCognSci. 5, 418-425.
5
Je faisallusionaux travauxremarquablesdeS.DehaeneetdeJ.P.
Changeuxqui avec l’imagerie cérébrale ont discerné les divers
états subliminal, préconscient et conscient. Leurs conclusions
demanderaientun longdéveloppement.RevuedansTrendsCogn
Sci. 2006, 10, 204-11.
6
Mon inspirationa été facilitéeparun remarquable site internet
quimalheureusementn’estplusabondédepuisquelque tempspar
fautedemoyens:http://lecerveau.mcgill.ca/flash/
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Un immenseremerciementàNathalieGuérineaupoursesconseils
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