La Lettre 45 - page 22

La lettre
n°45
Un des challenges en recherche biologique est le déve-
loppement de méthodes permettant l’obtention d’images à
haute résolution optique de populations cellulaires en trois
dimensions (3D) dans des tissus intacts. Actuellement, la
microscopie confocale à balayage laser classique ne permet
pas l’acquisition d’images au-delà de 150 µm de profondeur.
Le microscope biphoton, technique très similaire à la micros-
copie confocale, offre une meilleure profondeur, mais ne
peut, même dans des conditions optimales, pénétrer au-delà
de 500-800 µm de profondeur. Ainsi, la plus grande limite
des techniques d’imagerie optique repose sur la difficulté
d’imager des tissus épais avec une haute résolution du fait de
leurs opacités. Rendre les échantillons transparents permet
de s’affranchir de ces contraintes et facilite l’imagerie en
3D de tissus biologiques qui, jusqu’à présent, nécessitait
au préalable la réalisation de coupes histologiques sériées.
Depuis peu, observer un cerveau en 3D, jusqu’à la moindre
de ses connexions neuronales et ce, sans avoir à le disséquer,
est désormais possible. Plusieurs équipes de recherches
sont parvenues récemment,
via
différentes techniques, à
rendre des cerveaux totalement transparents. Dans cet
article, nous nous proposons de faire le point sur ces tech-
niques qui ont permis l’étude et la visualisation en 3D du
système nerveux, des réseaux neuronaux et leurs contenus
moléculaires, sans coupes préalables des échantillons.
Le premier procédé pour rendre un tissu transparent a été
introduit par un anatomiste allemand Werner Spalteholz il y
a 100 ans. En 1914, ce dernier avait testé de nombreuses
solutions organiques afin d’obtenir un résultat optimal. Il avait
découvert qu’un mélange de benzyle alcool et de méthyl sali-
cylate était la solution la plus efficace pour rendre transparent
des échantillons de grande taille. Cette technique a été par
la suite reprise par des chercheurs qui développèrent une
solution de « transparisation » (étape permettant de rendre
transparent un tissu) spécifique pour imager différents types
d’échantillons. Le principe de ces techniques est de faire
correspondre l’indice de réfraction du tissu à celui du solvant
dans lequel il est placé lors de l’acquisition des images. En
général, ces procédés sont fondés sur des étapes de dés-
hydratation, de délipidation et d’imprégnation du composé
de « transparisation ».
Les méthodes « Scale » et « SeeDB »
En complément des techniques de « transparisation »
utilisant des solvants organiques lipophiles, une nouvelle
technique utilisant un agent aqueux (urée) a été récem-
ment développée. Cette technique baptisée « Scale » a été
publiée par l’équipe japonaise de Miyawaki {Brain Science
Institute RIKEN, Saitama)
(1)
}. Ces auteurs ont mis au point
cette méthode sur des cerveaux de souris thy1-YFP dans
lesquelles la protéine fluorescente est exprimée dans les
neurones pyramidaux de l’hippocampe et les couches V
et VI du cortex. Brièvement, le procédé consiste à fixer le
cerveau et de le placer dans une solution contenant de l’urée
(1 à 8M), 10% glycérol et 0.1 % triton X-100. Cependant, la
technique Scale nécessite de longues périodes d’incubation
pour rendre transparent l’échantillon (une à deux semaines)
et rend les échantillons fragiles une fois le procédé terminé.
Ce procédé Scale est réversible. En effet, il est possible de
restaurer l’état initial d’un cerveau transparent par des étapes
de rinçage dans du tampon phosphate, le cerveau pouvant
être ensuite utilisé pour des études en immunohistochimie.
Bien que cette méthode aboutisse à l’obtention d’un tissu
transparent et à la préservation du signal fluorescent dans
des tissus embryonnaires, elle ne permet cependant pas
de rendre transparent des tissus adultes et ce, même après
plusieurs semaines ou mois d’incubation.
Le centre de recherche RIKEN vient de publier une autre
technique de « transparisation » nommée SeeDB
(2)
.
Ce procédé utilise une solution aqueuse à forte concentra-
tion en fructose. Un des avantages de cette technique est
la conservation de la GFP dans le cerveau de souris adulte
Thy1-YFP tout en gardant intacte la morphologie du tissu.
La méthode « 3DISCO » (3-dimensional imaging of
solvent cleared organs)
Quelques mois après la publication de la méthode Scale,
l’équipe de Hans-Ulrich Dodt (Université Technologique
de Vienne) a développé une méthode nommée 3DISCO
(3)
. Comparée aux autres procédés utilisant des solvants
organiques, 3DISCO permet d’obtenir des échantillons trans-
parents très rapidement
(
Figure 1)
.
Rendre le cerveau transparent,
un pas vers la 3
e
dimension
|
david Godefroy, Pierre-serge Launay, Annabelle réaux-Le goazigo
(Institut de la Vision, UPMC,PARIS)
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