La Lettre 46 - page 15

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ne sont pas identiques. Lesprocessusde récupérationde
l’orthographesont actifsavant que l’oncommenceàécrire
et opèrent «en cascade», ce qui fait qu’ils continuent à
être actifs pendant laproductiondumouvement. Ainsi, le
mouvementpour réaliser le tracédePARdansPARFUMest
plus coûteux, et doncdifférent, de celui pour réaliser PAR
dansPARDON,carPARFUMestunmotorthographiquement
irrégulier – c’est-à-dire qu’il n’y a pas un rapport terme à
termeentre lettreset sons–etPARDONest orthographique-
ment régulier.Autrementdit, le résultatdu tracéest toujours
similaire, mais laproductiondesmouvements est régulée
par lacomplexitéorthographiqueet lexicaledumot. L’inte-
ractionentre lesprocessusorthographiquesetmoteursse
met enplaceprogressivement aucoursde l’apprentissage
de l’écriture.C’est surtout lorsde l’automatisationde l’écri-
ture (vers 9-10ans) que lesdeux typesdeprocessus vont
vraiment interagir (Kandel&Perret, soumis).Nous réalisons
actuellementdes recherchesenneuroimageriedemanière
àcomprendre le fonctionnement de laproductionécriteen
interaction.
R
éférences
(1) Exner, S.Untersuchungenüüber die lokalisationder Functionen
inderGrosshirnrindedesMenschen (WilhelmBraumüller, 1881).
(2) Planton,S., Jucla,M.,Roux,F.-E.&Démonet, J.-F.CortexJ.DevotedStudy
Nerv. Syst. Behav. (2013). doi:10.1016/j.cortex.2013.05.011
(3) Pick, A.. Brain47, 417–429 (1924).
(4) Velay J.L. & LongcampM. (2013) Motor competencies andwritten
language perception: contribution of writing knowledge to visual
recognition of graphic shapes, inBartoloA.Coello, Y. Language and
action incognitiveneuroscience. (PsychologyPress, 2013).
(5) Anderson,S.W.,Damasio,A.R.&Damasio,H.Brain113,749–766 (1990).
(6) Longcamp,M. et al. JCognNeurosci 20, 802–815 (2008).
(7) James, K.H.Dev. Sci. 13, 279–288 (2010).
(8) VanGalen,G. P.Hum.Mov. Sci. 10, 165–191 (1991).
(9) Kandel, S., Peereman, R., Grosjacques, G. & Fayol, M. J. Exp. Psychol.
Hum. Percept. Perform. 37, 1310–1322 (2011).
(10)Roux,S.,McKeeff,T. J.,Grosjacques,G.,Afonso,O.&Kandel,S.Cognition
127, 235–241 (2013).
Extraire du sensaux phrases : l’apport
de laneurolinguistique computation-
nelle
Peter Ford Dominey
(InsermU846 - StemCell
andBrainResearch Institute, Bron)
Au traversde ladescriptiond’uneaction, lagrammaireper-
metdeprojeterunfilmdans l’espritde l’auditeuroudu lecteur
dans lequel est attribué le rôledechacundesacteursetdes
éléments de cette action. Les recherches récentes sur les
réseauxdeneurones récurrentsapportentdes indicessur la
manièredont cesaspectsdesenscodéspar lagrammaire
sont décodéspar lecerveau.
Le langage humain nous fournit un support illimité pour
décriredesévénementset constitueunoutil puissant pour
décrirecomment secoordonnent lesactions,cequi adonné
à l’hommeuneplacespécialedans lemondeanimal.Nous
activations cérébrales plus importantes pour la reconnais-
sancedes caractères appris à lamaindans une sériede
régions pariétales et frontales impliquées dans l’écriture.
Une réplique de ce protocole chez des enfants amontré
qu’unapprentissagesensori-moteur chezdesenfantspré-
lecteursvaaugmenter, demanièresignificative, l’activation
dugyrus fusiforme, une région codant les représentations
orthographiques desmots dans le système visuel, lors du
traitement visuel ultérieur de lettres
(7)
. Ce qui n’est pas
le cas lorsque les enfants observent des lettres qu’ils ont
apprises seulement par exploration visuelle.
Legestegrapho-moteurdépenddesunités linguis-
tiquesqui sont écrites
Desétudescomportementales récentes réaliséessur tablette
graphiqueviennentétayer l’idéeselon laquelle ladissociation
orthographe-gesten’estpasvraiment fonctionnelle.Pendant
des années, les études sur l’écriture ont supposéque les
mots seraient stockés et récupérés de lamémoire comme
dessuitesde lettrescodantdes informationssur l’identitéet
l’ordre [e.g., CHANTEUR=c
1
h
2
a
3
n
4
t
5
e
6
u
7
r
8
;modèledeVan
Galen, 1991
(8)
]. L’écriture serait ainsi une simple activité
motricemécaniquedans laquelleécrireunmot consisterait
à écrire une lettre après l’autre, demanière complètement
linéaire. Cetteconception simplistede l’écritureaétémise
en question, car il est difficilement concevable que notre
système cognitif se limite à stocker lesmots comme des
séquences linéaires de lettres. Nous savons depuis Jen-
kins et Russel (1952) que lorsque nous devons restituer
une séquencedeplusieurs éléments, nous ne récupérons
pas un élément après l’autre ; nous adoptons plutôt une
stratégie de regroupement des éléments (chunking) qui
facilite le traitement (e.g., un numéro de téléphone n’est
pas rappelé 0476825630mais plutôt 0476.82.56.30). Une
séried’étudesapumettreenévidenceque lesystèmeco-
gnitif regroupe les lettres selon une cohérencede nature
linguistique
(9)
.Notresystèmed’écriture reposerait sur des
représentationsorthographiquesayantunestructure interne
complexe, régieparplusieursniveauxhiérarchiquesde trai-
tement linguistique: lesniveauxgraphémique (CHANTEUR
= ch
1
an
2
t
3
eu
4
r
5
), syllabique (CHANTEUR= chan1teur2) et
morphémique (CHANTEUR=chant
1
eur
2
).Cesniveauxsont
actifs enparallèle et vont déterminer lamanièredont nous
allonsprogrammernosmouvements.Cettestructurecontraint
laprogrammationde l’écriturechez l’adulte,maiségalement
lesprocessusmisenplacedans l’acquisitiondesprocessus
d’écriturechez l’enfant.Eneffet,pourproduire lemotSORTIR
par exemple, les enfants préparent lesmouvements pour
produire lapremière syllabeSOR avant de commencer à
écrire; lesmouvementspour produireTIR seront préparés
pendant que l’enfant est en traind’écrire les lettres qui se
situent à la frontière syllabique (Ret T).
D’autresétudesviennent renforcer laconceptiondudouble
codage orthographe-geste. En effet, la production des
gestes grapho-moteurs est contraintepar des processus
denatureorthographique
(10)
.Parexemple, lesmouvements
pourécrire les lettresPARdans lesmotsPARFUMetPARDON
1...,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14 16,17,18,19,20,21,22,23,24,25,...28
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