La Lettre 46 - page 19

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Cetteméthodequi constitue unedes composantes incon-
tournables de la recherche contemporaine enbiologie et
enmédecine, a acquis sa légitimité scientifique à travers
les travauxdeFrançoisMagendiepuisdeClaudeBernard
qui, abandonnant l’étudede la stricte relation entre struc-
ture et fonction
(2),
vont fonder laméthode expérimentale
théoriséeparcedernier. Lesapportsdecetteméthodologie
sont innombrablesdans tous lesdomainesde labiologieet
de lamédecine, et lesneurosciencesnesont pasen reste.
Cependant, l’évolutiondes rapportsentre l’hommeet l’animal,
maiségalement ladécouvertede lanociception rattachant
lanotiondedouleur à unmécanismeneurosensoriel com-
munà l’hommeet aux autres espèces animales, a favorisé
lamise enquestionde cetteméthodologie. Aujourd’hui, la
valeurmorale et scientifiquede l’expérimentation animale
se voit violemment contestée sur labased’argumentaires
émotionnels,philosophiqueset scientifiques risquantà terme
demettreenpéril l’avenir de la recherche.
Lemouvement antivivisectionnisteet lacommunauté
scientifique: deuxmondes irréconciliables
Au plan émotionnel, la sensibilité de l’opinion publique a
toujours étéparticulièrement exacerbée vis-à-vis de cette
pratique.Onpeut s’étonnerdeceque, aumilieude l’océan
decruautéetdeviolenceexercéesà l’encontredeshommes
commedesanimaux, lespratiquesdeClaudeBernardont
déclenchéàsonépoqueune telleémotiondansunepartie
desonentourage, amenant sa femmeàseséparerde lui en
1868, et à créer un refuge et un cimetièrepour chiens
(3)
.
Aujourd’hui cettesensibilitécontinueàs’exprimer surdeux
registresdifférents:
•À travers la phraséologie volontairement dramatique et
théâtrale du terme vivisection appliqué à l’ensemble des
pratiquesexpérimentales, lesadversairesdéclarésde l’expé-
rimentation animale stigmatisent uneméthodequ’ils assi-
milent
apriori
àdespratiquescruellesnécessairementdou-
loureuses, illustrant seloneux laperversiondespraticiens.
À travers laprojectionde soi dans la souffranceet dans la
mort, chacun ressent aisément une forteempathievis-à-vis
des animaux en expérimentation, frissonnant à l’évocation
demythes indéracinables: les imagesd’animauxappareil-
lés pour des implantations intracérébrales restent toujours
aussi efficacementangoissantespour lepublicbienquedes
milliers depatients vivent avecde nombreuses électrodes
intracérébrales ; demême, on retrouvera cette projection
de soi dans l’inquiétude exprimée concernant l’utilisation
d’animauxdecompagnieenlevéspourêtrevendusdansdes
laboratoires, alorsqu’onsait quecespratiquesstrictement
interditesont totalementdisparuenFrance.Cettesensibilité
L’expérimentationanimale
endanger, lacommunauté
scientifiquenepeutplus
resterendehorsdudébat
|
par François Lachapelle
Tribune libr
Ces rapprochements sont surtout frappants quand on
regarde ce que sont les enfants, et cette période de la vie
humaine.Eneux, onvoitdéjàcomme les traceset lesgermes
desqualitésqu’ilsdoivent avoirplus tard.Maisàcemoment,
l’âmede l’enfant nediffèreen rien, onpeut presquedire, de
celledes animaux; et par conséquent, il n’y a riende faux à
supposer qu’il y ait, dans le restedes animaux, des choses
qui sont, ou identiques, ou voisines, ou analogues à celles
qu’onobservedans l’homme. 
Aristote,HistoiredesanimauxchapVIII -3
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Depuis lesdémonstrationsd’Aristote sur lacommunautéd’organisationetde fonction
entre l’animal et l’homme (voirencadré 1), l’étudedeshomologiesentre lesanimaux
et l’homme, fondementde l’expérimentationanimale, aaccompagné l’évolutionde la
connaissanceducorpshumain, de sonorganisation, des fonctionsqui l’animent etdes
troublesqui l’affectent.
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