La Lettre 50 - page 38

La lettre
n°50
Philippe Vernier (2011-2013)
Au début des années 2000 s’est impo-
sée l’idéeque le système nerveux des
vertébrés était construit selon unplan
général communà toutes les espèces
dugroupe, une extension au système
nerveuxde lanotionde«planducorps»,
solidement établiepar les généticiens du
développement quelques années auparavant.
Cetteconstatation, longtempscachéederrière lacomplexité
de l’anatomiedescerveauxadultes, a reposésur l’observa-
tionde la remarquablesimilitudedes territoiresd’expression
degènesdedéveloppementdans le tubeneural d’espèces
aussi différentes quedes poissons, des amphibiens, des
oiseauxetbiensûrdesmammifères.Cesgènescodent,pour
laplupart,des facteursdesignalisationoude transcription
qui gouvernent ladifférenciationdes cellules neurales et
leur confèrent leur identité, fixent leur destin. Cettedécou-
verte extraordinaire, principalement associée aux travaux
de Luis Puelles et JohnRubenstein, a révolutionné notre
manière de comprendre lesmécanismes génétiques et
cellulairesde la formationducerveau, en lui fournissant un
cadre théorique rigoureux et expérimentalement testable.
Cette conservationde l’organisationgénéraledu cerveau
desvertébrésapermisdecomparerde façonprécise l’ana-
tomie et les fonctions cérébrales denombreuses espèces
devertébrés,enparticulierentre lesespècesmodèles (sou-
ris, zebrafish, xénope, poulet… etc.) et l’espèce humaine.
Il est devenupossibled’identifier ceque ces espèces ont
en commun, mais aussi de comprendre cepar quoi elles
diffèrent, en raisonde leur adaptationàdesmodesde vie
différents. L’impact decettedécouverte sur l’embryologie,
la neurobiologie comparée, lapaléontologie, l’éthologie et
lessciencescognitives, aussi bienquesur laneurologieet
lapsychiatrien’apas fini de se faire sentir.
Christophe Mulle (2013-2015)
Pour lesspécialistesdescircuitssynap-
tiques, cedernierquart desiècleadé-
butéavec la révolutiondupatch-clamp
quiabouleversé l'étudedes récepteurs,
descanaux,dessynapsesetde toutes
les catégories de cellules du système
nerveux. Leclonagedesgèneset l'avène-
mentde la transgénèseapermisde lier la fonction
decomplexesmacromoléculairesà laphysiologieneuronale.
Cependant, lacorrélationentregènes, synapsesetcompor-
tementétait souventhasardeuse.Avec ledéveloppementde
l'électrophysiologie et de l'imagerie cellulaire en condition
comportementale, combiné au transfert degènes
in vivo
et à l'optogénétique, la révolution enmarche est cellede
l'analysede la complexitéde la connectivité neuronale et
descircuitsàunniveaumésoscopique.
intégré.Ainsipeut-ondésormais lier l’échellemicroscopique
d’étudeducerveauaucomportement de l’animal entier. Je
me réjouis doncde cepont qui s’établit entre lesNeuros-
ciences«cellulaires»et lesNeurosciences«cognitives».
J’espère que l’on pourra très vitemieux comprendre les
mécanismesen jeudans« lesmaladiesducerveau» telles
lesmaladiespsychiatriques.Appréhender lesmécanismes
en jeuaideraaussi notrecompréhensionducerveauet de
laconsciencehumaine.
Etienne Hirsch (2007-2009)
Tropsouvent onoppose recherche fonda-
mentaleet rechercheappliquée.Ces20
dernièresannéesnousontmontréque
cesdeux formesde recherchepeuvent
cohabiteret se renforcermutuellement.
Un exemple concerne notre compré-
hensionde l’organisationanatomiqueet
du fonctionnementdesbouclesneuronales
baso-cortico-basales. Leuranalysefineapermisd’identifier
des territoires fonctionnels différents dans les domaines
sensori-moteurs, associatifset limbiques.Cettedécouverte
fondamentaleaétéà l’originedenouveauxdéveloppements
en recherchephysiopathologiqueetdudéveloppementde
la stimulation cérébrale profonde pour lesmaladies psy-
chiatriques telles que les TOC, lamaladie deGilles de la
Touretteoumême ladépressionsévère. Je formule lesvœux
quepour lesannéesàvenir, laSociétédesNeurosciences
renforce les liensentre toutes lesdisciplines.
André Nieoullon (2009-2011)
Les progrès de l’imagerie cérébrale, la
fascinantehistoiredesneuronesmiroirs
ou encore les stimulations cérébrales
profondes, et jusqu’aux applications,
étonnantes,decequi estdésignépar le
mouvement « imaginé»et ses implica-
tionsd’interfaceshomme-machine, faisant
rêvercertainsau transhumanisme, sontautant
d’avancées. Mais c’est lemystèredu code neural que j’ai
choisi d’évoquer.Comment nosneuronessont-ilscapables
degénérer et de conserver une représentationdumonde
?Quels sont les fondementsdescartescognitiveset de la
penséeabstraite?À l’origine, leconceptdevecteursdepo-
pulations, asuggérécomment lesneuronescoopèrentpour
coder ladirectiondumouvement (Georgopoulos,1983).Mais
cettequestion reste encore très largement sans réponse.
Lescellules«deplace»de l’hippocampe,deJohnO’Keefe
(1993) illustraient alors lesbasesde lamémoirespatialeet
éclairaient cequestionnement, mais c’est surtout avec les
travauxdeMay-BrittetEdvardMoser (2008)quececoncept
apris toute saplénitude, avec ladescriptiondes cellules
«degrille»ducortex entorhinal, confortant la théoriedes
cartescognitivesdont lamatérialitéestmaintenant tangible.
iede laSociété
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