La Lettre 50 - page 29

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Les troubles de l’olfaction dans le
vieillissement normal et patholo-
gique
: cas de la dépression et de la
maladie d’Alzheimer
Boriana Atanasova
(UMR« ImagerieetCerveau»,
InsermU930 -UniversitéFrançoisRabelaisdeTours)
Introduction
Par rapport aux autres sens, l’étude du fonctionnement
normal et pathologique (troubles olfactifs dus àdes trau-
matismes crâniens, interventions chirurgicales au niveau
du nez et du cerveau, inflammations des fosses nasales,
attentesneurologieset psychiatriques,…) de l’odorat aété
longtempsnégligée, bienqu’il ait un rôle fondamental pour
la survie. Il nous alerted’undanger potentiel (alimentation
avariée, fuitedegaz,…). Il contribueégalement aux joieset
auxbonheursde l’existenceet joueainsi un rôle fondamental
dans le vécu, l’histoireet l’identitédechacund’entrenous.
Lesystèmeolfactif est leseul systèmesensoriel pour lequel
l’informationatteintdirectement l’amygdalesans transiterpar
le thalamus, cequi lui confère une capacitéparticulière à
interférer avec lesémotions. Lesairesdeprojectionsolfac-
tivesprimaireset secondairesparticipentau fonctionnement
dusystèmeendocrinien, autonome, viscéral, émotionnel et
mnésiqueet jouent ainsi un rôledans la réminiscencedes
souvenirs évoqués par les odeursmême très longtemps
après l’encodage. Lesystèmeolfactif intègreet associedes
informationspériphériquesainsi quedesexpériences, des
connaissances, et des émotions faisant appel à un traite-
ment cognitif pluscentral. L’odoratpossèdedoncdes liens
tout à fait exceptionnels avec les émotions et lamémoire,
deux caractéristiques qui représentent le fondement de
notre identité et dont certains aspects sont altérés dans
certainespathologies liées (ounon)auvieillissementcomme
ladépressionet lamaladied’Alzheimer.
Les troublesolfactifsdans levieillissement normal
Levieillissementnormal estcaractériséparunealtérationde
certainescapacités.C’est lamémoireépisodiquequi est la
plus touchéepar levieillissement.Bienque lesdonnéesde
la littératurenesoient pasclaireset qu’il existepeudedon-
nées récentes, les capacités olfactives semblent touchées
par l’âge.UneétudemenéeauxÉtats-Unisamontréque la
moitiéde lapopulationâgéede65et80ansprésenteraitdes
troublesolfactifsmajeurset environ les troisquartsdesplus
de80ansseraient anosmiques
(1)
.Ce troubleconcernerait
principalement lasensibilitéolfactive ; leseuil dedétection
augmenterait ainsi d’un facteur 2 tous les 10 ans, entre 20
et 70 ans
(2)
. Les données de la littérature concernant la
prévalencedes troublesolfactifschez lespersonnesâgées
sont contradictoires. Il a étémis en évidenceque 24,5%
d’entre elles présenteraient des troubles de l’identification
des odeurs. Cette prévalence atteindrait 62,5% chez les
personnesâgéesde80à97ans
(3)
.Néanmoins, selonBoes-
veldtetcollaborateurs (2011)
(4)
, seuls2,7%despersonnes
âgéesseraient touchéespardes troublesolfactifssévères.
Les troubles olfactifs des personnes âgées semblent être
liésàunealtérationduneuro-épithéliumolfactif, unediminu-
tionde l’activationdecertaines structures cérébrales ainsi
que desmodifications neurochimiques dans le cerveau.
Les lésionsde l’épithéliumolfactif seraient en lienavecdes
interactions environnementales (virus, bactéries, toxines,
polluants,…)qui auraientpourconséquenceunediminution
de l’épaisseur de l’épithéliumet dunombrede récepteurs.
Auniveaucentral, unediminutionde l’intensitéd’activation
et du volume de la partie droite de l’amygdale ainsi que
des cortex pyriformes et péri-amygdaliens a été observée
chez lespersonnesâgées.Enfin, auniveauneurochimique,
unealtérationdusystèmecholinergique, étroitement liéà la
fonctionolfactive, aétéévoquéedans la littérature.
Olfaction -dépression -maladied’Alzheimer :quels liens?
L’intérêtd’étudier les troublesolfactifsdans ladépressionet
dans lamaladied’Alzheimerpeut s’expliquerpar lechevau-
chement neuro-anatomiquede certaines aires cérébrales
impliquées dans les processus olfactifs et dans ces deux
pathologies comme par exemple le bulbe olfactif, le cor-
tex orbitofrontal et l’amygdale. Ladépressionet lamaladie
d’Alzheimer sont deuxmaladies fréquentes chez les per-
sonnes âgées pour lesquelles on observe une intrication
decertainssymptômescliniques.Parexemple, ladysphorie
spécifiquedespatientsatteintsd’unemaladied’Alzheimer, se
caractérisantparunedévalorisationouencorede la tristesse
peut s’apparenter à l’apathieobservéechez lespersonnes
dépressivesqui se traduitparunmanqued’émotions,d’inté-
rêt ou encore demotivation. Aussi, les troubles cognitifs
observéschez lespatientsatteintsd’unemaladied’Alzhei-
mer peuvent s’apparenter aux conséquences de l’humeur
dépressiveet du ralentissement psychomoteur décrit chez
lespatientsdépressifs.Dans ledomaineclinique, lesméca-
nismes de cette intricationdes symptômes restent encore
mal connus.Néanmoins,plusieurshypothèsespeuvent être
envisagéespourexpliquerces liens. Lapremièrehypothèse
consisteàsupposerque ladépressionpeut êtreconsidérée
commeun facteurde risquede lamaladied’Alzheimer.Une
méta-analyseaconfirméquedesantécédentsdedépression
augmentent le risquededévelopper unemaladied’Alzhei-
mer
(5)
. Lasecondehypothèseestque ladépressionserait
un symptômede lamaladied’Alzheimer. Eneffet, ce serait
le symptôme non cognitif le plus fréquent de lamaladie
d’Alzheimer qui se traduit généralement par un état de
dépressionmineure.Parailleurs, 80%despatientsatteints
d’unemaladied’Alzheimer présenteraient des symptômes
neuropsychiatriquesdont les syndromesaffectifs
(6)
.
•Troublesolfactifsdans ladépression
Concernant levieillissementpathologique, trèspeud’études
se sont intéressées à la fonctionolfactivechez lespatients
dépressifsâgés.Deplus, les résultatsobtenussont contro-
versés. Par exemple, aucunedifférencen’aétédémontrée
entre lespatientsdépressifsâgéset lessujetssainsquantau
1...,19,20,21,22,23,24,25,26,27,28 30,31,32,33,34,35,36,37,38,39,...41
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