La Lettre 53 - page 27

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l’environnement. Dans le terme environnement, on entend
ungrand nombrede facteurs qui vont des facteurs socio-
économiques, aux relations avec la famille et les pairs en
passantpar l’expositionàdespolluantsoudesmédicaments.
Ces facteursparticipent à former lapersonnalitédes indivi-
dus, àdéterminer lecadre socio-culturel propiceoupas à
laprisededrogue,maisaussi à influencer leseffetsmêmes
dedrogueset leurcapacitéàagir sur lescircuitsneuronaux
et à lesmodifier de façondurable.
Les données épidémiologiques et les expériences de re-
chercheont clairement démontréque l’environnement joue
un rôleprimordial dans la vulnérabilité à l’addiction. Ainsi,
unepersonneayantdesprédispositionsgénétiquesnedéve-
lopperapas forcémentuneaddictionsi elleestexposéeàun
environnementpositif et,aucontraire,unepersonneprésen-
tant une résistanced’originegénétiquepourradévelopper
uneaddictionsi elleestexposéeàunenvironnementnégatif.
Environnement négatif et positif
Chez l’Homme, la définition d’environnement négatif ou
positif peut être établie
aposteriori
. Toutes les conditions
environnementales qui augmentent le risque d’addiction
sont considéréescommedesenvironnementsnégatifset à
l’inverse, toutes lesconditionsenvironnementalesqui dimi-
nuent le risqued’addiction sont considérées comme étant
desenvironnementspositifs.Ainsi, il aétéobservéquedes
conditions de vie stressantes et surtout des événements
traumatiques augmentent énormément le risquededéve-
lopperuneaddiction.Parailleurs,debonnes relationsavec
lespairset la famille, unentouragecompréhensif et stable
diminuent le risqued’addiction
(1)
.
Quandons’intéresseauxétudeschez l’animal, l’environne-
ment négatif est toujoursmimépar l’expositionàun stress
plus oumoins intense, plus oumoins précoce et plus ou
moinschronique.Aucontraire, l’environnementpositif est sur-
toutmimépar l’enrichissementenvironnemental,c’est-à-dire
unenvironnement visant à favoriser lastimulationsociale, la
curiosité, lacognitionet l’exercicephysique
(2)
.Enpratique, il
s’agitdecagesdegrande tailledans lesquelles lesanimaux
vivent dans des groupes sociaux plus grands qued’habi-
tude,avecunabriquidonneunsentimentdeprotection,une
rouepermettant une activitéphysique et plusieurs objets,
de formeet decouleur différentes, changés régulièrement
dans lebut de stimuler lesanimaux.
Stresset vulnérabilitéà l’addiction
Comme chez l’Homme, l’exposition au stress augmente le
risquededévelopperuneaddiction.Ainsi,différentes formes
de stress telles que la restriction alimentaire, la séparation
maternelle, l’isolation ou ladéfaite sociale augmentent les
effets renforçants des drogues et augmentent laprisede
drogue dans desmodèles d’auto-administration intravei-
neuse
(3,4)
.
De façon importante, même le stress lié aupassaged’un
environnement favorableàuneconditionmoinsavantageuse
peut avoir des conséquences négatives et augmenter les
effets des drogues. Par exemple, nous avonsmontréque
Plus récemment, et pour répondreauquestionnement des
jeunes relativement à l’innocuité d’une « cuite de temps
en temps» sur leurs performances scolaires, nous avons
démontréquedeux intoxicationséthyliquesà l’adolescence
suffisent pour affecter durablement la dépression à long
termedans l’hippocampe
(3)
(Figure 3). Cet effet délétère
de l’exposition de type binge drinking sur lemécanisme
cellulairede l’apprentissageet lamémorisation (ainsiquesur
lamémoirequenousavonsmesuréedans le test de recon-
naissancedu nouvel objet) implique la sous-unitéGluN2B
du récepteurNMDA, il estprévenupar leco-traitement avec
laD-sérine et peut êtremimé par des administrations de
kétamine (au lieude l’alcool).
Au total, l’ensembledenos travauxmeten lumièreun impact
particulièrement nocif dubingedrinkingchez les jeuneset
un risquede troublespersistantsdansnosmodèlesanimaux.
Il semble impératif et urgent demettre enplace unepré-
ventionefficaceavecdesmessagesdepréventionadaptés
etdéveloppéspar les jeuneseux-mêmes. Il serait judicieux
de favoriser lefinancementde recherchesdanscedomaine
en France où l’alcool est engénéral assez peu considéré
commeuneprioritéde rechercheet celaest enpartiedûà
lagrandebanalisationet toléranceenverscettedroguedont
onnégligeencore tous lesdommagessanitaireset sociétaux
induits
(9)
. L’alcool coûte 120milliards d’euros par an
(10)
et constitue lapremière caused’hospitalisationen France.
Àquandune journéesansalcool enFranceet unplannatio-
nal alcool ?À l’instar decequi se fait déjàpour le tabac…
R
éférences
(1) RollandB.,NaassilaM. (2017).CNSDrugs31(3):181-186.
(2) NIAAA, (2004). NIAAA Newsletter 3.
/
publications/Newsletter/winter2004/Newsletter_Number3.pdf
(3) RollandB., et al. (2017).DrugAlcoholDepend175:92-98.doi: 10.1016/j.
drugalcdep.2017.01.034.
(4) Gierski F.,etal. (2017).AlcoholClinExpRes13.doi:10.1111/acer.13497.
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(6) SmithKW., et al. (2017). Addict Biol 22(2):490-501.
(7) Alaux-CantinS., et al. (2013).Neuropharmacology67:521-31.
(8) SilvestredeFerronB., et al. (2015). Int JNeuropsychopharmacol 19(1).
(9) SavicM., RoomR. (2014). EurAddict Res20:319–323
(10) Lecoût social desdroguesenFrance. Note2015-04Septembre2015.
PierreKopphttps://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxpkv9.pdf
INTERACTIONS ENVIRONNEMENT ET ADDIC-
TION: CE QUE LES MODÈLES ANIMAUX NOUS
APPRENNENT
MARCELLO SOLINAS & NATHALIE THIRIET
(ÉquipeNeurobiologie et Neuropharmacologiede l’Ad-
diction, LaboratoiredeNeurosciences Expérimentales et
Cliniques - LNEC, INSERMU-1084, UniversitédePoitiers)
Ungrandnombredepersonnesexpérimentent lesdrogues,
toutefois seuls 10 à 30%d’entre elles (en fonction de la
drogue considérée) développent une véritable «addic-
tion». L’addiction est le résultat d’interactions complexes
entre des facteurs génétiques, les effets de la drogue et
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