La Lettre 45 - page 17

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… les réseaux fonctionnels langagiers ont une
organisation inter-hémisphérique à la naissance
qui évolue vers une organisation intra-hémisphé-
rique gauche chez l’adulte…
Cette augmentation du traitement intra-hémisphérique au
cours du développement accompagne le développement
des compétences verbales. L’étude de patients aphasiques
ayant eu une lésion néonatale ou à l’âge adulte démontre
que la qualité de récupération est associée à la force de
l’asymétrie gauche mesurée pendant une tâche de langage.
La spécialisation hémisphérique du langage est
variable d’un individu à l’autre
L’hypothèse d’un lien entre la SH du langage et la préférence
manuelle a d’abord été émise par Broca qui avait postulé
que les gauchers devraient avoir un HD dominant pour le
langage. Des études cliniques, neuropsychologiques, com-
portementales et de neuroimagerie ont mis en évidence un
lien beaucoup plus complexe et une des premières études
montre que l’HG est spécialisé pour le langage chez 96 %
des droitiers mais également de 70 % des gauchers
(6)
.
La spécialisation de l’HD pour le langage, bien que plus
probable chez les gauchers, reste rare (0.1% de la popu-
lation). À l’heure actuelle il n’existe pas d’étude montrant
un lien direct ou causal entre la latéralisation manuelle et la
spécialisation hémisphérique du langage. Par ailleurs, il a
également été proposé que le genre modulerait la spécia-
lisation hémisphérique (SH). En effet, une incidence plus
élevée des aphasies est observée chez les hommes après
une lésion de l’HG. Cependant, la variabilité liée au genre
reste un sujet de débat et son effet semble expliquer peu les
différences observées (1 à 2 % de la variance).
ainsi (a) des aires « essentielles »,
celles dont la lésion ou l’inactivation
provoque une aphasie définitive ou
transitoire et (b) des aires « acti-
vées » au cours de tâches de lan-
gage dont on ne sait pas si la lésion
provoquerait un déficit. Chez les
patients, l’excellente concordance
des mesures d’asymétrie d’activa-
tion avec l’évaluation de l’hémisphère
dominant pour le langage par la
technique de Wada
3
fait de l’image-
rie une technique non invasive de
la détermination de l’hémisphère
dominant du langage. Le recul de
20 ans d’imagerie du langage et
les nombreuses méta-analyses
(3)
ont permis de dresser un tableau
précis des rôles des hémisphères, et
de leur contribution qualitativement
différente. Ainsi, le traitement des
sons du langage s’appuie sur la participation des cortex
auditifs bilatéraux. Cependant, il existe une spécialisation à
gauche pour l’intégration temporelle courte des sons (20-50
ms) nécessaire à la reconnaissance des syllabes ainsi que
des mots et, à droite, pour le traitement tonal correspondant
à l’extraction de l’information dans des fenêtres d’intégration
temporelle longues (150-250 ms), permettant de discriminer
la prosodie (qui comporte l’accentuation, l’intonation, le
rythme du langage).
La spécialisation hémisphérique du langage est le
résultat de la maturation cérébrale
Deux positions extrêmes ont émergé dans la littérature
concernant les capacités des hémisphères cérébraux et
leur implication dans le langage en fonction de l’âge.
D’une part, une SH « prédéterminée » (prédominance de
l’HG pour assurer le langage) et d’autre part, une équipo-
tentialité hémisphérique (les deux hémisphères peuvent
soutenir le langage). L’importante plasticité cérébrale ren-
contrée chez les enfants peut suggérer que le langage
s’organise à l’intérieur d’un réseau bilatéral préexistant qui
peut être réorganisé en cas de lésion. C’est ce qu’ont montré
les récentes études d’imagerie du fœtus et d’enfants
(4)
(Figure 2). Alors que les asymétries des régions sylviennes,
support anatomiques de la SH pour le langage, se mettent en
place dès la 23
e
semaine
in utero
, et ont atteint leur forme défi-
nitive à la naissance
(5)
, les réseaux fonctionnels langagiers
ont une organisation principalement inter-hémisphérique à
la naissance qui évolue vers une organisation privilégiant
les connections intra-hémisphérique gauche chez l’adulte.
Figure 1 - Modèle neurologique du langage du XIXe siècle, pour la répétition des mots et la lecture.
Vue de la surface latérale de l’hémisphère gauche. Panel A: modèle pour la répétition d’un mot
avec implication successive de différentes régions : traitement acoustique du mot au niveau du
cortex auditif primaire (vert), connecté avec les images auditives de la parole au niveau de l’aire
de Wernicke et les images motrices de la parole au niveau de l’aire de Broca, enfin la commande
motrice de parole au niveau du cortex moteur (rouge). Panel B: modèle pour la lecture d’un mot :
traitement visuel dans le cortex visuel (vert) et mémoire visuelle de la forme de mots au niveau
du gyrus angulaire (bleu). La connexion entre gyrus angulaire et aire de Wernicke permet la
correspondance entre formes visuelle et auditive du mot.
3
Wada, J. & Rasmussen, T., 1960, Intracarotid injection of sodium
amytal for the lateralisation of cerebral speech dominance, Journal
of Neurosurgery, 17, 226-82.
1...,7,8,9,10,11,12,13,14,15,16 18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,...38
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