La Lettre 48 - page 28

LA LETTRE
N°48
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Il existedenos joursunevivepolémiqueautourde la théo-
riedugenre, laquelle s’abîmedans laconfusion laplusgros-
sièredès lorsqu’idéologiepolitique, détournementmédia-
tiqueetutopieégalitaire s’enmêlent en instrumentalisant
les résultatsde la recherchenotammentneuroscientifique.
Unemiseaupointpar lebiaisde laneuroéthiqueestplus
que jamaisnécessaire.
La confusion est néede l’indistinction entre le sexué et le
sexuel,ou,en termespsychanalytiques
(7)
,entre lasexuation
et lasexualité.L’
identitésexuée
reposeautant sur lesexebio-
logiqueassignéà lanaissanceàpartirdesorganesgénitaux
quesur lesexesocial, c’est-à-diresur lescomportementset
les rôlesmasculinset féminins telsqu’ilssont culturellement
définisdansunesociétédonnée.Mais il existeaussi unsexe
psychologiquequi correspondausentimentdemasculinité
oude féminité, doncd’appartenance à ungroupe sexué.
L
identité sexuée est donc bien une construction dans la
mesure où elledépendd’influences aussi bien objectives
quesubjectives (naguère, onauraitdit innéeset acquises).
L’
identitésexuelle
se rapporteplutôt à l’orientationsexuelle,
au choix d’unpartenaire sexuel, homme ou femme, et qui
n’a rienàvoir avec l’identitésexuée, laquelleestmasculine
ou féminine. Et le
genre
dans tout cela?Se réduit-il auseul
sexe social ?Ou à l’orientation sexuelle ? Il semblerait que
le rapport augenrecorrespondeausensqu’unepersonne
donne aux normes sociales demasculinité et de féminité
et à la façon dont elle se les approprie dans son identité
sexuée
(8)
.Maisoùcelasecompliqueencore, c’est quand
onconsidèreque ladéterminationdugenre repose sur de
multiples relationsdecausalité,desimultanéitéetdenorma-
lisation, laquelleestpluriellesi l’on tient comptedesnormes
légales, socialesetmédicales
(9)
.
Lecerveauest-il sexuéousexuel ?
Relier les inégalitéssocialesetprofessionnellesconstatées
entrehommeset femmesainsique lesnombreuxstéréotypes
sexuelsqui ont encorecoursdenos joursàdesdifférences
anatomofonctionnellesducerveauestune tendancequ’il faut
certescombattre
(10)
endénonçantnotamment lespseudo-
découvertes faitesàpartird’extrapolationsdouteusesetde
corrélationsabusives (parexemple le«gènede lafidélité»
ou la«chimiede l’intelligence»).Pourtant, il est impossible
de faire l’impassesurdesdonnées factuellesbiensétablies
(11)
: l’influencede lagénétique au cours de la septième
semainedegestation sur ladifférenciationdes gonades,
bipotentiellesà l’origine ; l’impactdeschromosomessexuels
L’enseignementprogrammédecequ’ilestconvenud’appeler
désormais la théoriedugenre -encorequed’aucunspolé-
miquent sur le termede théorie, lui préférant celui d’études
degenre :
gender studies
pour reprendre la terminologie
américaine d’origine
(1)
- suscite actuellement une vive
controverse sur fonddecrise, sinon supposée, en tout cas
médiatisée, de l’Ecole
(2)
, laquelle s’en serait sans doute
bien volontierspassée.
Le termedeneuroéthique revêtdesoncôtéunedoubleac-
ception :d’aborden tantquedisciplineémergentedesneu-
rosciencesdont lechampd’étuden’acessédes’élargirces
dernièresannées
(3)
, elleviseàconnaître lesmécanismes
cérébraux qui sous-tendent le sensmoral
(4)
; ensuite, en
s’inscrivantdans ladroite lignede labioéthiqueetde l’épis-
témologie, elleapourobjectif decritiquer surunplanmoral
les recherchesenneuroscienceset surtout l’interprétation,
parfois instrumentalisée, qu’onapu fairede leurs résultats.
La lumièrepeut-ellenaîtrede laconfusion?
Sous couvert de la lutte, parfaitement légitime, contre les
discriminations sociales et les stéréotypes sexuels, s’est
miseenplaceune idéologiedugenrequi nie ladimension
naturellede l’identitésexuelle, réduiteàunepureconstruc-
tionsociale
(5)
, unhéritagede lapenséedePierreBourdieu
(6)
. Ces cinqdernières années, le Parlement européen a
adopté, aprèsplusde250votes, unecentainede rapports
sur l’identité de genre et l’Igas (Inspection générale des
affairessociales)anotédansson rapportdedécembre2012
sur l’égalitéentrefillesetgarçonsdans lesmodesd’accueil
de la petite enfance : « 
le sexe d’une personne renvoie à
sescomposantesbiologiques, c’est-à-diresesdifférences
anatomiques,hormonalesetchromosomiques.Lemotgenre
au contraire est utilisépour désigner ladimension sociale
des rôles associés aux individus de sexe féminin et mas-
culin. Il renvoie à l’idéeque l’identité sexuéed’un individu
est la résultanted’un construit social et fait référence aux
différentesétapesà travers lesquellespasseunenfantpour
seconstruirecommeungarçonouunefilledesacultureet
de sonépoque 
».
Théoriedugenreetneuroéthique
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PAR GABRIEL GANDOLFO
1
ribune libre
1
MaîtredeConférencesenneurosciencesDépartementdesSciences
de laVieUniversitédeNice-SophiaAntipolis
1...,18,19,20,21,22,23,24,25,26,27 29,30,31,32,33,34
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