La Lettre 50 - page 7

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organismeest exposéàune stimulationolfactivecontinue,
sasensationdécroît jusqu’àdisparaître totalement. Le repos
sensoriel restaureensuite la sensibilité initiale. Pendant les
pauses, le seuil s’élève au fur et àmesure que s’allonge
le tempspendant lequel l’organeest exposéau stimulant.
Zwaardemakeret sescontemporainsvoyaientdans la
fatigue
unphénomènepériphérique, reposant sur lespropriétésdes
récepteurs. Des recherches très récentes ont commencé
à endécrire lesmécanismesmoléculaires. Il y a toutefois
unecomposantede l’adaptationqui s’exprimeàunniveau
plus central, commeC. A. Elsberg l’adémontrédès 1935.
L’auteuradapted’abord l’odoratd’unsujet enstimulant une
seulede ses narines puis il mesure le seuil deperception
pour lastimulationde l’autrenarinequi n’apasétéexposée.
Le seuil est augmenté. C’est doncque l’adaptation est en
partieunphénomènecentral.
L’adaptationdes récepteursa inspiréàZwaardemakerune
stratégiede recherchequi présentebiendes intuitionsper-
tinentes. Il existe une adaptationque l’onpeut qualifier de
croiséeet qui apparaît lorsque le seuil deperceptionpour
l’odorantBs’élèveà lasuitede l’expositionde l’organeolfactif
à l’odorant A. L’adaptation croisée est unphénomène très
répandumais qui varie considérablement endegré selon
lescouplesd’odorantsdont les interactions sont étudiées.
De l’énergiespécifiquedesodeursaux récepteurs
olfactifs
Lesconsidérationssur l’adaptationcroiséenousconduisent
à introduiredeux notions. L’une, est cellede classification
des odeurs, l’autre, celled’
énergie spécifique
des odeurs.
Cettedernière notion utiliséepar Zwaardemaker rappelle
celle
d’énergiespécifiquedesnerfs
introduitepar Johannes
Müller dans son célèbre
Handbuch der Physiologie des
Menschen
, l’expressiondésigne cettepropriétédes nerfs
d’évoquer, lorsqu’ilssont irrités,deseffetsqui nedépendent
pas de la naturedu
stimulus
qui les a excitésmais de leur
nature intrinsèque. Nous savonsmaintenant que les nerfs
nedéterminent pas la spécificitéde la sensation en vertu
d’une formed’énergiequi leur serait propre, mais bien en
raisondes connexions synaptiques qu’ils établissent avec
desaires spécifiquesdu systèmenerveuxcentral.
Pour Zwaardemaker, l’énergie spécifique des odeurs est
d’abord responsablede l’effet sensoriel spécifiqueproduit
par les corps odorants, mais il va plus loin en supposant
qu’il existeunepluralitéd’énergiesspécifiquesdesodeurs,
enquelquesorteplusieurssous-modalitésolfactives.C’est
encepoint que se fait la jonction aveccet autreproblème
récurrent qu’est laclassificationdesodeurs.
Envoulantétabliruneéquivalenceentreénergiesspécifiques
et classesd’odeurs,Zwaardemakerconfirmaitque lesouci
declasser lesodeursn’estpasétrangeràceluid’expliquerce
qu’ellessontetcommentellesse forment.De touteévidence,
lanotionmodernecorrespondanteest cellede récepteur.
Lemalheur,pourZwaardemakeret sescontinuateurs, c’est
que lesclassificationsdesodeurs, supposéeseffectuéessur
labasede leursqualités sensorielles, étaient par définition
subjectives. Lorsque, plus tard, lesmoyens de l’analyse
factorielle furent employés pour organiser rationnellement
lesmesures de ressemblance qualitative entre odorants,
onvit clairementque lemondedesodeursnese laissepas
partitionner en classes aux frontières étanches. En réalité
on voulait découper cequi était un tissuquasi continude
sensations. Il étaitdonc illusoired’ychercheruncheminvers
des processus physiologiques discrets et Zwaardemaker,
qui n’était pasnaïf, enétait parfaitement conscient.
Lamesurede l’adaptationcroiséeentreodorants avait sur
les traditionnelles classifications des odeurs le net avan-
tagede l’objectivité tout enpermettant à l’expérimentateur
d’accéder enprincipe àdes phénomènes saisis très près
de l’originede la sensation. Mais l’entreprise commencée
par Zwaardemaker et poursuivieplus tardpar E.P. Köster
(1971) àUtrecht se révélad’unedifficulté insurmontable.
Lesenseignementsdesanosmies
Lesanosmiespartiellessemanifestentparune forte réduc-
tionde lasensibilitéàunesubstanceparticulièreetquelques
molécules apparentées, chez des sujets qui ont un odorat
parfaitement fonctionnel par ailleurs. M. Guillot, en 1947,
décrivitplusieursdecesanomaliesqui furentplus tardétu-
diées plus systématiquement par JohnAmoore aux États-
Unisvers lafindesannées1960. L’undesexemples leplus
souvent cités est celui de l’anosmiepour l’odeur rancede
l’acide isovalérique
qui s’étend à plusieurs autres acides
gras volatilsàchaînecourte.
Dans lavoie indiquéeparZwaardemaker,Guillot,puisAmoore
(1967), entendaient bien établir un lien entre les anosmies
sélectiveset lesclassesd’odeurs. La théoried’Amoore,qui
a été très influente, reprenait une idéequi n’était pas nou-
velle, cellede l’existenced’unnombredéterminé
d’odeurs
primaires
(Guillot les avait appelées fondamentales) dont
toutes les odeurs dériveraient par combinaison. La formu-
lationétaitmalheureusecaronn’a jamaispu reproduireune
odeur donnée enmélangeant lesmolécules vectrices de
quelquesprétenduesodeurs fondamentales.
Zwaardemaker avait été finalement mieux inspiré avec sa
notiond’énergiespécifiquequi nevisait sansdoutepasdes
sensationsmaisplutôtdesmécanismes récepteurs.Carc’est
bienàdescatégoriesde récepteursquepensait en réalité
Amoorepour lequel l’odeur qui était l’objet d’une anosmie
sélectivedésignait un typede récepteurdéfaillant.Amoore
entreprit d’ailleurs deprédire la structuredes sites récep-
teurs àpartir de la forme tridimensionnelledesmolécules
qui étaient supposéesêtre leursmeilleurs ligands, selonune
conceptionclé-serrure très imparfaite.
L’idéeque les anosmies partielles sont imputables à l’ab-
sence ou aumauvais fonctionnement d’un récepteur reste
d’actualité.Des travauxdegénétiquemontrentquecertaines
aumoinsdesanosmiespartiellesconnuesse transmettent
par voie héréditaire selon unmode récessif simple. Il est
donc toutà faitpossibleque lesanosmiesspécifiquessoient
la conséquencedemutations affectant certains gènes de
récepteurs.Certains faits, cependant, nesontpas tout à fait
comprisdanscecadre.
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