La Lettre 53 - page 8

LA LETTRE
N°53
istoiredesNeurosciences
Par ailleurs, outre l’utilisation thérapeutique, laneurostimu-
lationest également devenue très tôt un outil d’exploration
du fonctionnement cérébral. L’émergencede la technique
et lessuccèsdesneurochirurgiensgrenobloisdoivent être
replacésdans lecontextehistoriquegénéral de l’exploration
fonctionnelledesstructuresprofondesducerveauhumain,
plus spécialement desganglionsde labase.
Du point de vue de l’histoire des techniques, laDBS se
situe en effet dans leprolongement de l’électrostimulation
et de lachirurgie stéréotaxique. Dans la longuehistoirede
laneurostimulation, celle-ci est d’abordcorticale, avecune
forte tradition italienne (Giovanni Aldini (1762–1834), Luigi
Rolando (1773–1831),EzioSciamanna (1850–1905),Alberto
Alberti (1856–1913),UgoCerletti (1877–1963).Lespremiers
modèlesanimauxsont l’œuvredeGustavFritsch (1838–1927)
et EduardHitzig (1838–1907), ainsi que deDavid Ferrier
(1843–1924).Lespremièresexpérimentationshumainessont
associéesàRobert Bartholow (1831–1904), VictorHorsley
(1857–1916),Wilder Penfield (1891–1976).
L’explorationdes structuresprofondeschez l’hommeaété
quant à elle rendue possible par l’invention du dispositif
stéréotaxiqued’ErnestSpiegel (1895-1985)etHenryWycis
(1911-1971).En1947,cesdeuxauteurs,modifiant l’appareil
original deRobertClarkeetVictorHorsley (1906), construi-
sirent le premier cadre stéréotaxique humain qui permit
de déterminer les coordonnées cartésiennes des struc-
turesprofondes, notamment lesganglionsbasaux, pour la
localisationprécisedes cibles qui devaient êtredétruites.
Dans leurpremierarticledécrivant l’appareil, ilspréconisent
l’utilisationde l’appareil enpsychochirurgie,pour le traitement
de ladouleur (ycompris ladouleurdumembre fantôme), et
lapallidotomiepour lesmouvementsanormaux. Ils se sont
du cerveau, on la stimule en y implantant des électrodes.
Lastimulationàhaute fréquencea lesmêmesconséquences
que la lésion : elle inhibe l’activitédesneurones.
En 1986, l’équipe du neurochirurgien françaisAlim-Louis
BenabidetduneurologuePierrePollakàGrenobleparvient
ainsi à traiter efficacement despatientsatteintsde lamala-
diedeParkinson en introduisant des électrodes dans les
noyauxdu thalamus. Ces électrodes sont raccordées àun
boîtier de stimulationplacé sous lapeau. L’excitationélec-
triquedes neurones dans ces régions cérébrales diminue
lessymptômesmoteursde lamaladie.En1991, lesgroupes
deBenabid et deSergeBlond et JeanSigfried rapportent
leurs résultatspour les tremblementsde laDBS thalamique.
LaDBSVim (ventrointermedialis nucleus) concurrence la
thalamotomie.En1994, legroupedePierrePollakcommence
à stimuler unenouvellecible impliquéedans lamaladiede
Parkinson : lenoyausous-thalamiquedeLuys. LaDBSSTN
(subthalamic nucleus) concurrence la subthalamotomie,
tandisque legroupedeSigfriedutilisepour lapremière fois
laDBSGpi (globus pallidus pars interna), concurrençant
la pallidotomie alors récemment réintroduite. Les années
2000voient lesessais randomisésde traitementdecesDBS
pour les troublesmoteurs (maladiedeParkinson, dystonie,
tremblement essentiel, syndromedeGillesde laTourette).
Contrairementàune idée reçue, l’extensionde l’indicationde
laDBSàcertainesmaladiespsychiatriquesn’estpas issuede
l’observationdeseffets indésirableschez lespatientssous
DBS, à savoir lesmodificationsde l’humeur ouducompor-
tement.Historiquement, laneurostimulationet lesquestions
éthiquescorrélativesontété respectivementproposéesàdes
fins psychiatriques et discutées bien avant la constatation
récentedeceseffetsbien réels.
Figure3
-Situation
normaleetpathologique
dans lamaladiede
Parkinson. Influences
excitatrices (blanc),
influences inhibitrices
(noir).Globuspallidus
externe (GPe), globus
pallidus interne (GPi),
noyau subthalamique
(STN), substancenoire
parsreticulata (SNr),
substantianigrapars
compacta (SNc), thalamus
ventrolatéral (VL).D1etD2
désignent lesdeux typesde
récepteursà ladopamine.
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