La Lettre 53 - page 28

LA LETTRE
N°53
ossier
Bienque lesmécanismes impliqués dans les effets béné-
fiques de l’environnement enrichi aient étémoins étudiés,
l’ensembledes études consacrées à ce sujet montreque
laplupartdeseffetsneurobiologiquesde l’expositionàdes
environnementspositifssont l’imageenmiroirdeceux induits
par le stress
(2)
. En effet, la stimulation environnementale,
en activant demanière répétéemais légère le systèmedu
stress, renforcerait la capacitéde ce système à faire face
àdesagressionsexogènes, unehypothèsenommée« ino-
culationdu stress»
(10)
.
R
éférences
(1) Levine, S. (2003).DialoguesClinNeurosci 5(3): 273-280.
(2) Solinas,M., et al., (2010). ProgNeurobiol 92(4): 572-592.
(3) Logrip,M.L., et al. (2012).Neuropharmacology62(2): 552-564.
(4) Piazza,P.V. andM. (1998). LeMoal. TrendsPharmacol Sci 19(2): 67-74.
(5) Nader, J., et al. (2012).Neuropsychopharmacology37(7): 1579-1587.
(6) Stairs, D.J. andM.T. Bardo. (2009). Pharmacol BiochemBehav 92(3):
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(7) D’Cunha, T.M., et al. (2017). Neuropsychopharmacology 42(5): 1136-
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(8) Wang,D., et al. (2014). PLoSOne9(10): p. e110728.
(9) Witkiewitz, K., et al. (2014). SubstUseMisuse49(5): 513-524.
(10) Crofton, E.J., et al. (2015).Neurosci BiobehavRev49: 19-31.
ADDICTION ET ENVIRONNEMENT SOCIO-
CULTUREL
ROBERT COURTOIS
1,2
,CLÉMENTINE GALAN
1
,
PAUL BRUNAULT
3,4
, NICOLAS BALLON
3,4
(
1
UniversitéFrançoisRabelaisdeTours,Département
dePsychologie, EA2114, «PsychologiedesÂgesde
laVie», Tours,
2
CHRUdeTours,CliniquePsychiatrique
Universitaire, Tours,
3
CHRUdeTours, ÉquipedeLiaison
et deSoinsenAddictologie, Tours,
4
UMR INSERMU930
ERL, Tours)
L’addictioncomme réponsed’ajustement àunenvi-
ronnement social ?
Lescritèresde l’addictionselon leDSM5 («SubstanceUse
Disorder ») éclairent à la fois l’approche développée par
Goodmanen1990
(1)
et le rapprochement fait entre (i) les
addictionsauxsubstances (tabac,alcool,cannabis,opioïdes,
etc.) et (ii) les addictions sans substances ou addictions
comportementales. Goodman a souligné l’importancedu
plaisirqueprocure lecomportement, ou lesoulagementdu
malaise interneque ce comportement induit, le temps qui
est consacréà l’addiction, l’échec répétédanssoncontrôle
et sa persistance en dépit des conséquences négatives.
Il aposé lesbasesde l’addictologie«moderne»etpermis
demieux comprendreque ce n’est pas tant la substance
psychoactiveet sespropriétés«addictives» (ou tout autre
comportement équivalent pouvant entraîner unepertede
contrôle)qui comptent,que le rapportque lesujet entretient
si des animaux hébergés en conditions enrichies pendant
leuradolescence, sont transférésdansdescagesstandard
de laboratoire, ilsdeviennent extrêmement vulnérablesaux
effets renforçantsde lacocaïne
(5)
.
Enrichissement environnemental et résilienceà
l’addiction
Bienque laplupartdesétudessesoientconcentréessur les
effets néfastes de l’environnement, ces dernières années,
un nombrecroissant de recherches s’est attachéà l’étude
deseffetsd’environnementspositifssur l’addiction.Undes
pionniersdanscedomaineest leprofesseurMichaelBardo
de l’UniversitédeKentuckyauxÉtatsUnis.Ses recherches,
consolidéeset élargiesdepuisparplusieursautresgroupes
de recherches, ont clairement démontréqu’héberger des
animauxdansunenvironnement enrichi avant touteexposi-
tionàunedrogue,diminuesignificativement leseffetscom-
portementauxet neurobiologiquesdesdrogueset le risque
dedévelopper uneaddiction
(6)
.
Effetscuratifsde l’enrichissement environnemental
Depuis unedizained’années, notre laboratoire s’est inté-
resséà laquestionde lapossibilitéd’utiliser l’environnement
enrichi pour traiter,plutôtquedeprévenir, l’addiction.Ainsi,
dansplusieursmodèlesd’addiction, nousavonsmontréque
des animauxdéjà«addicts», s’ils sont hébergésdans un
environnement enrichi pendant unepérioded’abstinence,
aurontmoinsde risquede rechutequedesanimaux témoins
hébergés dans des cages standards de laboratoire
(2)
.
À l’inverse, des publications récentes ont démontréque le
stresspendant lapérioded’abstinenceaugmente le risque
de rechuteà l’héroïne
(7)
.
Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent qu’un environ-
nement enrichi et stimulant peut avoir des effets positifs
dans le traitementde l’addiction.Ceci estenaccordavecde
nouvelles pistes non-pharmacologiques pour le traitement
de l’addiction telles que l’activité physique, laméditation
pleine conscience, lamusicothérapie, et l’hypnose
(8,9)
.
Cesméthodes nedevraient pas être considérées comme
desalternativesaux traitementsstandards (médicamentset
psychothérapie),maiscommedesoutilscomplémentaires
pouvant avoiruneffet synergiqueet augmenter leschances
de succèsde la thérapie.
Mécanismesneurobiologiques responsablesdes
effetsde l’environnement
Lesmécanismesneurobiologiques impliquésdans leseffets
néfastesdustresssur l’addictionsont relativementbienconnus.
Eneffet, lacascadedu stress impliquant lacorticolibérine
(corticotropin releasing factorouCRF), l’hormonecorticotrope
(AdrenocorticotropichormoneouACTH)et lacorticostérone
(cortisol chez l’Homme) semble jouer un rôle important dans
différentsaspectsde l’addiction
(3,4)
. La stimulationdece
système sembleaugmenter leseffets renforçantsdesdro-
gues,ainsique lasensibilitéaux indicescontextuels («cues»)
prédictifsde ladrogueet diminuer lacapacitéducontrôle
inhibiteur sur la rechercheet laprisededrogue.
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