La Lettre 45 - page 28

La lettre
n°45
Patricia Gaspar a combiné les atouts de sa formation médicale et
scientifique à ceux d’une vision internationale du monde.
Son père, médecin et poète hongrois, avait emmené sa famille à
Jérusalem où elle a passé son enfance. Elle a ensuite étudié la
médecine à Paris et fait un internat en neurologie, psychiatrie et neu-
ropathologie, interrompu par un séjour d’un an comme neurologue
en Tunisie. Elle a gardé de cette pratique initiale de la médecine un
pragmatisme et un souci de l’application aux patients qui orienteront
ensuite sa recherche. Patricia s’est intéressée à la neuropathologie
dès son internat, en travaillant dans dans l’équipe d’Yves Agid avec
qui elle a étudié les marqueurs enzymatiques impliqués dans la
maladie de Parkinson dans le cerveau humain. Elle a ensuite préparé
une thèse de sciences avec Brigitte Berger avec qui elle a réalisé
un travail pionnier dans la description de l’innervation dopaminer-
gique du cerveau des primates, mettant notamment en lumière les
caractéristiques de l’organisation de leur système mésocortical. En
1986, Patricia Gaspar est recrutée à l’Inserm dans l’unité dirigée
par Constantino Sotelo. Elle a clairement bénéficié de la culture et
de l’exigence intellectuelle de ce brillant représentant de la grande
école de Neuroanatomie espagnole.
En 1990-1991, Patricia Gaspar fait un séjour sabbatique dans le
laboratoire de Jon Kaas à l’université Vanderbilt de Memphis (Ten-
nessee), ce qui lui permet d’étudier l’anatomie du système dopami-
nergique chez le singe-hibou, un primate non-humain nocturne. C’est
l’occasion pour elle d’aborder différemment la neuroanatomie, sous
l’angle de la phylogenèse et de la plasticité des systèmes sensoriels.
De retour à Paris, Patricia Gaspar devient directrice de recherche à
l’Inserm et s’oriente vers l’étude du développement, domaine dans
lequel elle va réaliser des contributions majeures. En explorant des
souris dont le gène de la monoamine oxydase A (MAO-A) est inactivé,
Patricia Gaspar et ses collaborateurs mettent en évidence un rôle
insoupçonné de la sérotonine au cours du développement. Dans
une série d’articles publiés dans les revues les plus prestigieuses,
elle montre que les neurones thalamiques expriment transitoirement
le transporteur de la sérotonine et utilisent ce neuromodulateur. Ce
mécanisme est essentiel car lorsqu’il est perturbé, notamment par
l’absence de MAO-A, l’organisation corticale est anormale comme
le montre l’absence de tonnelets dans le cortex sensoriel corres-
pondant aux vibrisses. Ces travaux vont permettre de comprendre
le rôle de la sérotonine au cours du développement cérébral et les
conséquences qui peuvent découler de son altération.
Utilisant de nombreux modèles de souris transgéniques, Patricia
Gaspar a poursuivi l’étude des systèmes sérotoninergiques et du
rôle des voies de signalisation que ce neurotransmetteur active
dans le guidage axonal et l’établissement des cartes corticales au
cours du développement. Cependant, son principal sujet reste les
neurones sérotoninergiques, dont les effets multiples et les régula-
tions complexes occupent une place centrale en neurologie et en
psychiatrie. Ainsi, en étudiant l’expression du facteur de transcription
Pet-1, elle a récemment découvert l’existence de deux populations
de neurones à sérotonine, dont les projections, la fonction et cer-
tainement le rôle physiopathologique, sont différents chez l’adulte.
L’ensemble de ses travaux a valu à Patricia Gaspar une très forte
renommée internationale. Elle a parallèlement consacré aussi
beaucoup d’énergie à l’organisation de la recherche. Au départ de
Constantino Sotelo, elle a pris la direction de l’unité Inserm où l’avait
rejointe Luc Maroteaux, avec qui elle a participé à la création de
l’Institut du Fer à Moulin en 2007, dont elle est co-directrice. Patricia
a aussi créé avec Michel Desarménien le Club « Développement
des réseaux neuronaux » affilié à la Société de Neurosciences.
Elle dirige depuis 2010 l’école des Neurosciences de Paris-Ile-de-
France (ENP) après s’être occupée de son programme de formation
pendant plusieurs années.
Un sens inné de la simplicité et de l’esthétique donne à Patricia
Gaspar une élégance intellectuelle rafraîchissante et créatrice. Tous
ceux qui la connaissent apprécient son savoir, sa bonne humeur
et ses qualités humaines remarquables ; son enthousiasme est
mobilisateur. Il n’est pas étonnant qu’elle ait formé de nombreux
scientifiques dont plusieurs ont maintenant débuté de brillantes
carrières. Passionnée de musique, elle parle parfaitement plusieurs
langues et partage le peu de temps que lui laissent ses recherches
et ses charges multiples entre une maison à Patmos, lien ensoleillé
avec son enfance méditerranéenne, et la campagne francilienne
égayée maintenant par ses petits-enfants.
La Lecture Alfred Fessard 2013 s’est tenue le 23 mai 2013
lors du 11
e
Colloque de la Société des Neurosciences à Lyon,
en l’honneur de Paricia Gaspar
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Patricia Gaspar
Les singularités d’un système de neurotrans-
mission diffus
|
Jean-Antoine Girault
ecture Alfred Fessard
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