La Lettre 50 - page 5

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parcelle de leur substance ? En 1915, J. Bazzoni fit pas-
ser pendant sept mois un courant d’air sec sur unepetite
quantitédemuscet constata, à l’issuede l’expérience, une
pertedepoids infimemais réelle. Lesodeursn’étaientdonc
pas impondérables. Pour le prouver, il avait fallu simple-
ment disposer d’unebalance assez sensible et empêcher
lavapeurd’eaude l’atmosphèredevenir troubler lamesure
en s’adsorbant sur leproduit.
L’accèsdesparticulesmatériellesauxcellules réceptrices
posait un problème. Les vapeurs odorantes ne peuvent,
pensait-on, accéder à lamuqueuse olfactivequepar dif-
fusion, processus lent qui tend à séparer les substances
selon leurpoidsmoléculaire.Aussi,depuis lesexpériences
deE.PaulsenetdeH.Zwaardemakerpour reconstituer sur
des cadavres oudesmoulages enplâtre la voie naturelle
de l’air, matérialisée par la fumée d’une lampe à pétrole,
jusqu’auxmodèles numériques les plus récents, l’histoire
de l’olfaction a étéponctuéepar des expériences, jamais
tout à fait concluantes, visant àétablir l’aérodynamiquede
lacaviténasaleet le régime, laminaireou tourbillonnaire,du
fluxd’air chargéd’odeur.
Lesdébutsde l’olfactométrie
Le livre deH. Zwaardemaker, L’
Odorat
, publié en 1925,
marque l’avènement des grands thèmes de l’ère scienti-
fiquede l’olfaction. L’unedes préoccupations dominantes
de l’ouvrageest cellede lamesuredu
stimulus
etde l’acuité
olfactive ou olfactométrie, et cellede lamesurede la sen-
sation ou
odorimétrie
. L’ouvrage de Zwaardemaker offre
plusieursfilsconducteurspour relier lepassédes recherches
et leurs aboutissements récents. Nous allons donc nous
laisser guider un tempspar les thèmesqu’il aborde.
Olfactométrie et odorimétrie sont tributaires deméthodes,
les unes conçues pour maîtriser le
stimulus
, les autres
pour appréhender la sensation. Ainsi, il n’est pas simple
d’ajuster la forcedu
stimulus
à lavaleurminimum tout juste
perceptible, c’est-à-dire la valeur
seuil
. Différents procé-
dés ont été utilisés. Certains, comme Valentin, diluaient
la vapeur odorante dans l’air, par étapes successives.
D’autres, comme R. Froehlich, mêlaient les substances
actives à de la poudre d’amidon inodore et plaçaient le
flaconàquelquedistancedunezdu sujet. JacquesPassy
préconisa unprocédédont Zwaardemaker reconnut qu’il
marquait un grand progrès dans
l’histoirede l’olfactométrie et qui
eutune largepostérité,celuides
dilutionssuccessivesenphase
liquide.
Aussi, Zwaardemaker entreprit-
il de construire un appareil qu’il
appela
olfactomètre
et qui devait être le
premier exemplaired’unesérieextrême-
ment variéededispositifsdemêmefinalité
(figure2). La fabricationd’olfactomètres,
quelles devaient se trouver les protéines réceptrices des
odorants.Ons’habituaà l’idéeque les récepteursd’odorants
étaient portés par les cils, avant d’avoir pu en effectuer la
démonstration.
F. Leydig avait décrit les figures les plus saillantes du
bulbe olfactif, les glomérules, quelques années avant que
Schultzenedécrive lescellulesde l’épithéliumolfactif. Les
deuxbulbesolfactifscontiennent, eneffet, chacun, unmil-
lier environde ces sphérules d’undiamètrede l’ordredu
dixièmedemillimètre, situées sous lacouche fibreusedes
axonesdescellules réceptrices.C’estd’abordC.Golgi puis
S. Ramón yCajal qui ont interprété la signification anato-
miquedecesglomérules,demêmequecelledesprincipales
cellules. Avec l’émergence de la notion de récepteur, les
recherchesse focalisèrent sur lamembranedescilspour y
chercherdes indicesde la fonction réceptrice.Ondécouvrit
que cettemembrane contenait de nombreuses particules
qui pouvaient correspondreàdesprotéines.Sansdoute les
récepteurs des odeurs figuraient-ils parmi
ces particules
intramembranaires
,mais riennedésignaitparticulièrement
uneclassedecesparticulespourassumer la fonction recher-
chée. Il fallut laconvergencedecesobservationsetd’études
fonctionnellespour que s’imposât finalement l’idéequece
sont lescilsqui portent les récepteursdesodeurs.
Dans lesglomérules, les axonesdes neurones récepteurs
se terminent aucontactdesdendritesdescellulesmitrales.
Ces dernières, disposées en une seule couche, sont les
neuronesmajeursdubulbe. Leursaxonesquittent lebulbe
olfactif et forment le
tractusolfactif latéral
rejoignant lesaires
ducortexolfactif à labasede la région frontaleducerveau.
Parmi les autres catégories de neurones, se trouvent des
cellulesdites
granulaires
, nombreuxpetitsneurones locaux
qui contactent les cellulesmitrales et s’avéreront êtredes
neurones inhibiteurs.
En résumé, une seule catégoriede neurones, les cellules
mitrales, s’interposent entre les cellules réceptrices et les
cellulescorticales.
L’étudeexpérimentalede laperceptiondesodeurs
Avantque laneurophysiologieneparvienneà relier l’organi-
sationdescircuitsneuronauxet la fonctionolfactive, lades-
criptiondespropriétésde laperceptiondesodeursdevait
être accomplie. Combinant l’expérimentation sur l’homme
et laconnaissancedecertainesdespropriétés
physico-chimiques des corps
odorants, la psychologie
expérimentaleet lapsycho-
physique commencèrent à
établir, àpartir dumilieudu
XIX
e
siècle, uncertainnombre
de faits souvent interprétés dans le cadre d’éphémères
« théoriesde l’olfaction».
Si certains, audébutduXX
e
 siècle, admettaientque l’odeur
étaitportéepardesparticulesdematière, uneénigmesub-
sistait : commentdesproduits telsque lemuscpouvaient-ils
libérer des particules odorivectrices sans apparemment
perdre, même au bout de plusieurs années, lamoindre
Figure2-
Lepremierolfactomètrede
Zwaardemaker
1,2,3,4 6,7,8,9,10,11,12,13,14,15,...41
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