La Lettre 46 - page 13

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au coût que représente lamaîtrise simultanéedugeste et
ducode linguistique, onpeut légitimement penser quecet
apprentissagedoit avoir des conséquencesmajeures sur
l’organisationducerveau.Pourtant, à l’examende la littéra-
tureon resteétonnépar la raretédesétudesqui ont abordé
lescorrélatscérébrauxde l’écriture.
Danscetarticlenousaborderonssurtout lesaspectsmoteurs
de l’écriture, et nous verrons que leur compréhension est
fondamentale car ils sont probablement fortement en lien
avecd’autresaspectsdu langageécrit, la lectured’unepart,
et lesprocessusorthographiquesd’autrepart.
L’écritureest ungestecodépardes régionscérébrales
spécialisées
Onpeut écrireunmêmemot surune feuilledepapier, surun
tableauavecunecraie, ouendéplaçant notreorteil dans le
sable, la formeglobaledu tracé restera trèssimilaire.Cette
«équivalencemotrice»,miseenévidencepar leneurophy-
siologiste russeBernstein en 1967 a été un argument de
poids pour postuler l’existencede «programmesmoteurs
généralisés»,mémoirede laséquencedegestesnécessaire
à produire chaque lettre. Lorsque cettemémoiremotrice
est perturbée à la suited’une lésion, onparled’agraphie
apraxique oumotrice car les patients ont des difficultés à
formercorrectement les lettres.Historiquement, c’estExner,
qui en1881a lepremier fait l’hypothèsed’uncentrecérébral
«des imagesmotricesgraphiques»après l’observationde
4patients agraphiques dont la lésion était prochede « la
jonctionentre legyrus frontalmoyenet legyrusprécentral »
[cette région, appartenant aucortexprémoteur, est commu-
nément dénommée«aired’Exner »
(1)
].
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L’écriture : gestes, lettres, mots, et
cerveau
M. Longcamp
(Marseille),
J.L. Velay
(Marseille),
S. Kandel
(Grenoble)
Àseulementdeuxans, le jeuneenfantproduit spontanément
des formesgraphiques«primitives»commedes traits,des
formes ovoïdes, des spirales. Très vite, il comprendqu’il
y a unedifférence entredessiner et écrire: c’est ledébut
d’une longue routevers lamaîtrisede l’écriture,dans laquelle
ces formes primitives vont êtreprogressivement modifiées
et combinées dans des gestes d’une extrême précision
pour transcrire rapidement unmessagesignifiant, obéissant
aux règles du langage tout en respectant des contraintes
de lisibilité. Progressivement, l’enfant devient un scripteur
expert. Si l’on réfléchit à laprécocitéde l’apprentissagede
l’écriture, au tempspasséàécrire tout au longde la vie, et
Figure1
-Activationscérébralesaucoursde l’écriturechezungroupede jeunesadultesdroitiers.La situationd’écriture
sousdictéeest contrastéeparrapportàune situationdereposdans laquelle lesparticipantsposent lapointedu stylo sur
lepland’écriture sansbouger.L’écritureengageungrandnombrederégionscorticales sensoriellesetmotrices, car le
stimulusdictédoit être traitépar lesrégionsauditives, transforméengeste, et lerésultatdecegesteest traitéen temps
réel par le systèmevisuel.Onpeut remarquerque lesactivations sont très fortement latéraliséesdans l’hémisphère
gauche.Les3régionscrucialespour leprocessusd’écriture sont entouréesenbleu (1- cortexprémoteurdorsal, 2- cortex
prémoteurventral et3- cortexpariétal supérieur).Modifiéd’aprèsLongcampetal. (soumis).
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