La Lettre 53 - page 39

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(3,7)
avec un niveau de preuve suffisant, pour que
l’AcademieAméricainedeNeurologievalidesonusagedans
cette indication, et qu’uneAMM soit obtenue.
Les effets secondaires décrits ou redoutés des cannabi-
noïdessont cependantdivers.Citons leplusemblématique
d’entre eux- qui fait écho avec ce numérode la lettredes
neurosciences– : le risqued’utilisationdétournéeduproduit
et d’apparitiond’uneaddiction, pour rappelerque lesdon-
néesdesécuritéconcernant leNabiximol sont rassurantes
sur cepoint. Il n’aeneffet pasété raportéàce jour d’abus
desubstance,d’effetdemanqueoude toléranceavecesca-
ladedesdoses. Il faudranéanmoinsattendre lapublication
des études de suivi sur le long termedepatients exposés
au longcoursafindedéfinitivement statuer sur ce risque.
Soulevons enfin la problématique de l’impact cognitif et
psychologiquede ces substances, enparticulier chez les
patientsatteintsdeSEP.Deseffetsdélétèressur lacognition,
tout dumoinsàcourt terme, d’une intoxicationcannabique
régulière ont étédocumentés. Leur persistance après l’ar-
rêt de la consommation fait encore l’objet d’undébat bien
qu’elle semblebien réelledanscertainscas, enparticulier
lorsque l’exposition a été importante à une étape clé du
développement cérébral comme l’adolescence, période
ou lecannabisest associéàun risquededécompensation
psychotiquepar ailleurs.
Les troubles cognitifs dans la sclérose en plaques, bien
qu’initialement compenséset souvent sous-estiméspar les
patientset leurentourage, sont fréquentsetpeuvent survenir
dès lesphasesprécocesde lamaladie.Ces troublescogni-
tifssontmultifactorielsmaisont notammentpuêtrecorrélés
non seulement audegréd’atrophie corticalemais aussi à
l’atteinte structurelledes faisceaux de substanceblanche
(8)
. Ces anomalies peuvent être initialement compensées
par lamobilisation accruedes ressources disponibles se
traduisantparuneactivationcérébraleplus intenseouplus
diffusequ’unsujet « sain»à l’état debaseoupour la réali-
sationdecertaines tâches
(8)
.Oruneétude récentesuggère
quecesmécanismescompensateurspourraient êtremisà
mal par l’expositionaucannabis. Lesscorescognitifset les
donnéesd’imageriecérébrale fonctionnelleet structurellede
20patientsSEPconsommateurs réguliers (àvisée récréative
ou de soulagement des symptômes) ont été comparés à
ceux de 19 patients non-consommateurs. Pour unmême
niveaud’atrophiecérébrale lespatientsconsommateursde
cannabis présentaient plus d’altérations cognitives, cequi
peut êtreattribuéàune faillitedesmécanismesdecompen-
sationnormalementmobilisés, et/ouàundéficit de réserve
cognitive
(9)
.Cetteétudeobservationnellenepermet ni de
faireun liendecausaliténid’extrapolerces résultatsobtenus
dans le cadred’uneconsommation librede cannabis, aux
cannabinoïdesmédicaux. Cependant dans le cadrede la
prescription àdes patients que leurmaladie neurologique
rendplusvulnérablesaux troublescognitifs,ce risquedevrait
êtreconnuet régulièrement évalué.
Enconclusion,bienque leniveaudepreuvesoitparfois limité,
lesproduitspharmaceutiquesdérivésducannabissemblent
pouvoir offrir àcertainspatientsuneaméliorationdesymp-
tômeschroniquesparailleursdifficilesàsoigner.Promouvoir
desétudesdequalitéet unusageencadrédeproduitssûrs
et contrôlésserait en tout état decausepréférableà la ten-
tationd’une«automédication»par desproduitsne répon-
dantpasauxnormes thérapeutiques,dont nousobservons
une recrudescenceàchaquecampagnemédiatiquesur le
sujet. La nature illicite de ces cannabinoïdes empêchera
de connaîtreprécisément laprovenance, la composition,
l’impact et le risque réel, enparticulier addictogène oude
décompensationpsychotique.
R
éférences
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cannabis, andcognition:AstructuralMRI study.YNICL8, 140–147 (2015).
Joshua Greene
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