La Lettre 45 - page 21

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une réponse corticale à des contrastes phonémiques non-
natifs semblable à celle provoquée par des contrastes de
la langue maternelle
(8)
, d’autres ne retrouvent pas cette
sensibilité à la L2
(9)
. Les résultats divergents de ces études
peuvent toutefois être expliqués par les situations d’appren-
tissage. Les études réalisées chez le sujet immergé dans le
bain linguistique de la L2 ont le plus souvent mis en évidence
une sensibilité neuronale aux contrastes phonémiques de
celle-ci, démontrant encore une fois l’importance de l’expé-
rience linguistique.
La compétence et la performance au niveau syntaxique
La question de l’acquisition de la grammaire d’une seconde
langue constitue l’une de celles les plus abordées à ce jour,
tant en linguistique qu’en psycholinguistique [(pour une col-
lection récente d’articles,
(10)
]. L’apport des recherches en
neurosciences à cette question est évident si nous prenons
en compte la multiplicité de réponses que fournissent les
potentiels corticaux évoqués et la spécificité de celles-ci
aux types de traitement linguistique. En effet, selon que
le sujet effectue un traitement sémantique ou syntaxique
les réponses neuronales spontanées sont différentes.
Qui plus est, le type de réponse corticale associée au traite-
ment syntaxique peut révéler le niveau de compétence en L2.
Si, dans un premier temps, l’hypothèse d’une période critique
et l’absence des réponses neuronales liées à un traitement
syntaxique automatique en L2 a été avancée, depuis plu-
sieurs recherches l’ont réfutée en faveur de l’hypothèse de
différents stades de compétence et des réponses neuronales
associées. Quant à la représentation des deux langues du
bilingue au niveau cortical et les corrélats anatomo-fonc-
tionnels de l’analyse syntaxique, si cette question demeure
d’actualité notons que les résultats d’une méta-analyse
importante souligne le chevauchement des deux langues
et n’appuie pas les modèles qui supposent l’existence des
routines spécifiques au traitement syntaxique en L2 ni l’acti-
vation des aires différentes en L1 et L2.
Conclusions
Ce bref survol des études sur le traitement linguistique chez
le sujet bilingue met en avant l’importance du niveau de
compétence de la seconde langue, plus que l’âge d’acqui-
sition de celle-ci, notamment en ce qui concerne le réseau
cortical impliqué dans ce traitement.
B
ibliographie
(1) Foucart, A., Frenck−Mestre, C. (2013). The neuroscience of second
language processing. In Julia Herschensohn and Martha Young−Scholten
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(10) The Cambridge Handbook of Second Language Acquisition (2013)
Herschensohn J, Young-Scholten M (eds). Cambridge Handbooks in
Language and Linguistics.
La somatotopie motrice de la main et des doigts
ne se superpose pas à celle des organes de la
parole. Les activations sont bilatérales dans la
parole (cf. Latinus et al., dans ce dossier), alors
que la motricité segmentaire, elle, est latéralisée.
Mais c’est également le cas des processus lan-
gagiers (cf. Perrone et al., dans ce dossier)…
Si l’on ne met pas ses doigts
dans la bouche, c’est parce que
le cerveau y veille
!
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