La Lettre 50 - page 10

La lettre
n°50
istoiredesNeurosciences
féed’airodoriséétaitdirigéevers lamuqueuseolfactive,
certains de ces récepteurs accéléraient leur fréquence
d’émission, c’est-à-dire produisaient une réponse par
excitation ; d’autres, moins fréquemment, ralentissaient
leur activité, produisant une réponsedite suppressive;
d’autresenfin restaient indifférents. Lesneurorécepteurs
nese répartissaientpasenclassesdemêmesensibilité.
Quanddeux d’entre eux répondaient semblablement à
quelques odorants, il n’était pas difficilede trouver une
autresubstanceà laquelle ils répondaientdifféremment.
Les odorants, quant à eux, ne pouvaient pas être sim-
plement regroupés en quelques catégories comme le
prédisait la théorie des
odeurs primaires
formulée par
JohnAmooreà lamêmeépoque.Eneffet,sideuxodorants
excitaient semblablement une cellule réceptrice, il était
toujourspossiblede trouverunautreneurorécepteurqui
répondait à l’unet pasà l’autre.
Les travaux pionniers deGesteland ont été poursuivis
pendantde longuesannéespar legroupedeLyonàpartir
desannées1970.Enmultipliant lesenregistrements, les
chercheurssontparvenusà introduireunecertaine intel-
ligibilitédans les réactionsàpremièrevuesurprenantes
desneurorécepteursauxstimulationsolfactives, il est vain
de rechercherdescellulesétroitement spécialiséesdans
la réceptiond’une catégorieparticulièredemolécules
odorantesoudans la formationd’unequalitéolfactivespé-
cifique. Ainsi, il est vrai, statistiquement, que lescellules
qui répondent à une substance comme le
camphre
ont
uneprobabilité relativement élevéede répondre égale-
ment aucinéoleet àquelquesautresmoléculesqui pré-
sententavec lecamphreune ressemblancedestructureet
dequalitéolfactive.Cependant, tous lesneurorécepteurs
qui sont activés par le camphre ne répondent pas au
cinéole, et réciproquement.
On dira donc que l’information sur l’odeur est répartie
sur un grand nombre de cellules et non localisée sur
quelques-unesd’entreelles.Elleest inscritedans lacom-
binaisonparticulièredecellules réceptricesactivéespar le
stimulus
, étant admisque lescellulesqui portent collecti-
vement l’information
camphre
participerontàbiend’autres
combinaisonsquiaurontpoursignification
cinéole
,
acétate
d’amyle
,
butanol
, etc. Lespossibilitésdecodageolfactif
permisesparceprincipecombinatoiresont évidemment
gigantesqueset remarquablement adaptéesà l’étendue
et à ladiversité également considérabledumondedes
odeurs.
Cespropriétésdescellulesolfactivespeuvent êtreassez
aisément interprétéesgrâceà lanotionde
récepteurmo-
léculaire
, à conditionque l’on admetteque nombrede
ces récepteurs sont peu sélectifs. En supposant qu’une
celluleportesur sescilsun typede récepteur activable,
avecdesaffinitésdifférentes, par unensembledemolé-
cules odorantes qui se ressemblent approximativement
par la conformationde certaines de leurs parties, il est
compréhensiblequecette
cellule répondeplusoumoins inten-
sément àcesmolécules.Pourpeuque lesprofilsdesélectivité
des récepteurssechevauchent, lamêmeespècedemolécule
odorante stimuleraplusieurs typesde récepteurs.
Les récepteursolfactifsenfin identifiés
Les récepteursmoléculairesdont l’existenceétaitpostuléepar
lagrandemajoritédes chercheurs nedevinrent réalitéqu’au
début des années 1990 quand LindaBuck et RichardAxel
annoncèrent leur découverte. Ce fut l’entrée fracassante de
labiologiemoléculairedans lesétudesenolfaction. L’histoire,
encore très récente,decettedécouvertemériteraitd’êtrecontée
car elle illustre une très intelligente stratégie de recherche.
Disonsseulement, car laplacenousmanque, queLindaBuck
et RichardAxel firent l’hypothèseque les récepteurs olfactifs
étaient apparentésaux récepteursàseptdomaines transmem-
branaires associés àdes protéinesG. Cette hypothèse fruc-
tueuse fut à labasede leur stratégiequi consistaà rechercher
dans l’épithéliumolfactif despreuvesde l’existencedeprotéines
dont lacomposition leurpermettaitdes’associeràdesprotéines
G. Autreheureuse initiative, plutôt quede rechercher cespro-
téineselles-mêmes, leschercheursscrutèrent legénomedes
cellulespourdécelerdans lesséquencesd’
acidesnucléiques
l’informationquipermet leursynthèse.Lessondesmoléculaires
détectèrent eneffetdansdesbroyatsd’épithélium
olfactif des
ARNmessagers
qui avaient lacomposition requisepourcoder
des fragments de protéines réceptrices. De la composition
de l’ARN on remonta à celle de l’ADN et c’est ainsi que l’on
découvritque legénomedescellulesdevertébréscontientdes
centainesdegènessusceptiblesdecoder lasynthèsed’autant
deprotéinesolfactives réceptricesdifférentes.
B
ibliographie
sélective
AndréHolley, L’
Élogede l’odorat
,Paris,OdileJacob, 1999.Qu’est-cequ’une
odeur ?Quel rôle l’odorat a-t-il joué au cours de l’évolutiondes animaux ?
Existe-t-il unemémoiredes odeurs ? Et pourquoi nepeut-on imaginer une
odeur ?
AndréHolley, Le
cerveaugourmand
, Paris, Odile Jacob, 2006. Sous l’effet de
l’industrialisation de la production, le goût se déprave et le plaisir s’affaiblit.
Desaliments trop riches, tropappétissants font violenceà lasagesseducorps.
Le surpoids gagne. Allons-nous devenir desmangeurs sans plaisir ? Peut-être
pas. À conditionde comprendre lesmécanismes qui régissent notreplaisir à
manger. Voici uneplongéedans lessaveurset lesarômesqui excitent nossens
et suscitent notre jouissancealimentaire.
AndréHolley,
LeSixième sens
: une enquête neurophysiologique, Paris, Odile
Jacob, 2015.
H. Zwaardemaker,
L’odorat
, Paris,Doin, 1925.
H.P. Zippel. Historical aspects of research on the vertebrate olfactory system,
Naturwissenschaften
, 1993, 80, 65-76.
Onpeut trouver les autres références du textedans L’
Élogede l’odorat
, Paris,
Odile Jacob, 1999.
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