La Lettre 53 - page 7

7
àdesconcentrationssemblablesàcellesde lanoradrénaline.
Carlssonpeut alors vérifier sonhypothèse : quand il admi-
nistrede la réserpine aux animaux, ladopaminedisparaît
complètement de leur cerveau. Puis il leur injectede la L-
dopa, qui, contrairement aux catécholamines, traverse la
barrièrehématoencéphalique :de ladopamines’accumule
à nouveaudans leur cerveau. Ainsi, la L-dopabloque les
effetsde la réserpine.PourCarlsson, laconclusionestclaire :
ladopamineest unneurotransmetteur central, la réserpine
interférant avec le systèmedopaminergique.
Autrementdit,en1959,Carlssonaffirmeque ladopamineest
unemoléculeactivedans lecerveauetquecen’estpasseu-
lement unprécurseurde lanoradrénaline.Quelquesannées
plus tard, avecdescollègues, il développeuneméthodede
fluorescencequi permet de localiser lanoradrénalineet la
dopaminedans lescellulesnerveuses.
Quel est le lien avec lamaladie de Parkinson? On sait
déjà à cette époqueque la réserpineprovoquedes effets
secondaires proches des symptômes parkinsoniens…
Et on localiseprécisément ladopaminedans le cerveau :
elleest notammentprésentedans lesnoyauxgriscentraux.
Carlssonproposealorsque ladopaminecontrôlecertaines
fonctionsmotrices et qu’un déficit cérébral en dopamine
provoque lamaladiedeParkinson
(4)
.
Sonhypothèseest reçueavec scepticisme, certains scien-
tifiques pensant que ladopamine nepeut pas jouer un si
grand rôledans lecerveau.Pourtant,peude tempsaprès,à
Vienne, lemédecinOlehHornykiewiczconfirme l’hypothèse
deCarlsson.Avecsescollègues,dont leneurologueetpsy-
chiatreallemandWalterBirkmayer (1910-1996), ilmontreque
laquantitédedopaminediminuedans lestriatumet lasubs-
tancenoiredespatientsatteintsde lamaladiedeParkinson.
Ladopaminene traversepas labarrièrehématoencéphalique,
mais laL-dopa,administréedans lesangdespatients, réduit
les symptômes de lamaladie. Ce résultat est confirmé en
1961par leneurologuequébécoisAndréBarbeau.
En1964, àNewYork, leneurologueaméricainGeorgeCot-
ziasmontreque l’administrationprolongée, par voie orale,
deconcentrationsélevéesdeL-dopaaméliore l’état clinique
des sujets parkinsoniens. Les débats pharmacologiques
autour de ladopamine sont intenses et donnent lieu àdes
développementsbiochimiques intéressants.Parexemple, à
Montréal, lebiochimisteThéodoreSourkesémet l’hypothèse
que le fait que la dopa décarboxylase, l’enzyme transfor-
mant la L-dopa en dopamine, soit présente partout dans
l’organisme, garantit que la L-dopa se transformebien en
dopamine.Mais laprésence, dans lecerveauet le restede
l’organisme,d’enzymesvariéesparticipant à lasynthèseet
à ladégradationde ladopamine supposeque celle-ci ne
restepas longtemps libredans lesangou le tissucérébral…
AlfredPletscher,de l’UniversitédeZurichenSuisse,propose
alorsàW.Birkmayerd’administrerauxpatientsde laL-dopa
avecun inhibiteurde ladopadécarboxylase.Si l’hypothèse
dopaminergiqueest juste, l’action thérapeutiquede laL-dopa
devrait être annulée. Mais on observe, au contraire, une
améliorationde l’efficacitéde laL-dopa.En1967,Pletscher
et sescollèguesexpliquentce résultat : l’inhibiteur,pénétrant
peudans lecerveau,prévient la transformationde laL-dopa
endopamine,maisessentiellement endehorsducerveau.
Par conséquent, des quantités importantes de L-dopa
continuent à entrer dans le tissu cérébral, où ladopamine
est produite, car l’enzyme décarboxylase y reste active.
Ainsi, est introduit le traitement par leModopar®, associa-
tiondeL-dopaet debensérazide, un inhibiteur de ladopa
décarboxylase, qui est encore utilisé aujourd’hui comme
antiparkinsonien.
Lesusagesmultiplesde lastimulationcérébrale, outil
thérapeutiqueet d’exploration
La dopathérapie, utilisée de façon prolongée, provoque
cependantdeseffetssecondairesplusoumoinsgraves, et
devient inefficacechezcertainspatients. Lesannées1990
voient le fort développement du traitement chirurgical des
troublesdumouvement.Aprèsquelquesessais infructueux
de transplantations neuronales (Björklund 1985, Madrazo
1987), un traitement alternatif à ladopathérapievoit le jour :
lastimulationcérébraleprofonde (DBSpour
deepbrainsti-
mulation
)
(5)
.Onnecherchealorsplusàdétruireune région
Figure2
-Circuiterie fonctionnelle
du systèmedesganglionsde
labase. Influencesexcitatrices
(bleu), influences inhibitrices
(orange).Neurotransmetteurs :glu
(glutamate),DA (dopamine), enk
(enképhaline).D1etD2désignent
lesdeux typesderécepteursà la
dopamine.GPe (GlobusPallidus
externe),GPi (GlobusPallidus
interne), SNc (Substancenoire
parscompacta), SNr (Substance
Noireparsreticulata),NST (noyau
subthalamique).Bouclecortico-
thalamo-corticale (A), boucles
directeet indirecte (BetB’), boucle
nigro-stiée (C).
1,2,3,4,5,6 8,9,10,11,12,13,14,15,16,17,...48
Powered by FlippingBook