La Lettre 53 - page 23

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RÉFÉRENCES
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L’ADDICTION SEXUELLE
LAURENT KARILA
1,2
& AMINE BENYAMINA
1
(
1
Centred’Enseignement, deRecherche et de Traitement
desAddictions, Hôpital UniversitairePaul-Brousse, AP-HP,
UniversitéParis-Sud ;
2
Centred’Enseignement,deRecherche
et deTraitement desAddictions,Hôpital UniversitairePaul-
Brousse, AP-HP,UniversitéParis-Sud, INSERMU1000)
L’addiction sexuelle ou le trouble d’hypersexualité est un
trouble comprenant des caractéristiques cliniques simi-
lairesàuneaddictionàune substance. Le sexedevient un
objet addictif, source de souffrance et de conséquences
physiques, psychologiqueset sociales
(1)
.
Les recherches empiriques sur cette addiction comporte-
mentaleont augmentécesdernièresannées.Ceci asuscité
un intérêtconsidérabledans ledéveloppementdesmesures
permettantde l’évaluer
(2)
.Bienqu’il existedenombreuses
similitudesdans la façondont lescliniciensdéfinissent l’ad-
diction sexuelle, certaines différences apparaissent dans
lesétudes. Lorsde l’élaborationduDSM-5, l’AmericanPsy-
chiatricAssociation a rejeté la proposition du diagnostic
d’addictionsexuellesous le termede« troublehypersexua-
lité».Même si enpratique, cettepathologieest clairement
apparente, il n’existepas à l’heure actuellede consensus
sur lediagnosticdecomportement sexuel addictif.Compte
tenude lavariationdesdéfinitions,desconceptualisationset
desévaluations, l’addictionsexuelle/troublehypersexualité
peut êtreutilisé indifféremment
(3)
.
Epidémiologie
Il n’existepasdedonnéesépidémiologiques sur de larges
échantillons, concernant ce trouble. Lamajoritédesétudes
nord-américaines et australiennes évoqueuneprévalence
des comportements sexuels excessifs comprise entre
3%et 6%de lapopulationadulte
(4-6)
. Le troubleest plus
présent à la fin de l’adolescence et à l’âge adulte jeune.
Plus fréquent chez leshommesquechez les femmes, avec
unsex ratiovariantde3à5/1, cesdernièresseraientmoins
vulnérablesà l’hypersexualité
(7)
.
Etiologieset vulnérabilité [pour revue, voir (1)]
Les études d’IRM fonctionnellemontrent que les stimuli
érotiques visuels, en comparaison à des stimuli neutres,
activent différentes régions cérébrales chez l’hétérosexuel
poséeest lasuivante : l’activitédans les roues reflète-t-elle
tout simplementuneactivité locomotricedesubstitutionpour
unanimalqui vitdansunenvironnement restreintetappauvri
ou peut-elle être considérée comme une récompense à
forte valeur hédoniquepour laquelle les animaux démon-
treraient une fortemotivation?Unemanière de répondre
à cettequestion est demesurer le travail que sont prêts à
effectuer lesanimauxpour accéder àune roue. L’utilisation
deprocéduresdeconditionnement opérant indiqueque la
roued’activité est un renforçateur positif puissant, comme
le suggèrent les niveaux importants d’appuis sur leviers
(« lever presses») oud’introductionsdumuseaudansdes
orifices («nosepokes») réalisés afind’avoir accès à une
roue.Une illustrationdecepouvoirest fourniepar lesniveaux
de nosepokes réalisés lors de séances (i) de ratio fixes 1
et 3, (ii) de ratioprogressif (i.e. un test sélectif de la force
motivationnelle)et (iii)de réinstallationde recherched’accès
à la roueaprèsplusieurs joursd’extinction (figure2). Chez
l’animal, la rouepeut doncêtreconsidéréecommeune ré-
compensenaturelleà fortevaleurhédonique, aumême titre
que lanourriture, lesucre, lesexeou les relationssociales.
Prenantencompte l’observationque lesanimauxdémontrant
une fortepropensionpour l’auto-administrationdecocaïne
sontégalementceuxayantune forteactivitédansdes roues,
que l’activitédans des roues est accrue lors du sevrage à
l’alcool, et que l’activitédans les roues diminue l’auto-ad-
ministrationdecocaïneoud’amphétamine
(8)
, leséléments
rapportés précédemment soulignent l’intérêt potentiel de
la roued’activité commemodèled’étudedes bases de la
dépendanceà l’exercicephysiquedans le futur.Bienqu’un
modèlesatisfaisant -qui prendrait encompte lavulnérabilité
audéveloppementd’unaccèscompulsif et obsessionnel à
la roue - ne soit pas encoredisponible, la reconnaissance
dessubstratsneurobiologiquesde l’activitédans les roues
pourrait doncpermettredeproposer desmécanismes de
vulnérabilitéà ladépendanceà l’exercicephysique.Austade
actuel, il est établi que lesopioïdesendogèneset lesendo-
cannabinoïdesexerceraient uncontrôlepositif de l’activité
dans les roues
(9)
alorsque la leptineaurait un rôleopposé
(10)
, ces différentes régulations s’effectuant par l’intermé-
diairede lavoiedopaminergiquemésocorticolimbique (une
voie essentielledans les processus demotivationpour les
récompenses).Cesderniers résultats, qui sont àmettreen
parallèleavecdesdonnéeshumaines indiquant que l’exer-
cicephysiqueaiguaugmentedemanière intensité-dépen-
dante les concentrations circulantes debéta-endorphine
et d’endocannabinoïdes, permettent d’envisager que ces
systèmes neurobiologiques puissent également jouer un
rôle important dans les processus d’addiction à l’exercice
physique chez l’Homme. Néanmoins, seul l’établissement
futur demodèles
ad hoc
de cette addictionpermettrade
confirmer cette hypothèse oud’envisager d’autres pistes
neurobiologiquesencore insoupçonnées…
Remerciements : l’auteur remercie Bastien Redon et
Christopher Stevens-Robertson pour leur aide à l’expérience
rapportéedans laFigure2.
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