La Lettre 46 - page 20

La lettre
n°46
ribune libre
pas obtenir oumaintenir en culture. C’est dissimuler que
lorsqu’on y parvient il s’agit très fréquemment de lignées
transformées ; il n’est que de voir l’article triomphal des
«chercheurs» enméthodes alternatives démontrant que
l’onvapouvoirdisposerd’un testdecarcinogenèseefficace
pour l’ensembledescellulesneuraleset glialesàpartir de
mesuressurdes lignéesdeneuro- et deglioblastomes
(9)
.
La communautédes neurosciences appréciera à sa juste
valeur l’universalitéd’un telmodèle.C’estégalementesquiver
leproblèmede ladisponibilité, de la reproductibilité et de
laneutralitédesmilieuxutiliséspourmaintenir cescultures
cellulaires.Aumieux, ondisposerad’outilsprécieuxcertes
maisextrêmement réducteursdepré-screeningapplicables
à la résolutiondequestionssimples.Au-delàdecesaspects,
onvoitbienqu’il existeunemultitudedeproblématiquesqui
nepeuventguèreêtreabordéesautrementquesur l’animal
entier: chirurgie expérimentale, modélisation des biothé-
rapies, étudesd’effets à long termeoupour revenir sur les
neurosciences,modélisationdes troublesde lamémoire,du
sommeil, de lamarche, de l’équilibre, atteintesde lavision,
accident vasculaire cérébraux pour neciter quequelques
exemples.Toutescespathologieset lesstratégies thérapeu-
tiquesà leurappliquernepeuventêtreque trèspartiellement
modéliséesendehorsd’organismes vivantscomplexes.
Uneopinionpubliquepeuconcernéemaisdisposant
depeud’informations
L’opinionpublique, elle, se sent peu concernéepar cette
question. Elle est généralement assez peu informée sur la
réalitédespratiquesainsi quesur lecadre réglementaireet
éthiquede l’expérimentationanimale. Lessondages récents
effectuésenFranceauRoyaumeUni,enSuèdeouenSuisse
et même en Italie considèrent majoritairement qu’il s’agit
d’unepratique légitimepourvuqu’un cadre réglementaire
strict encadre lespratiqueset soit assorti decontrôles réels
et de sanctionsencasdebesoin
(10)
.
se nourrit bien sûr de l’éloignement dans nos sociétés de
la souffrance et de lamort des animaux utilisés àdes fins
alimentaires
(4)
.
•Auplanphilosophique, leséthiquesdudevoirou l’antispé-
cismese fondant surdes impératifsmoraux règlent l’action
de l’homme indépendamment desesconséquences. Elles
refusent à une espèce douée de sens (l’homme) le droit
d’utiliserdesanimauxaubénéficedesaconnaissance tout
comme elles lui refusent le droit de les utiliser à des fins
alimentaires
(5)
, rejetant sans appel toute utilisation des
animauxaubénéficede l’homme.
Parallèlement à ces éthiques catégoriques, l’utilitarisme
propose, dès la fin du XVIII
e
siècle, d’inclure le bien-être
desanimaux
(6)
dans labalancecoût/bénéficedesactions
humainesvisantà«créer laplusgrandequantitédebonheur
possibleaubénéficeduplusgrandnombre»
(7)
.Curieuse-
ment,cetteéthiquefinalisteaétéprogressivementdétournée
desonsenspremier par lespartisansde l’expérimentation
animalequi à travers lamiseenœuvred’uneméthodologie
(la règledes«3R» : replace/reduce/refine)
1
(8)
proposent
aujourd’hui une «éthique» fondée sur le rééquilibragede
labalancecoût /bénéfice (encontrainteanimale/vsavancée
desconnaissances).
Oncomprendquecesécolesdepenséeset leurs interpré-
tations soient irréconciliables. Deplus, il faut comprendre
que laphraséologieutilitariste interneaumondede l’expé-
rimentationanimaleprônant le«bien-êtreanimal »et «une
éthique de l’expérimentation animale» est vécue par les
opposants, voirepar l’opinionpublique, commeunoxymore
constituant unevéritableprovocation. Lamiseenœuvrede
cette éthique amélioredonc sérieusement le sort des ani-
maux,maisellene réconciliepas lacommunautéscientifique
avec lesopposantsà l’expérimentationanimale.
Auplan scientifique, l’argumentaire avancépar les adver-
sairesde l’expérimentationanimaleestpour lemoinsassez
pauvre: essentiellement axésur la toxicologieet lesétudes
de sécuritéqui ne représentent pourtant que11%du total
des animaux utilisés àdes fins expérimentales, un certain
nombredegroupes, confondant volontairement méthodes
valides (scientifiquement)etméthodesvalidées (règlemen-
tairement), rejette lebien fondédes études sur l’animal en
soulignant laproportionnonnégligeabledes traitementsmis
aupointchez l’animalqui sont retirésdumarchéparmanque
d’efficacitéouen raisond’effetssecondairesnondétectés.
C’est oublier l’existencedesessaiscliniques (phases1à3:
sécurité/pharmacocinétique/efficacité) puis post-cliniques
(phase4), tous réaliséschez l’homme.Diffuser dans lepu-
blic l’idéequedesessaissurculturesdecelluleshumaines
seraientplus représentatifsouplus reproductiblesestun tour
debonneteau intellectuel qui escamote le faitqu’il existeun
grandnombrede typescellulaireshumainsque l’onnesait
[Directive2010/63 relativeà laprotectiondesanimauxutilisés
àdesfinsscientifiques, art 5, laprésentedirectivenes’applique
pas :
a) aux actes pratiqués dans les exploitations agricoles àdes
finsnonexpérimentales;
b)à lapratiquede lamédecinevétérinaireàdesfinsnonexpé-
rimentales;
c) auxessaiscliniques vétérinairesnécessairesaux finsd’une
autorisationdemisesur lemarchéd’unmédicament vétérinaire;
d) auxactespratiquésàdes finsd’élevage reconnues;
e)auxactespratiquésdans lebutpremierd’identifierunanimal;
f)
auxpratiquesqui nesontpassusceptiblesdecauserunedou-
leur, unesouffrance, uneangoisseoudesdommagesdurables
équivalentsousupérieursàceuxcauséspar l’introductiond’une
aiguilleconformément auxbonnespratiques vétérinaires]
1
Cetterègleconsiste,pourchaqueprotocoleexpérimentalutilisant
desanimauxàessayerdeRemplacer l’animalparunautremodèle,
deRéduire lenombred’animauxetdeRaffiner lesprocéduresafinde
diminuerautantque fairesepeut, lacontrainte toutenmaintenant,
voireaméliorant laqualitédes informationsobtenues.
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