La Lettre 53 - page 18

LA LETTRE
N°53
ossier
portal, eux-mêmesconnectésà l’hypothalamus latéral (LH)
grâceaunerf vague
(6,7)
(Figure1). Le fait que leglucose
active lecircuit neuronal de la récompenseenpassant par
uncircuit neuronal intermédiaireest communavecd’autres
drogues. Par exemple, après sonpassage rapidedans le
cerveau, l’héroïne est déacétylée enmorphinequi va agir
localementdans lemésencéphaleventral surdes interneu-
ronesGABAergiques inhibiteurs. Lamorphine inhibe ces
neurones et lève ainsi un frein inhibiteur puissant sur les
neuronesdopaminergiquesqui,en réponse,augmentent leur
activité (Figure1).Demanière importante,desexpériences
récentesmontrent qu’outre une action aiguë sur l’activité
desneuronesDA, le sucrepeut également causer, comme
les drogues, certains changements plus durables dans le
cerveau, notamment des changementsmorphologiques
persistantsdans l’arborisationdendritiquedesneuronesdu
circuitde la récompense (i.e., noyauaccumbens).Enfin, au
laboratoire àBordeaux, nous avons comparédirectement
le pouvoir récompensant du sucre à celui de la cocaïne
grâceàun test depréférence réaliséchez le rat. Dansces
expériences, lesanimauxavaient lechoixentreprendreune
dose intraveineusededrogueouboireuneboissonsucrée
ou édulcorée. Verdict : lagrandemajoritédes rats préfère
la boisson sucrée à des dosesmaximales de cocaïne et
même après escalade de leur consommation de drogue
(8)
. Cette observation inattendue a depuis été répliquée
dans d’autres laboratoires et avecd’autres drogues (e.g.,
méthamphétamine ; héroïne ; nicotine). Lespreuvesétayant
l’hypothèse«sucre=drogue»semblentdoncs’accumuler.
L’addictionausucre : unmythedevenu réalité
Sur leplanclinique,même si l’addictionau sucren’est pas
encore reconnue officiellement comme un désordre de
l’usagede substanceàpart entière, elleest néanmoinsen
passede ledevenir.Dans ladernièreversiondumanuel sta-
tistiqueetdiagnosticdes troublesmentauxde l’association
américainedepsychiatrie (i.e., leDSM-5), l’addictionausucre
fait partie des désordres comportementaux à considérer
pouruneéventuelle inclusiondansune future révision.Ceci
est dûprincipalement au fait que nombredes 11 critères
comportementaux du désordre de l’usage de substance
sont également applicables au sucre (note : il n’existepas
encoredecritèrediagnosticneurobiologiquede l’addiction).
Lescritères lesplus fréquents sont : undésir persistant de
limiter sa consommationmais sans pouvoir y arriver ; une
consommationplus importanteque celledécidée initiale-
ment ; undésir intenseoucravingdeconsommerunaliment
sucré
(9)
.Undiagnosticestposé lorsqu’aumoins2critères
sont satisfaits, la sévéritédudiagnostic augmentant avec
lenombredecritères.Onestimeaujourd’hui qu’environ5à
10%des personnes d’indice demasse corporelle (IMC)
normal (i.e., comprisentre20et 25kg/m2)ont uneaddiction
auxalimentssucrés.Cepourcentagepeutaugmenter jusqu’à
25%chez lespersonnesobèses (i.e., IMC>30)
(10)
.
Pour résumer rapidement, bien que la composante
«drogue»du sucre reste encore àmieux définir, il existe
peudedoute sur lepotentiel addictif du sucre. Doncmon
choix initialde renommer«sucre» l’ensembledesconcepts
de récompense, dedrogue, deplaisir, dedésir, d’attache-
ment, d’addiction, dedépendance ne semblepas, après
tout, de simauvaisgoût.
R
éférences
(1) WrightGA., et al. (2013) Science339:1202-1204.
(2) DudleyR. (2004) IntCompBiol 44:315-323.
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(10) Flint AJ., et al. (2014). Am JClinNut 99:578-586.
Figure1 -
Schémahypothétiquedu
moded’actiondu sucre sur lescircuits
de larécompense.Leglucoseactiverait
lesneuronesde l’hypothalamus latéral
(LH)quiprojettentvers lesneurones
dopaminergiques (DA).Ce seraitun
mécanisme similaireauxmécanismes
d’actiond’autresdroguescomme la
morphine.Cettedernière inhibe les
neuronesGABAergiques (GABA)du
mésencéphaleventral et lèveainsi le
frein inhibiteur sur lesneuronesDA.
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