La Lettre 53 - page 37

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Lespremièresutilisations thérapeutiquesde
Cannabissativa
sont situéesenChineet en Indeplusieursmillénairesavant
notre ère. Son usage récréatif et médicinal va ensuite se
diffuser auMoyen-Orient, tandisqu’enEurope, bienque le
chanvre soit cultivépour sa fibre, son utilisationmédicale
reste longtempsanecdotique : il fauteneffetattendre leXIXe
sièclepour qu’unmédecin irlandais (W.B.O’Shaughnessy)
et unpsychiatre français (J.J.Moreau) l’introduisent enocci-
dent.O’Shaughnessydécouvre lorsd’unséjouren Indeson
usagemédicinal traditionnel, et s’attache à enprouver les
effets, par l’expérimentation animale et humaine, donnant
lieuàunepublicationen1843 : «On thepreparationsof the
Indian hemp, or Gunjah (Cannabis Indica) ». Moreau en a
une autre approche : pour lui, le cannabis est unmoyen
d’étude expérimentale des phénomènes hallucinatoires,
permettant d’explorer laphysiopathologiedes «maladies
mentales»
(1)
.Dévouéà lascience, il fondeavecThéophile
Gautier le “clubdesHaschischin”, auseinduquel il pratique
l’intoxicationpersonnelle et collective, dont il note scrupu-
leusement les effets, détaillés dans son ouvragede 1845
«Duhaschichet de l’aliénationmentale». Aprèsson intro-
ductionet durant toute la secondemoitiéduXIX
e
siècle, le
cannabismédical connaît un fort succès commemédica-
ment
(2)
, bienque l’hétérogénéitédesmatières premières
et lesdifficultésdepréparationen rendent l’effet aléatoire.
Son utilisation va ensuite rapidement décliner audébut du
XX
e
siècle, sous l’effetde laconcurrencedenouveauxmédi-
caments comme l’aspirine, et de l’encadrement législatif
progressif de sacultureet de soncommerce.
C’est finalement l’essor de l’usage récréatif ducannabis à
partir des années 60qui vaprovoquer un regaind’intérêt
de la communautémédicale et scientifique pour ce pro-
duit, conduisant à la caractérisationdes dérivés cannabi-
| PAR ANNE-LAURE DUBESSY
1,2
, BRUNO STANKOFF
1,2
(
1
Sorbonne-Universités-UPMC 06, INSERM,
CNRS, UMR ICM-75-1127-7225, 47boulevardde
l’Hôpital, 75013Paris.
2
APHP, Hôpital Saint Antoine, Paris)
Lesdérivéscannabinoïdesen
neurologie : quellesperspectives
thérapeutiques?
Tribune libr
noïdes végétaux puis endogènes
(l’anandamide et le 2-arachidonoyl
glycérol)ainsi quede leurs récepteurs
endogènes, leCB1, dont l’expression est
prédominantedans lesystèmenerveuxcentral , et leCB2,
dont l’expression est périphérique, en particulier dans le
système immunitaire.Lesmotivationsde la recherchesur les
cannabinoïdesontété initialement l’étudedesconséquences
délétèrespossibles,puisprogressivement celledespoten-
tiels usages thérapeutiques. Mais la réputation sulfureuse
de lasubstance, lacraintedeseseffetspsychoactifset du
risquededépendance, et lescontraintes législativesont été
autantde facteurs limitant lenombreet laqualitédesétudes
médicales sur le sujet.
EnFrance,depuis l’adaptationducodede lasantépublique,
conférant unedérogationpour l’usagedu cannabis théra-
peutique (articleRS132-86)en2013,puis l’émissiond’une
AMM (Autorisation deMise sur leMarché) en 2014, il est
théoriquement possibledeprescrireun traitementmédical
dérivéducannabis, leNabiximol (Sativex),dans lecadrede
laspasticitédouloureusedans lascléroseenplaques (SEP).
Enpratique, des négociationsmultiples ont été conduites,
mais le traitement n’est toujourspasdisponibledansnotre
pays, alorsqu’il l’est dansdenombreuxpays limitrophes.
Principesactifs
Lecannabiscontientplusde500composéschimiquesdont
unecentainedecannabinoïdes.Lesmieuxcaractériséssont
le9-
Δ
-tetrahydrocannabinol (THC),principalesubstancepsy-
choactive, et lecannabidiol (CBD), dont l’effet psychoactif,
bienquenonnégligeable,estmoindrequeceluiduTHC, tout
enconservantdeseffets thérapeutiquespotentiels. LeTHC
demeure lecomposédont leseffets thérapeutiquespropres
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