La Lettre 50 - page 34

La lettre
n°50
ossier
fautedebesoinoudumanquedeconnexionssocialesentre
les individus.
La secondepisteest ducôtédes neurosciences : peut-on
relier l’aptitude au raisonnement analogique à des aires
cérébrales particulières, et, si oui, peut-on savoir à quel
moment cesaires sont apparues ?
L’accroissement de la tailleducerveaua surtout été spec-
taculairedepuis2millionsd’annéeschez les représentants
dugenre
Homo
, passant de800ccchez
Homoergaster
à
1400 cc chez
Homo sapiens
. Mais si la taille du cerveau
desAustralopithèquesétait comparableàcelledesgrands
singes, certainschercheurspensentqu’ilsavaientdéjàune
organisationprocheducortexhumain.Grâceaux techniques
d’imagerie, l’étudedesendocrânesde trèsancienshomini-
néspermetd’avoirune idéede la formedescirconvolutions
de leur cerveau. La question du développement de l’aire
deBroca et de l’aptitude au langage chez
Homo habilis
,
voirechez les
Australopithèques, est for tement controversée.
L’asymétrieentre lesdeuxhémisphères, faiblechez lesAus-
tralopithèques, est déjàprononcée chez
Homo erectus
et
Homoneanderthalensis
(pour unebonne synthèse,
(8)
).
Des cartographies des régions du cerveau impliquées
lorsqu’un spécialiste taille lapierre, obtenues par la tomo-
graphiepar émissions depositrons (PET), ont montré l’im-
plicationde l’airedeBroca
(9)
. Aussi utiles soient-ils pour
comprendre lesmécanismesd’unepensée techniquedéjà
élaborée, ces travauxnenousdisent rienduprocessusde
l’invention. Ilsnenouspermettentpasdedireàquelmoment
ni pourquoi certains homininés ont un jour commencé à
utiliser puisà façonner desoutils.
Onvoitquecettequestionouvreunchantierqu’il n’estguère
possibled’entreprendresansunecollaboration interdiscipli-
naireentrepaléoanthropologues,préhistoriens,cognitivistes
et neuroscientifiques.
R
éférences
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piler, des premiers chasseurs aux premiers agriculteurs. Paris, CNRS
Éditions.
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neuropsychologia.2006.09.014).
l’onencroit lesdernièresdécouvertes
(5)
.
Si les inventions techniques semblent semultiplier et se
diversifierdemanièreexponentielleaucoursdesmillénaires
de lapréhistoire, celapourrait n’êtrepas dû à une amélio-
rationdes capacités cognitives déjà enplace, mais àdes
circonstancesexternes, commeuneplusgrandedensitéde
peuplement accroissant laprobabilitéde rencontres entre
deux idéesoudeux techniques.
Perspectivesde recherche
Pour tester cette hypothèse, deux pistes s’offrent à nous.
D’unepart, lapisteéthologique.Sachantque leshomininés
(Australopithèques,Paranthropeset représentantsdugenre
Homo
) se sont séparés des paninés (Gorilles et Chimpan-
zés) il y aquelque 6millions d’années, il serait intéressant
devoir si lesgrandssingesactuelsdisposent de l’aptitude
au raisonnement analogiqueenmilieunaturel.Si la réponse
est négative, cela peut signifier que cette aptitude serait
apparueaprès ladivergencedudernier ancêtrecommun.
Laquestionest en fait fortementdébattuechez lesprimato-
logues
(
cf.parex.
6)
.Si leschimpanzésutilisent à l’occasion
le« transfertdecompétence»pour résoudreunproblème,
celan’a été signalépour l’instant qu’encaptivité et auprès
desujets«éduqués». Pour les tâchesd’appariement rela-
tionnel
(relationalmatching tasks)
, le lienavec le langageest
fortement suggérépar les travaux sur l’enfant humain
(7)
,
maison lesa tout demêmeobservéeschezdesbabouins
après, il est vrai, unapprentissagedemilliersd’essais.
De toute façon, cetteaptitude, àsupposerque lesprimates
nonhumains lapossèdent,n’estchezeuxni fréquente,ni évi-
dente.Celapourrait s’expliquerparun faibledéveloppement
de leurmémoireà long terme. Ondoit cependant direque
l’étudedu rappel de lamémoireà long termeaéténégligée
chez les espèces nedisposant pas du langage, peut-être
parcequ’il est conçu comme se rapportant exclusivement
àdes informationsd’ordre linguistique. Il est aussi possible
quecescompétencesnesemanifestentpasdans lanature
Galetde lagrotted’Isturitz (Pyrénées-
Atlantiques)datéentre30000
et25000ansportantdes traces
d’impacts semblablesàcellesvisibles
sur lesgaletsutilisésparcertains
chimpanzéspourconcasserdes fruits
àcoquilledure (SophieA. deBeaune).
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