La Lettre 46 - page 12

La lettre
n°46
ossier
des participants soit focalisée ou non sur lesmots et que
ceux-ci soientperçusconsciemmentounon, fournissantdes
arguments en faveur d’une implication lexico-sémantique
«automatique»ducortexmoteur. Des éléments en faveur
d’un rôle fonctionnel du systèmemoteur dans l’accès aux
représentations desmots d’action découlent également
d’études en stimulationmagnétique transcrânienne (TMS)
montrant questimuler lecortexmoteur peut affecter le trai-
tementdecesmots
(11)
;desétudesneuropsychologiques
révèlentparailleursundéficit subtilde traitementdesverbes
d’actionchezdespatientsparkinsoniensà jeunde traitement
dopaminergique
(12)
.
D’autrepart, l’étudedesconditionsd’activationdes régions
motricesvient toutefoisnuancercesconclusionsenmontrant
une certaine flexibilitéde l’activitémotrice en fonctiondu
contexteoude la tâchedemandéeauxparticipants. L’utili-
sationde laTMSaainsi permisde révélerdesmodulations
d’excitabilitémotrice lors du traitement demots d’action,
mais uniquement dans des tâches explicites d’imagerie
mentaleet nondansdes tâches lexicales (e.g. jugementde
fréquence)
(13)
.Uneactivitémotriceaenoutreétéobservée
lors de la lecture de verbes d’action conjugués à la 1ère
personnemaispasà la3
e
personne, suggérantque l’agent
de l’actionsoit un facteur importantdans l’évocationmotrice
(14)
. Enfin, une étude récente a révélé une augmentation
de la forcede saisiedes participants lors de la lecturede
motsd’action inclusdansuncontextephrastiqueaffirmatif,
mais pas négatif
(15)
. Ces données suggèrent doncque,
bienque les régionsmotricesparticipent au traitement des
motsd’action, leuractivation revêt uncaractèredynamique
et dépendde la pertinence de l’informationmotrice pour
traiter le sensdumot dansuncontextedonné.
Conclusion
Dans l’ensemble, les travaux sur les liens entre langage et
action révèlent un engagement des structures cérébrales
motrices dans l’élaborationdes représentations lexico-sé-
mantiquesdesmotsd’action. L’activitémotriceneseproduit
cependantpasautomatiquement, contredisant uneversion
simpledumodèlede l’apprentissageassociatif selon laquelle
les régionsmotricessont inévitablement recrutéesdès lors
qu’unmot évoquant une action est traité. Le fait qu’unmot
d’actionsusciteounonuneactivationducortexmoteurserait
aucontraireguidépar lapertinencede l’actiondans lasitua-
tiondécriteverbalement.Noussuggéronsainsi que l’activité
induitepar le langagedans les structures sensorimotrices
ducerveaucontribueàspécifier lesensdesmots,desorte
que saprésencemais aussi son absence fournissent des
informationsmajeurespour le traitement du langage.
R
éférences
(1) FodorJA. (1975)TheLanguageof Thought.Cambridge,Massachusetts:
HarvardUniversityPress.
Enoutre, cetteactivitésuit lasomatotopieducortexmoteur
selonque lesverbesse réfèrent àdesactions réaliséespar
labouche (e.g.mordre), lebras (e.g. saisir)ou la jambe (e.g.
marcher). Récemment, une étude en EEGdans laquelle
des adultes devaient apprendre à associer de nouveaux
mots à des actionsmanuelles, a par ailleurs révélé que
les réseaux de co-activation sedéveloppent rapidement,
après quelques heures d’entraînement
(7)
. Enfin, des tra-
vauxévaluant l’influencede la lecturedemotsd’action sur
lesparamètrescinématiquesdumouvement,décriventdes
effets d’interférence ou de facilitation selon la séquence
temporelle des tâches verbale et motrice
(8)
. L’ensemble
decesétudes témoignedoncde l’utilisationde ressources
cérébrales communes au traitement de
stimuli
langagiers
évoquant desactionset à l’actionelle-même.
Quel est le rôledusystèmemoteurdans lacompré-
hensiondu langage?
Si cepartagedesubstratsneuronauxentre langageetaction
a trèsviteséduit lacommunautéscientifique, il aégalement
apportéson lotdecritiques, enparticulierquant au rôledes
régionsmotricesdans lacompréhensiondesmotsd’action.
L’objection principale a été que l’absence de résolution
temporellesuffisantedes techniquesdeneuro-imageriene
permet pasdedécider si l’activationmotrice reflète le trai-
tement lexico-sémantique
per se
desmots ouaucontraire
des processus d’imageriementale des actions décrites,
consécutifsà lacompréhension.Lesmodèlesd’« incarnation
secondaire»
(9)
, considérant les représentations séman-
tiquescommeamodalesmaisnéanmoins liéesà l’information
sensorimotrice, suggèrent en effet que l’activitémotrice
résulted’unediffusiond’activationdes régions codant les
représentationsmodalesvers les régionscodant les repré-
sentationssensorimotrices, une fois lesensdesmotsétabli.
Autrementdit,cetteclassedemodèles, si ellenedémentpas
le rôleéventuel des régions sensorimotricesdans le traite-
mentdu langage (i.e. enrichissementdes représentations),
stipulequeces régionsnesont ni suffisantesni nécessaires
auxprocessusde récupération lexico-sémantiquedesmots.
…bienque les régionsmotrices participent au
traitement desmots d’action, leur activation revêt
un caractèredynamique et dépendde laperti-
nencede l’informationmotricepour traiter le
sens dumot dans un contextedonné…
Àce jour, ledébat autourdu rôledusystèmemoteurdans le
traitementdesmotsd’action resteanimé,endépitdesétudes
s’attachant àexaminer ledécours temporel desactivations
corticales ou les conditions dans lesquelles les structures
motrices sont recrutées. Des preuves en faveur des deux
interprétations – lexico-sémantique et imageriemotrice –
coexistent.D’unepart, lesétudesenEEG/MEGmontrentque
le traitement desmotsd’actionévoqueuneactivitémotrice
dans les 170 à 250ms post-stimulus
(10)
, que l’attention
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