La Lettre 50 - page 23

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1. Lesmécanismescomportementaux
La reconnaissanceducongénère
Chez les rongeurs, la reconnaissanceducongénère repose
essentiellement surdes indicesolfactifs :cettediscrimination
peut s’opérer sur la seule base des odeurs individuelles
contenues dans la litière. La composition chimiquedeces
odeursest trèscomplexeetelleestbaséesurdesdifférences
individuellesgénotypiques.Enparticulier, sont encause les
gènes du complexemajeur d’histocompatibilité ainsi que
des lipocalines comme les protéines urinairesmajeures
trouvées chez la souris. Des souris sont capables dedis-
criminer deux urines provenant d’individus génétiquement
différents seulement au niveaudu locusH2des gènes du
complexemajeurd’histocompatibilité. L’additiondecertains
peptides, codéspar le locusH2,provenantde lasouchede
sourisC57BL/6 à l’urinede la soucheBALB/c induit chez
la femelle une altérationde l’identitédumâlegéniteur
(1)
.
Par ailleurs, l’examende ces protéines urinairesmajeures
permetà lasourisde faire ladistinctionentresapropreurine
et celled’un frèreouentredeuxde ses frères
(2)
. Ainsi les
protéines du complexemajeur d’histocompatibilité et les
protéinesurinairesmajeures fourniraientunevéritable identité
olfactivemais lamanièredont ces2systèmes interagissent
resteencoreàdécouvrir.
•LeComportement sexuel
Chez les rongeurs, l’attractionpour lepartenairesexuel est
réguléepardesodeursémises,enparticulierdans lesurines.
Par exemple, chez la souris femelle, le composé volatil, le
methylthio-methanethiol (MTMT), présent dans l’urine de
mâles, induit unepréférencepour l’urinedemâles castrés
(3)
.Deplus, uncomposénon-volatil, ladarcin, appartenant
augroupedesprotéinesurinairesmajeuresaétéégalement
identifié comme un attractant pour la femelle. La darcin,
protéine simple, ne constitue pas une signature olfactive
individuellesur laquelle la femellepeut reconnaîtreunmâle
particulier.Cependant, si la femelleestmiseencontact avec
cetteprotéineelleapprendetmémorise lescomposésvolatils
individuelscontenusdans l’urined’unmâlespécifiquede telle
sortequ’ultérieurement la femelleest attiréeuniquementpar
cescomposés.Chez lecochon, lasalivedumâlecontientun
mélangedecomposésstéroïdiensqui attirespécifiquement
la truie.Undescomposésmajeurs, l’androstenone induit à
lui seul lecomportement d’attractionde la truie.Chez l’élé-
phantmâle,cesont lesglandes temporalessituéesprèsdes
yeuxqui sécrètent de la frontaline, substanceéminemment
attractivepour les femellesenœstrus.
Laphasecomportementaledecopulationest dépendante
des odeurs émises par le partenaire. Chez le hamster,
l’aphrodisine, une lipocaline, identifiéedans les sécrétions
vaginales de la femelle, induit uncomportement demonte
(4)
. En ce qui concerne le comportement sexuel femelle,
l’androstenone faciliteégalement l’immobilisationde la truie
pendant lechevauchement du verrat. Chez la souris, deux
composés de l’urinedemâle le 2-(sec-butyl)-4,5-dihydro-
thiazoleet ledehydro-exobrevicomine induisent la réceptivité
de la femelle.
particulier.Decepointdevue, lesmodèlesanimauxontdéjà
montré leur intérêt.Ainsi,dansune tâched’aversionolfactive
conditionnée, on apu révéler qu’unemême odeur pouvait
activer deux circuits différents en fonctionde l’expérience
que le rat avait vécueetqui l’avait conduit àdévelopperune
aversionpour ce
stimulus
(10)
.
Conclusions
Lesodeursont lacapacitédegénérer le rappeldesouvenirs
autobiographiques puissants et anciens. Une odeur peut
nous transporter dansun temps révoluet nous faire revivre
unévénement denotreenfance richeenémotions, ensen-
sations, endétailsdivers.Parcontre, lesodeurs, comme les
autres
stimuli
sensoriels, sont sujettes à l’oubli. L’existence
d’un lien intime entre les odeurs, les émotions et les sou-
venirs, fait que les odeurs sont deplus enplus utilisées à
desfins thérapeutiques.Dans lecadreclinique, lesodeurs
sont ainsi utilisées pour faire resurgir des souvenirs, des
émotions, et libérer laparole chez des patients ayant subi
des traumatismesde lamémoireoude laparole.
R
éférences
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Olfaction et Comportements Sociaux
chez les mammifères
Frédéric Lévy (
INRA, UMR85PRC, CNRS, UMR
7247, Université F. Rabelais, IFCE, Nouzilly)
Lesmammifèresontdéveloppédessystèmessociauxcom-
plexesdans lesquels lacapacitéàdistinguer les individus
et à les reconnaître est vitalepour leur survie et lapéren-
nité de l’espèce. C’est à partir de la reconnaissance des
congénèrespermettant l’identificationd’un individuoud’un
groupeque s’établissent les comportements territoriaux. Il
enest demêmepour lechoixdupartenairesexuel oupour
lamise enplacedu liend’attachement entre lamère et sa
progéniture. Le type d’information sensorielle au service
decette reconnaissanceest variémaispour laplupart des
mammifères l’olfaction est le sens prédominant. Ainsi, les
signauxolfactifsémispar les individuspeuvent renseigner
sur l’état comportemental ouphysiologique, la familiarité,
l’identité, informations indispensables à un comportement
dedéfense, sexuel ouparental adapté.
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