La Lettre 50 - page 26

La lettre
n°50
ossier
LAREPRODUCTION, UNEAFFAIRE DE NEZ
|
PAR YVES TILLET et ANNE H DUITTOZ
(UMRPhysiologiede la reproduction et des comporte-
ments INRACentreVal de Loire, Nouzilly)
Bien sûr, les odeurs et les phéromones jouent un rôle
importantdans la reproduction (rencontredespartenaires,
déclenchementde l’ovulation–voir lesarticlesdeGCou-
reaud et F Lévy dans ce dossier), mais le lien entre le
systèmeolfactif et la reproductionvabienau-delà.Chez
tous les vertébrés, la reproduction est sous le contrôle
dequelques centaines àquelquesmilliers de neurones
situésdans l’hypothalamus. Ilssynthétisent et libèrent un
peptide, lagonadolibérine,ougonadotropin-releasinghor-
mone (GnRH).Cesneuronespossèdent lacaractéristique
d’avoir une origine embryologiquedifférentedes autres
neuronesdusystèmenerveuxcentral.Au lieudeprovenir
des cellules du tube neural, ils proviennent de la région
qui va donner le nez, plus précisément des placodes
olfactivesqui donnent naissanceà l’organevoméronasal,
contre le septumnasal.
Le lien entre olfaction et reproduction a été fait depuis
longtempsparunmédecinanatomopathologisteespagnol
AurelianoMaestredeSanJuan,quiavaitobservédès1856
quedespatientsstérilesétaient également anosmiques.
En1944, legénéticienFranzJosef Kallmannémet l’hypo-
thèsegénétiquedecesyndromequi associeanosmieet
hypogonadisme hypogonadotropique, auquel il donne
son nom. C’est l’absencededéveloppement des nerfs
olfactifsqui empêche lamigrationdesneuronesàGnRH
depuis lesplacodesolfactivesvers l’hypothalamusetqui
est responsabledublocagede la reproductionenmême
tempsque l’anosmie.Chez lasouris, ladélétiondugène
duGnRH rend lesanimaux stériles.
Les neurones àGnRHapparaissent très tôt aucoursde
l’embryogenèseauniveaudesplacodesolfactives, vers
11,5 jours degestation chez la souris, et entre 42 et 46
jours chez l’homme. Ilsmigrent ensuite vers le système
nerveuxcentral le longdesnerfsolfactifset terminaux. Ils
pénètrentdans lecerveauauniveaudesapartie rostrale,
aupoint d’entréedesnerfs terminaux. Ilscontinuent leur
migrationventro-caudalementdans le tissunerveuxpour
s’installer dans la région située au-dessus du chiasma
optiquedans l’hypothalamusoù ilssont retrouvésà l’âge
adulte.Selon lesespèces ilssedistribuent enproportion
variable le longd’uncontinuumentrecettezoneet l’émi-
nencemédianeoù laGnRHest libéréedans lesangdes
vaisseauxdusystèmeportehypothalamo-hypophysaire.
Ces neurones expriment également d’autresmolécules
commedes neuropeptides, tel que lagalanine, oudes
enzymes de synthèses des catécholamines telleque la
tyrosinehydroxylase, dont le rôledanscescellulesn’est
toujourspas identifié.
De trèsnombreux facteursvontguider lamigrationdeces
neuronesdepuis lesplacodesolfactiveset lesystèmener-
veuxcentral. Lespremiers facteursmisenévidencesont
lesprotéinesd’adhésioncellulaires, lesNCAMdont le rôle
aétédécrit en1994parSchwanzel-Fukudaet collabora-
teurschez lasouris
(1)
.Cesprotéinessontessentiellesen
permettant l’adhésiondesneuronesàGnRHauxcellules
glialesenvironnantes.Ellesconstituent unvéritable rail de
guidage, et leurabsencebloquecomplètement lamigra-
tiondes neurones. De nombreux facteurs de régulation
sont impliqués, parmi lesquels on trouve les neurotrans-
metteurs tels que les catécholamines, la sérotonine, le
GABA…, desmolécules deguidage chimio-attractives/
répulsives, comme lessémaphorinesetd’autres facteurs
comme lebFGF. Certainesmolécules vont jouer un rôle
pendant le trajet intranasal, comme les catécholamines,
leGABA, ouplutôt lorsdupassagedans leSNCcomme
la sémaphorine 4D, ou lors de l’entréedans le cerveau,
comme laprotéineNELF (pour Nasal Embryonic LHRH
Factor) qui s’exprimespécifiquement dans lesneurones
àGnRH à cemoment-là. Elle permet aux neurones de
prendre labonne orientation vers l’hypothalamus, et de
nepas sedisperser dans l’ensembledu tissucérébral.
Àpartir dumodèle de cultures primaires de placodes
olfactives isolées que nous avons développé au labora-
toire, nousavonspumontrer le rôle importantdescellules
gliales olfactives engainantesdans leguidagedes neu-
ronesàGnRH tout au longdu trajet depuis lesplacodes
olfactives jusqu’aucerveau
(2)
.Cescellulescommencent
àmigrer avant lesneuronesàGnRH. Ellesexpriment les
gènes codant pour desmolécules impliquées dans le
guidagedes neuronesàGnRH tel que laprotéineNELF
et lasémaphorine4D. Lescellulesglialesolfactives jouent
doncun rôleessentiel dans lapréparationdu trajetmigra-
toiredesneuronesàGnRH.
Chez l’adulte lesneuronesàGnRH restent fonctionnelle-
ment liésauxsystèmesolfactifs,ainsidenombreuxstimuli
olfactifs sont impliquésdans la régulationdes neurones
àGnRH et dans les différentes phases des cycles de
reproduction (voir les articles deGCoureaud et F Lévy
danscedossier).
(1 ) Schwanzel-FukudaM,ReinhardGR,AbrahamS,CrossinKL,Edelman
GM,Pfaff DW.Antibody toneural cell adhesionmoleculecandisrupt
themigrationof luteinizinghormone-releasinghormoneneurons into
themousebrain. JCompNeurol. 1994 ; 342(2):174-85.
(2) GellerS,KolasaE, TilletY,DuittozA,VaudinP.Olfactoryensheathing
cells form themicroenvironment of migratingGnRH-1neuronsduring
mousedevelopment.Glia. 2013, 61(4):550-66.
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