La Lettre 48 - page 18

LA LETTRE
N°48
ossier
relativement indépendamment des informations intéro- et
extéroceptives. Ceci permettrait d’expliquer, dumoins en
partie, les situations d’absorption, de dissociation et de
diminutiondesenscritiquecaractéristiquesde l’état hypno-
tique. Cependant, il s’agit làessentiellement d’hypothèses
qui devront êtreconfirméesexpérimentalement.
RÉFÉRENCES
(1) VanhaudenhuyseAet al. (2014),Neurophysiol Clin, 44, 343-353.
(2)DehaeneS. et al. (2006) TrendsCognSci, 10, 204-211.
(3)DehaeneS&Changeux, JP (2011),Neuron, 70, 200-227.
(4)Agnati LFet al. (2012)BrainRes, 1476, 3-21.
(5)Bressler SL&Menon, V (2010) TrendsCognSci, 14, 277-290.
(6)Maquet Pet al. (1999)Biol Psy, 45, 327-333.
(7)Demertzi Aet al. (2013)CurrOpinNeurobiol, 23, 239-244.
(8) FaymonvilleMEet al. (2003)CognBrainRes, 17, 255-262.
(9) FaymonvilleMEet al. (2006) JPhysiol (Paris), 99, 463-469.
L’IMMOBILITÉ TONIQUE CHEZ L’ANIMAL : UNE
FORME D’HYPNOSE ?
CÉCILE ARNOULD
(ÉquipeComportement, neurobio-
logie, adaptation INRAUMR85PRC,CNRSUMR7243,Uni-
versitédeTours, IFCE,Nouzilly)
Ladescriptionde la réactiond’immobilité toniquechez les
animauxdatedeplusde300ans
(1)
.Si les termesd’hypnose
animaleoud’état hypnotiqueont été, ousont encoreparfois
utilisésdans la littératurepourparlerde l’immobilité tonique,
il existeactuellement unconsensusdans l’utilisationdece
dernier terme, plus neutre et descriptif de l’état observé.
Cette réaction,qui nenécessitepasd’apprentissage, aété
décritechezunemultituded’espècesanimales.Une littéra-
tureabondante,notammentchez lapouledomestique,décrit
avecprécisioncecomportement,montresamodulationpar
leniveaudepeur de l’individu, son intérêt pour l’animal en
termesde survieet chercheégalement à identifier les cor-
rélatsphysiologiqueset neurobiologiquessous-tendant cet
état. Lessynthèses, déjàanciennes, deGallup
(1)
et Jones
(2)
illustrent bien l’abondancedecette littérature.
L’immobilité tonique : une réactionbiencaractérisée
sur leplancomportemental
Par lepassé, diverses techniques ont étéutiliséespour in-
duire la réactiond’immobilité tonique (IT) : contentiondans
différentes positions (ventrale, dorsale, latérale), utilisation
d’uncapuchonsur la têtede l’animal, etc.Si denombreuses
techniquessont capablesd’induirecet état, il semblequ’un
facteurcommunà toutes lesprocéduressoit unecontrainte
physique. Lamiseen jeudecertains typesde stimulations
tactileset/ouproprioceptivesest nécessaire. Denos jours,
la réactiond’ITest classiquement induitede façonstandar-
disée par une restriction physiquemanuelle brève (chez
les oiseaux elledure habituellement 10 sec). L’animal est
contraint leplus souvent, mais pas uniquement, dans une
positiondorsale.Aprèss’êtredébattu, il adopteuneposture
d’immobilitéqui perdure lorsque la restrictionphysiqueest
levéeetpeutdurerdequelquessecondesàplusieursheures.
Cette immobilité, secaractérisepar unehypertonicitémus-
culaire,maiscette tonicitépeut varieraucoursde la réaction.
Unétat plus relâchépeut êtreobservéaubout d’uncertain
délai.Parfois,des tremblementsmusculairessont observés
de façon transitoire. Laplupart du temps l’immobilité n’est
pas complètedurant toute laduréede la réaction. Il existe
une fermeture sporadiquedes yeux et cette fermeturedes
yeuxsembleprédictived’uneduréed’immobilitéplus longue.
Chez les oiseaux, il peut y avoir des vocalisations intermit-
tentesqui seproduisent parfoisendébut d’induction,mais
qui plusgénéralement indiquent lafinprochede la réaction
d’immobilité. Justeavant la finde la réaction, l’animal peut
également effectuer desmouvements de tête (interprétés
comme une évaluation/surveillance de l’environnement).
La finde lapérioded’immobilité est généralement subite.
L’animal passepresque immédiatementde l’état immobileà
l’étatmobileet leplussouvent tentede fuir l’expérimentateur
avec vivacité.
Durant cette réaction, le réflexepupillaireest intact. L’animal
n’estpasenétatdesommeil.Le tracéélectro-encéphalogra-
phique (EEG)correspondàunétatd’éveil sanss’apparenter
à un état de sommeil paradoxal puisque sont observés ni
diminution du tonusmusculaire, ni mouvements rapides
des yeux, ni clignements des paupières oumouvements
despattes. Il existedoncunedissociationentre l’activitédu
cerveau et le comportement (immobilité)
(1)
. Par ailleurs,
l’animal estconscientetgardesescapacitésdiscriminatives.
Laprésencedestimulationsexternes, commeunbruit ou la
présenced’unepersonneoud’uncongénère,peut abréger
la réactionou, aucontraire, rallonger saduréeselon l’expé-
riencede l’animal. Par ailleurs, laprésencede stimulations
externesprovoquedesmodificationsdu rythmecardiaque.
Durant la réactiond’IT, les animaux sont capables deper-
cevoir, associer, analyser, stocker, rappeler l’informationpré-
sentée
(1, 3)
. Divers auteurs, sur différentes espèces ani-
males (pouledomestique,poisson…),ontainsipu réaliserun
conditionnement classiquechezdes individusplacésen IT.
Une réaction largement répanduedans le règneanimal
Cette réactionse rencontreaussi bienchez les insectes, les
crustacés, les poissons, les amphibiens, les reptiles, que
chez lesoiseaux (pouledomestique, caille,pigeon..)ou les
mammifères (cochon, lapin,cochond’Inde…).Une littérature
deplus enplus abondante vamême jusqu’à l’étendre aux
humains en l’interprétant comme une réaction peri-trau-
matique, comme par exemple dans le cas de l’évocation
d’un traumatisme vécu chez des patients affectés par un
syndromedestresspost-traumatique (PTSD ; 4) ou lorsde
la naissance chez certains nouveau-nés
(5)
. SelonCor-
tez et Silva
(6)
, des réponses d’IT seraient présentes chez
l’Homme lors d’une situationdemenace extrêmede la vie
et ledéveloppementducortexcérébral pourrait avoir rendu
possible lecontrôleconscient decette réaction.
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