La Lettre 53 - page 16

LA LETTRE
N°53
ossier
VTA et NAc, puis des régions plus dorsales, y compris du
striatum, seraient impliquéesdansuneautomatisationde la
consommationpouraboutirà l’expressiondecomportements
compulsifsvis-à-visde laprisededrogue.Ces régionssont
notamment importantes pour l’inhibition comportementale
face à une nouvelle situation et à la formationd’habitude.
Le striatumdorsal reçoit une innervation du cortex orbi-
tofrontal (OFC)dont l’activitéest également importantepour
lamiseenplacedecomportementsaddictifs.Desadapta-
tionsde l’OFCpourraientnotammentêtre responsablesd’un
déficit deconceptualisationdes risqueset bénéficesavant
d’engager une action comportementale chez les addicts
(13)
.Uneproportionplus importantedeneuronesde l’OFC
est activée immédiatement avantd’engager l’actiondeprise
decocaïne chez des rats addicts, préférant ladrogue aux
dépensd’une récompense sucrée
(14)
.
L’auto-stimulationoptogénétiquedesneuronesDAde laVTA
conduit également à lacompulsionchezune fractiond’une
populationdesouris.Eneffet,certainessourissontcapables
d’endurer un choc électrique pour obtenir la stimulation,
tandisqued’autressouris, ayant lemêmehistoriqued’auto-
stimulation, abandonnent lorsqu’ellesdoivent surmonter la
punition
(2)
.Chez lessourispersévérantesuneaugmentation
de l’excitabilitédes neurones de l’OFC a été observée et
l’inhibitionpharmacogénétiquedecesneuronesempêche
la transition vers lacompulsion
(2)
.
4.ConclusionsetPerspectives
Ladémonstrationque la réversibilitéde laplasticitésynap-
tique induiteparoptogénétiquepouvaitnormaliserdescom-
portementsadaptatifs, notamment la rechute, aouvert des
perspectives d’applications thérapeutiques. La translation
de cetteméthode vers la stimulation cérébrale profonde,
une techniqueapprouvéechezdespatientshumains, laisse
envisager la possibilité d’une thérapie synaptique
(14)
.
Parailleurs, laplupartdesmodificationscellulairesassociées
à la prise de drogue et au comportement compulsif ont
été observées après exposition ou après développement
ducomportement. Le substrat cellulairepouvant expliquer
la vulnérabilité individuelle vis-à-vis de l’addiction n’est
donc pas encore clairement établi. Une question impor-
tantedans ledomaine est doncdedéterminer si certains
individus ont une vulnérabilité particulière à développer
uneaddictionavantmêmed’avoir étéexposésàunesubs-
tance. Seulement certains comportements innés semblent
favoriser une consommation compulsive de substance.
Chez le rat, l’impulsivitésembleêtreuncaractère favorisant
laprisecompulsivedecocaïne.D’unpointdevuecellulaire,
peude résultats expérimentaux ont rapportédes preuves
de vulnérabilité. L’utilisationdumodèle simplifiéd’auto-sti-
mulationdes neurones àDAde laVTApourrait faciliter les
investigations concernant les adaptations cellulaires dans
lescircuitsneuronauxde l’addiction.
R
éférences
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ADDICTION AU SUCRE
SERGE H. AHMED (
Université deBordeaux, Institut
desMaladiesNeurodégénératives,UMR5293, 146 rueLéo-
Saignat, Bordeaux)
Si jedevaischoisir unmot uniquepour nommer l’ensemble
desconceptsde récompense,dedrogue,deplaisir,dedésir,
d’attachement, d’addiction, dedépendance, je choisirais
sans hésiter lemot « sucre». Avant de justifier cechoix, je
rappelleenguisedepetitedigressionétymologique initiale
que leverbe«choisir »estdérivédugotique
kausjan
«goû-
ter »qui appartientà lamême racine indoeuropéenneque le
latin
gustare
etqu’unmot sanskrit signifiant « il prendplaisir
à». Ces racines étymologiques semblent ancrées dans le
cerveau, notamment au niveau du cortex orbitofrontal où
choix, goût, plaisir et addictionconvergent.
Lesplantesàfleurs, premièresdealeusesdesucreet
dedrogue
Lesucredont il estquestion ici est lesaccharose, lesucrede
table, et aussi lesdeuxmonosaccharidesqui lecomposent
à parts égales, le glucose et le fructose. Le sucre est la
substance la plus utilisée dans lemonde vivant terrestre
(i.e., horsmondemarin, bien sûr, dominé par le sel et le
salé)pour récompenser, attirer, se fairedésirer, s’attacher la
fidélitéd’autresorganismes.Cesont sansdoute lesplantes
à fleurs qui ont utilisé cette récompensepour lapremière
fois au cours de l’évolution, seule ou en association avec
d’autresdrogues.Toutd’abord,elles récompensentpar leurs
nectars sirupeux les insectes et les oiseaux polinisateurs,
attiréspar lapublicité irrésistiblede leursfleurs, et ceux-ci,
en échange, donnent des ailes à leur sexualité. Le nectar
produitparcertainesfleurscontient aussi d’autresdrogues,
tellesque lanicotineet lacaféine, qui ont uneffet stimulant
sur le comportement des pollinisateurs
(1)
. Ensuite, après
lapollinisation, les plantes continuent à récompenser par
leurs fruits gorgés de sucres d’autres espèces animales,
notamment nombre de primates frugivores, qui en retour
dispersent leurs graines dans leurs fèces. Il n’est pas rare
que les fruitsmûrs fermentent, associant ainsi l’alcool –une
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