La Lettre 53 - page 30

LA LETTRE
N°53
ossier
problématiques, ou au contraire, (ii) un aboutissement de
l’influencede facteurs familiaux et environnementaux qu’il
subirait.Poursouligner lapremièrehypothèse,onpeut rappe-
lerque lesdifficultésdes relationssociales, la faiblessedes
habilitésoucompétencespsychosocialeset l’isolementasso-
cié, ont étémises en cause comme facteurs déterminants
d’uneaddiction
(7)
.Pour lasecondehypothèse,onpeutévo-
quer leparcoursdesujetsqui connaissent uneconstellation
deproblèmesd’adaptationdès l’enfanceou l’adolescence
(problèmes de comportement, difficultés d’ordre scolaire,
échecetdéscolarisation)quiconduisentà favoriser le recours
aux addictions, surtout s’il existeunemarginalisationet un
parcours délictueux. Mais cettedistinction est artificielle.
Des facteurscomme les troublesanxieuxouanxio-dépres-
sifs, le trouble des conduites, les troubles déficitaires de
l’attentionavecousanshyperactivité (TDAH)de l’enfance–
dont lemaintienà l’âgeadulteestassociéauxaddictions, les
troublesdepersonnalitécomme lapersonnalitéantisociale
ouborderlinemontrentque lesproblématiquesd’adaptation
sont complexes,d’originemultifactorielleetqu’ellessont à la
fois résultantesde facteurs individuelset environnementaux
et déterminantes à leur tour dans l’initiationou le renforce-
mentdesaddictions.Pourconclure, nous rappelleronsque
l’addictionàunesubstanceou l’addictioncomportementale
està la foisà interrogeren tantque telle,età repenseren tant
que renforcementde réponsesdysfonctionnellesd’unsujet
«enéchec»d’intégrationdans sonenvironnement social.
R
éférences
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familiaux, surtout si lescassont nombreuxetprésentent un
fortdegrédeparenté.L’existenced’unehéritabilitégénétique
directen’estpas remiseencause,mais il faut aussi prendre
encompte l’interactiondesignaturesépigénétiques, l’expé-
rienced’uneexpositionprécoceàunesubstanceetdes fac-
teursenvironnementauxqui pourraient contribueràmodifier
l’expression des gènes dans les phénotypes d’addiction
et servir demédiateurs de la transmissiondes caractères
comportementauxentre lesgénérations
(9)
.
La vulnérabilité «biologique» peut aussi concerner des
traits de personnalité ou des facteurs dispositionnels qui
vont favoriser le recours à une substance et à son abus
(anxiété, impulsivité, recherchedesensations, voire trouble
déficitaire de l’attention avec ou non hyperactivité, traits
antisociaux, etc.).
Enfin, ces facteurspeuvent aussi êtreassociésàun«habi-
tus»socio-familialqui va favoriser ladisponibilitéde lasubs-
tance au seinde la famille, laprécocité ou labanalisation
de l’usage, etc.
Addictionet pairs?
Au-delàducercle familial, l’ouvertureaumondedusujet, son
autonomisationpsychique et comportementale à l’adoles-
cencepassepar le rôledes relationsamicales,notammenten
milieuscolaire.Lesadolescents,maisaussi lesadultesémer-
gentssontavidesde reconnaissancesociale (êtreconsidéré
par ses pairs, admis dans ungroupe, être «populaire»).
Ilssont largement influencéspar lesstandardsculturelsde
leur époquequ’il leur est difficilede refuser, souspeinede
s’exposer à être rejetés. Même ceux qui apparaissent en
décalage de la norme générale (par exemple se référant
au style ou à la culture «gothique») obéissent àd’autres
normes. L’influencedespairset leconformismepar rapport
augroupe jouent un rôlesignificatif dans l’expérimentation
précocedessubstancespsychoactivesdès l’adolescence
ou lapréadolescence
(10)
et dans le risquededévelopper
un trouble liéà l’usage. Il peut s’agirdestéréotypessociaux
liés à lamasculinité ou au fait dedevenir un jeune adulte.
Il peut s’agir également d’attitudes, de valeurs partagées
uniquement par legroupedes pairs, de comportements à
valeur transgressivequi vont renforcer l’identitédugroupe,
avecunedimensionnormativecertaine,maisappliquée ici au
groupeseul et àsonpositionnementdans lasociétéqui l’in-
clut. L’addiction tendant à renforcer ladimensiondugroupe.
Tout ceci vaut aussi pour lesaddictionscomportementales.
Onpourrait aussi évoquer laplacedes réseauxsociauxen
ligne, tels ou tels jeux vidéopartagés par l’ensembledes
pré-adolescents ou adolescents. Ces différents facteurs
ne sont pas isolés et l’influencedes pairs va évidemment
interagiravec ladynamique familialeet lescaractéristiques
individuellespour déterminer les choixdes adolescents et
leurdevenir faceau risquededévelopperuneaddiction
(6)
.
Difficultésd’adaptation, environnement aversif ?
Le rapport dusujet à l’addictionpeut à la foiséclairer (i) sa
« faillite» individuelle commepoint dedépart de ses diffi-
cultés dont le recours aux substances ou comportements
1...,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29 31,32,33,34,35,36,37,38,39,40,...48
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